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Le légat.] Les légats ne sont que des ambassadeurs sans juridiction. Toute notre histoire dépose du soin avec lequel le parlement et la cour de France ont veillé au maintien de cet article de nos libertés. (Voyez les pièces qui composent le chap. XXIII des Preuves des Libertés, ainsi que les articles 11, 45, 58, 59 et 60 des Libertés. ) On retrouve une règle précise sur ce point dans l'art. 2 du titre Jer de la loi du 40 germinal an X, et l'on a un exemple de son observation dans l'arrêté relatif à l'enregistrement des bulles du cardinal Caprara, légat à latere, qui prescrit les formalités à observer par ce légat pour l'exercice des facultés énoncées dans lesdites bulles. Cet arrêté, en date du 18 germinal an X, est ainsi conçu :

«Art. Ier. Le cardinal Caprara, envoyé en France avec le titre de légat à latere, est autorisé à exercer les facultés énoncées dans la bulle donnée à Rome le lundi 6 fructidor an IX, à la charge de se conformer entièrement aux règles et usages observés en France en pareil cas, savoir :

» 4° Il jurera et promettra, suivant la formule usitée, de se conformer aux lois de l'État et aux libertés de l'Église gallicane, et de cesser ses fonctions quand il en sera averti par le premier consul de la république.

>> 2o Aucun acte de la légation ne pourra être rendu public, ni mis à exécution, sans la permission du gouver

nement.

» 3o Le cardinal légat ne pourra commettre ni déléguer personne sans la même permission.

» 4o Il sera obligé de tenir ou faire tenir registre de tous les actes de la légation.

» 5o Sa légation finie, il remettra ce registre et le sceau sa légation au conseiller d'État chargé de toutes les

affaires concernant les cultes, qui le déposera aux archives du gouvernement.

» 6o Il ne pourra, après la fin de sa légation, exercer directement ou indirectement, soit en France, soit hors de France, aucun acte relatif à l'Église gallicane.

» Art. 2. La bulle du pape contenant les pouvoirs du cardinal légat, sera transcrite en latin et en français sur les registres du conseil d'État, et mention en sera faite, sur l'original, par le secrétaire du conseil d'État; elle sera insérée au Bulletin des lois. >>

Le cardinal lui-même se conforma aux termes de cet arrêté lors de sa présentation « auprès de notre très-cher fils en Jésus-Christ Napoléon Bonaparte, premier consul de la République Française 1, » à l'audience du 19 germinal an X, en présence des ministres, des conseillers d'État, du corps diplomatique, etc....

DISCOURS DU CARDINAL LÉGAT.

« Général premier consul, c'est au nom du souverain pontife, et sous vos auspices, général premier consul, que je viens remplir au milieu des Français les augustes fonctions de légat à latere.

» Je viens au milieu d'une grande et belliqueuse nation, dont vous avez rehaussé la gloire par vos conquêtes et assuré la tranquillité extérieure par une paix universelle, et au bonheur de laquelle vous allez mettre le comble en lui rendant le libre exercice de la religion catholique. Cette gloire vous était réservée, général consul; le même bras qui gagna des batailles, qui signa la paix avec toutes les

1 Les mots soulignés appartiennent au Texte de la bulle de nomination du cardinal Caprara.

nations, redonne de la splendeur aux temples du vrai Dieu, relève ses autels et raffermit son culte.

» Consommez, général consul, cette œuvre de sagesse si long-temps désirée par vos administrés, je ne négligerai rien pour y concourir.

