Page images
PDF
EPUB

qu'elle s'opposa à la vérification des bulles de la légation du cardinal d'Amboise.

De ces deux maximes dépendent, ou conjointement, ou séparément, plusieurs autres particulieres qui ont esté plustost pratiquées et executées qu'escrites par nos ancestres, selon les occurrences et sujets qui se sont presentez.

De la premiere semble principalement dependre ce qui s'ensuit.

Suzerain ès choses spirituelles. ] Cette plénitude de puissance que le saint-siége a sur les choses spirituelles ne va cependant pas jusqu'à lui donner le droit de réformer, ni d'abroger les décrets des conciles œcuméniques. Le pape Zozime l'a dit en propres termes : Contrà statuta Patrum condere aliquid, vel mutare, nec hujus quidem sedis apostolicæ potest auctoritas.— Ajoutons que, dans les décisions nouvelles, « le jugement du pape n'est pas irréformable, si le consentement de l'Église n'intervient. » (Déclaration de 1682, art. 4.)

Une preuve d'ailleurs que le pape n'est pas infaillible se tire de ce que dit saint Bernard, à titre d'éloge, dans sa 180 épître Que le pape peut se réformer lui-même, et révoquer ses premières décisions, s'il s'aperçoit qu'elles sont erronées Hoc solet habere præcipuum apostolica sedes, ut non erubescat revocare quod à se fortè deprehenderit fraude elicitum, non veritate promeritum. Res plena æquitate, et laude digna, ut de mendacio nemo lucretur, præsertim apud sanctam et summam sedem.

Voyez ci-après l'article XL.

L'ancien roman françois. ] Le Roman de la Rose, où Jean de Meun a mis ces quatre vers:

Si n'estoit la bonne garde

De l'Université qui garde
La clef de la Chrestienté;

Tout eust esté bien tourmenté.

En pleine cour de parlement. ] Le plaidoyer de l'avocat du roi, en cette occasion, est rapporté au chap. XXIII, nombre 13, des Preuves des Libertés.

Plustost pratiquées qu'escrites. ] Voyez la note sur l'article III.

VII.

Titres particuliers de nos rois, et forme de leur obédience envers les papes.

Le roy tres-chrestien oinct, premier fils et protecteur de l'Église catholique, envoyant ses ambassadeurs au pape eleu pour le congratuler de sa promotion et le recognoistre comme pere spirituel et premier de l'Église militante, n'a accoustumé d'user de termes de si precise obeissance que plusieurs autres princes, qui d'ailleurs ont quelque spécial devoir ou obligation particuliere envers le sainct siege de Rome, comme vassaux, tributaires ou autrement; mais seulement se recommande et le royaume que Dieu luy a commis en souveraineté, ensemble l'Église gallicane, aux faveurs de sa saincteté. Et telle est la forme contenue és plus anciennes instructions de telles charges et ambassades, notamment és lettres du roy Philippes le Bel au pape Benedict XI, jadis envoyées par le sieur de Mercueil, messire Guillaume du Plessis, chevalier, et maistre Pierre de Belle

Perche, chanoine en l'église de Chartres, ses conseillers et ambassadeurs à cette fin, ausquels toutesfois il donne encor pouvoir de rendre à sa Beatitude plus ample tesmoignage de toute reverence et devotion. Et plus grande submission que le roy Loys onzième, à son advenement à la couronne voulut faire par le cardinal d'Alby au pape Pie second, pour aucunes particulieres occasions, dont se trouvent encore quelques remarques, ne fut trouvée bonne par ses sujets, notamment par sa cour de parlement, qui luy en feit de fort grandes remonstrances et de bouche et par escrit, dés lors oublié; et depuis encor, tous les trois Estats du royaume assemblez à Tours en feirent unanimement plaintes, dont se peuvent voir le reste és cayers lors presentez par maistre Jean de Rely, docteur en la Faculté de Théologie, et chanoine de l'Église de Paris, deputé desdicts Estats.

