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IX.

Si les papes doivent envoyer leur profession de foi aux rois de France.

Aucuns de nos docteurs françois ont aussi dit et laissé par escrit, que les papes à leur advenement estoient tenus envoyer au roy tres-chrestien la profession de leur foy telle qu'elle se trouve en l'ancienne collection du cardinal Deus-dedit, et en quelque registre du thresor du roy, sous le nom de Benedictus; adioustans que le pape Boniface VIII l'envoya sub plumbo, à l'exemple de celle de Pelagius au roy Childebert, dont se voyent quelques eschantillons au decret de Gratian. Ce que je ne trouve avoir esté continué par forme de coustume louable ou autrement; et semble que cela ayt esté faict par aucuns papes à la priere des rois de France, pour le devoir commun de tous chrestiens, qui sont admonestez d'estre tousiours prests à rendre compte de leur foy quand ils en sont requis; sinon que quelcun voulust encores remarquer cela pour un reste de l'ancienne façon de faire qui se practiquoit lorsque les papes avoient accoustumé d'envoyer leurs elections aux roys de France pour les agréer et confirmer.

Par aucuns papes. ] « Il ne paraît pas, dit Lenglet-Dufresnoy, que c'ait été un droit commun; mais seulement que des conjonctures particulières avaient engagé nos rois à demander à ces deux papes une profession de foi qui pût détruire dans leur esprit, et parmi leur peuple, les mau

vais bruits qu'on avait semés contre leur doctrine et leur élection. »

Agréer et confirmer. ] Voyez la note 4 sur l'art. VII.

X.

Les rois de France ont le droit d'assembler des conciles dans leurs États, et de faire des tois et règlements sur les matières ecclésiastiques.

Les rois tres-chrestiens ont de tout temps, selon les occurrences et necessitez de leur pays, assemblé ou fait assembler synodes ou conciles provinciaux et nationaux, esquels, entre autres choses importantes à la conservation de leur Estat, se sont aussi traitées les affaires concernant l'ordre et discipline ecclesiastique de leur pays, dont ils ont faict faire reigles, chapitres, loix, ordonnances et pragmatiques sanctions, sous leur nom et authorité et s'en lisent encor aujourd'hui plusieurs ès recueils des decrets receus par l'Église universelle, et aucunes approuvées par conciles generaux.

De tout temps. ] Même du temps de Clovis. Ce prince, aussitôt après sa conversion, fit assembler, à Orléans (l'an 544), un concile dans lequel les évêques s'expriment en ces termes: Domino suo, catholicæ Ecclesiæ filio, Clodovao gloriosissimo regi, omnes sacerdotes quos AD CONCILIUM VENIRE JUSSISTIS. - Toute l'histoire intermédiaire, jusqu'à nos jours, atteste que les conciles provinciaux et nationaux n'ont jamais été assemblés que par l'ordre et avec la permission de nos rois. - Enfin, la loi du 18 germinal an X,

article 4, porte ce qui suit : « Aucun concile national ou métropolitain, aucun synode diocésain, aucune assemblée délibérante n'aura lieu sans la permission expresse du gou

vernement. »

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Loix et ordonnances. ] Témoin tous les règlements en matière ecclésiastique, qui abondent dans notre législation ancienne et moderne.

Sous leur nom et authorité. ] On peut citer pour exem→ ple l'ordonnance de Blois. Plusieurs articles de cette ordonnance, concernant la discipline de l'Église, sont conformes aux décrets du concile de Trente. Cependant, on ne peut pas dire qu'ils tirent leur autorité de ce concile, mais du roi, qui, de l'avis des États de son royaume, en a fait une ordonnance. - Et de fait, Henri IV, par son édit de 1606, confirmant l'art. 40 de l'ordonnance de Blois, touchant les mariages, et enjoignant aux juges d'Église de le garder, ne dit pas qu'ils seront tenus de garder les décrets du concile de Trente dont cette ordonnance est tirée, mais seulement l'ordonnance: « à la charge, porte l'édit, qu'ils seront » tenus de garder les ordonnances, même celle de Blois en >> l'art 40. »

Nous présenterons ici, comme un excellent résumé des principes sur cette matière, ce qu'a dit, de la pragmatique de Charles VII, M. Dubois, dans son Recueil des Maximes, et après lui Durand de Maillane, t. II, p. 29 : « La pragmatique est composée de trois parties. La première, qui est la préface, nous apprend, 1o que le concile de Bâle, ayant député des ambassadeurs vers le roi Charles VII pour le supplier de recevoir quelques-uns de ses décrets, reconnut que la réception d'un concile, dans toutes les ma-` tières de police, dépend absolument de nos rois ; et cette

reconnaissance justifie le refus que l'on fait d'avoir égard aux bulles du pape qui ne sont point accompagnées de lettres patentes; - 2o que le roi, dans scn conseil composé de tous les Ordres de son État, peut faire des règlements touchant la discipline ecclésiastique.

>>> La seconde, qui contient les articles du concile de Bâle, avec les modifications de l'assemblée de Bourges, justifie que nos rois n'acceptent les règlements de la police ecclésiastique faits par les conciles, qu'autant qu'ils sont convenables au bien de l'État, quoiqu'ils reçoivent avec soumission et déférence filiales les définitions qui regardent la foi; ce qui sert à faire voir que la manière avec laquelle nous avons reçu le concile de Trente n'est pas nouvelle, mais conforme aux règles de l'Église gallicane.

>>> La troisième, qui est la conclusion, dans laquelle l'assemblée de Bourges ayant arrêté qu'il sera fait instance au concile pour autoriser les modifications, et que néanmoins elles seront exécutées par provision, est une excellente preuve de l'autorité du roi pour les règlements provisionnels sur les affaires ecclésiastiques, et du pouvoir légitime de ses parlements pour le secours de ses sujets, en cas de refus ou des papes, ou des ordinaires. »>

On peut voir aussi, sur le même sujet, un savant ouvrage en 2 vol. în-12, imprimé à Paris, en 1766, sous ce titre « Histoire de la réception du concile de Trente dans les différents Etats catholiques, avec les pièces justificatives, servant à prouver que les décrets et règlements ecclésiastiques ne peuvent et ne doivent être exécutés sans l'autorité des souverains. >>

XI.

Des légats à latere, et de leurs pouvoirs en
France.

Le pape n'envoye point en France legats à latere avec faculté de reformer, juger, conferer, dispenser, et telles autres qui ont accoustumé d'estre specifiées par les bulles de leur pouvoir, sinon à la postulation du roy tres-chrestien ou de son consentement; et le legat n'use de ses facultez qu'après avoir baillé promesse au roy par escript sous son seing, et juré par ses sainctes ordres de n'user desdites facultez és royaumes, pays, terres et seigneuries de sa sujettion, sinon tant et si longuement qu'il plaira au roy; et que si tost que ledit legat sera adverty de sa volonté au contraire, il s'en desistera et cessera. Aussi qu'il n'usera desdites facultez sinon pour le regard de celles dont il aura le consentement du roy, et conformement à iceluy, sans entreprendre ny faire chose prejudiciable aux saincts decrets, conciles generaux, franchises, libertez et privileges de l'Église gallicane, et des universitez et estudes publiques de ce royaume. Et à ceste fin sc presentent les facultez de tels legats à la cour de parlement, où elles sont veues, examinées, vérifiées, publiées et registrées sous telles modifications que la cour voit estre à faire pour le bien du royaume, suivant lesquelles modifications se jugent tous les procés et differends qui surviennent pour raison de ce, et non autrement.

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