» Interprète fidèle des sentiments du souverain pontife, le premier et le plus doux de mes devoirs est de vous exprimer ses tendres sentiments pour vous et son amour pour tous les Français. Vos désirs régleront la durée de ma demeure auprès de vous; je ne m'en éloignerai qu'en déposant entre vos mains les monuments de cette importante mission, pendant laquelle vous pouvez être sûr que je ne me permettrai rien qui soit contraire aux droits du Gouvernement et de la nation. Je vous donne pour garant de ma sincérité et de la fidélité de ma promesse, mon titre, ma franchise connue, et, j'ose le dire, la confiance que le souverain pontife et vous-même m'avez témoignée. »

Universitez et estudes publiques. ] Cette réserve quant aux estudes publiques est remarquable. Elle atteste le droit que l'État a toujours exercé sur l'enseignement.

XII.

Du ci-devant légat d'Avignon, et de ses pouvoirs.

Semblablement le legat d'Avignon, quand ses facultez s'estendent outre le comtat de Venise et terres dont le pape jouit à présent, auparavant qu'user de ses facultez és pays de l'obeissance et souveraineté du roy, fait pareil serment et baille semblable promesse par escrit, et notamment de n'entreprendre aucune chose sur la ju

ridiction seculiere, ny distraire les sujets, interdire ou excommunier les officiers du roy, ou faire chose contre les libertez de l'Église gallicane, edicts, coustumes, statuts et privileges du pays. Et sous ces modifications et à la charge d'icelles, sont ces facultez et celles de ses vice-legats vérifiées en la cour de parlement de Dauphiné, et autres respectivement pour ce qui est de leur ressort, apres qu'elles ont esté presentées par eux avec placet et lettres du roy.

Légat d'Avignon. ] Avignon fait actuellement partie intégrante du royaume de France, et ne reconnaît d'autre souveraineté que celle du roi, ni d'autres lois que celles de la France.

XIII.

Les prélats français ne peuvent sortir du
royaume sans permission du roi.

Les prelats de l'Église gallicane, encore qu'ils soient mandez par le pape pour quelque cause que ce soit, ne peuvent sortir hors le royaume sans commandement ou licence et congé du roy.

Sans congé du roi. ] Loi du 18 germinal an X, art. 20. La raison en est parce qu'ils sont sujets du roi de France, et non d'aucun autre souverain. C'est pour cela que nos lois exigent, pour qu'on puisse être nommé évêque, que l'on soit originaire Français. (Loi du 18 germinal an X, tit. II, art. 16.) Voyez encore la même loi, art. 32; et dans les Opuscules de P. Pithou, p. 600, le fragment intitulé: Estrangers ne peuvent tenir bénéfice en France.

Lorsque le cardinal de Bouillon écrivit à Louis XIV, de Rome, où il avait été envoyé pour les affaires du Quiétisme: Je ne suis plus votre sujet! (ce cardinal prétendait qu'ayant prêté serment au pape, et présidant à Rome le sacré collége, il était par là même dispensé d'obéir aux ordres du roi de France, qui le rappelait ), d'Aguesseau, alors procureur-général, consulté sur le caractère de cette arrogante assertion, établit victorieusement, dans le mémoire qu'il nous a laissé sur ce sujet, que M. le cardinal de Bouillon n'avait pas pu, par sa seule volonté, abdiquer les devoirs et les obligations de sujet. Voyez les Annales du Barreau français, publiées par Warée, tom. X, 2o pare, pag. 329.

Jusqu'à quel point est-il permis ou défendu aux prélats français de correspondre avec le saint-siége sans la permission ou l'aveu du gouvernement? Voyez l'arrêt du Conseil du 28 février 1765, dans Durand de Maillane, t. Ier, p. 194.

Le code pénal de 1810, art. 207 et 208, prononce des peines contre les ministres des cultes qui entretiendraient des correspondances avec les cours ou puissances étrangères sur des matières de religion sans en avoir préala– blement informé le ministre des cultes.

Le

XIV.

pape ne peut lever deniers en France.

Le pape ne peut lever aucune chose sur le revenu du temporel des benefices de ce royaume, sous pretexte d'emprunt, impost, vacant, despouille, succession, deport, incompatibilité, commande, neuviesme, decime,

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