Le roy tres-chrestien. ] « Le royaume de France à tout grand besoin et extrême nécessité avoit de tout temps eu l'épée au poing pour augmenter, secourir et défendre l'Église; dont pour le loyer de ses mérites, en portoit entre les autres royaumes chrétiens l'excellent titre d'honneur souverain du nom très chrétien. » (JEAN D'AUTON, Hist, de Louis XII, sur l'an 1506.)

Premier fils. Fils aîné de l'Église; de même que l'Université s'appelait fille aînée de nos rois : fille aînée, mais toujours mineure, et sous la tutelle de son père.

Protecteur.] Le roi était patron de toutes les Églises de son royaume; et dans les inféodations et concessions, même à titre d'apanage, sa majesté se réservait toujours la garde des Eglises.

Ambassadeurs au pape eleu. ] Plus anciennement les papes commençaient par prévenir les rois de France de leur élection. (Hist. de Thou, lib. 4.) Voyez ci-après article IX. On trouve des monuments curieux de cet usage continué, jusqu'au règne de Charles VII, dans les Preuves des Libertés, chap. II, no 8. La note surtout est importante.

De si precise obeissance. ] De simple obéissance filiale. Ce que l'historiographe du pape Pie II explique très-bien, lorsqu'en parlant de l'obédience prêtée à ce pontife par l'envoyé du roi Charles VII, il dit: Obedientiam regis Galliæ nomine præstitit; filialem illam appellavit, ut servilem excluderet. Voyez ci-après art. VIII.

Se recommande.] Sur quoi Dupuy fait une remarque très-judicieuse : « Il serait à désirer, dit-il, que lorsque nos rois rendent ces civilités aux papes, l'on fust aussi scrupuleux que l'on estoit le tems passé, pour ne point donner l'avantage à ceux de Rome, qui tirent tout à leur profit, et ne laissent perdre aucune occasion d'augmenter leur autorité, et puis en tirent des conséquences, qu'ils font passer pour droits qu'ils ne quittent jamais. »

Pour aucunes particulieres occasions. ] Louis XI voulant obtenir du pape qu'il assistât la maison d'Anjou, pour le royaume de Sicile, contre le roi Ferdinand, avait consenti à l'abolition de la Pragmatique-sanction, et avait rendu au saint-père des devoirs extraordinaires par le cardinal d'Albi, son ambassadeur.

Es cayers. ] Où il est dit : « Pareillement s'est vuidé grand' finance de ce royaume, et est écoulée en cour de Rome par cette grande playc que fit le cardinal d'Albi quand il porta la lettre du roi defunt (Louis XI) que Dieu absolve, obtenue par mauvaise suggestion; par laquelle le

roy soubmettoit tout le faict de l'Église, et les biens d'icelle, en la volonté de notre saint pere, pour en user en ce royaume, prout vellet, sans avoir égard aux libertés de l'Église gallicane. » Au surplus, cela s'explique par le caractère de Louis XI: il ne craignait pas de promettre beaucoup, parce qu'il se réservait toujours de ne rien tenir. Il ne songeait jamais qu'à se tirer d'affaire pour le moment; et il était alors fort embarrassé par ses affaires d'Italie.

VIII.

Les rois de France, protecteurs et défenseurs du saint-siége, ne promettent au pape qu'une obéissance filiale.

En somme, les rois tres-chrestiens ayant exposé nonseulement leurs moyens, mais aussi leurs propres personnes, pour mettre, restablir et maintenir les papes en leur siege, accroistre leur patrimoine de tres-grands biens temporels, et conserver leurs droits et authorité par tout, les ont tousjours recogneus pour peres spirituels, leur rendant de franche volonté une obeissance non servile, mais vrayement filiale, et comme disoyent les anciens Romains en chose non du tout dissemblable: Sanctitatem apostolicæ sedis sic comiter conservantes, quemadmodùm principes liberos decet, si non æquo jure (comme il faut recognoistre qu'és choses spirituelles, il y a prééminence et supériorité de la part du sainct siege apostolique) certè non ut dedititios, aut fundos.

Comiter conservantes. ] Cic. Orat. pro Corn. Balb.

« PreviousContinue »