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XL.

Le concile universel est au-dessus du pape.

De la seconde maxime dépend ce que l'Église gallicane a tousjours tenu, que combien que, par la reigle ecclesiastique, ou (comme dit sainct Cyrille escrivant au pape Celestin) par l'ancienne coustume de toutes les Eglises, les conciles generaux ne se doivent assembler ni tenir sans le pape, clave non errante, recogneu pour chef et premier de toute l'Eglise militante, et pere commun de tous chrestiens, et qu'il ne s'y doive rien conclure ny arrester sans luy et sans son authorité : toutesfois il n'est estimé estre par dessus le concile universel, mais tenu aux decrets et arrests d'iceluy, comme aux commandemens de l'Eglise, espouse de notre Seigneur Iésus-Christ, laquelle est principalement representée par telle assemblée.

Seconde maxime.] Tous les articles qui précèdent sont une suite de la PREMIÈRE, touchant l'indépendance de nos rois et de leur gouvernement dans tout ce qui est du ressort de la puissance temporelle. La SECONDE maxime, posée dans l'art. 40, domine tous ceux qui vont suivre, et consacre la doctrine de l'Église gallicane sur l'autorité du concile universel. (Voyez tout le chapitre XII des Preuves.) Concile universel.] Ultimum Ecclesiæ judicium generale Concilium.

Le gouvernement de l'Église n'est pas un gouvernement despotique ni absolu : c'est un gouvernement constitutionnel et représentatif. Il a sa charte, qui est l'Évangile; son chef monarchique, qui est le pape; ses états-généraux,

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qui sont les conciles œcuméniques, autrement dits universels; ses précédents, qui sont attestés par la tradition; et une loi électorale, dont anciennement le premier article était : Vox populi, vox Dei.

Le clergé de France a été jusqu'à dire la république chrétienne1: non par esprit d'insubordination à l'égard du saint-siége, dont il n'a cessé de reconnaître la prééminence; mais pour exprimer que le gouvernement de l'Église n'avait rien d'absolu et qu'il avait pour base l'intérêt commun de la chrétienté. (Voyez la note Ire sur les art. V et VI.)

M. l'évêque d'Hermopolis s'exprime ainsi sur le même. sujet : « Les ultramontains, dit-il, portant plus loin que nous la puissance du chef, en font un monarque absolu. Quant à nous, nous ne regardons point le pape comme l'unique législateur dans la société chrétienne : nous n'en faisons pas le principe unique de toute juridiction; nous pensons que les évêques participent avec lui à la puissance suprême dans les choses de la religion, et sont appelés, quoiqu'avec une autorité moindre, à juger, à gouverner comme lui. Ainsi le saint-siége est pour nous le centre où tout aboutit, et non pas la source d'où tout émane. A nos yeux l'Église n'est donc ni une monarchie pure, ni une démocratie; c'est une monarchie tempérée par l'aristocratie, et qui a cela de populaire, qu'une de ses règles capitales, c'est que les emplois doivent être donnés au mérite: si bien que, dans leur distribution, la naissance et le crédit ne peuvent être comptés pour quelque chose qu'autant qu'ils seraient un moyen de plus d'opérer le bien. >> (Les vrais principes de l'Eglise gallicane, p. 93, édit. de 1826.)

Lettre de l'assemblée du clergé de France aux autres prélats, du 19 mars 1682,

On conviendra avec M. l'évêque de Tournai (Choiseul), dans son célèbre rapport à l'assemblée de 1682, que « la question de l'infaillibilité du pape et celle de la supériorité du concile général sont renfermées l'une dans l'autre. Car, s'il est vrai que le concile est supérieur au pape en ce qui touche la foi, les mœurs et la réformation générale de l'Église, il est constant que le concile peut réformer les décrets du pape, et que le pape peut faillir, puisque pouvoir faillir et pouvoir être réformé est la même chose. »

La doctrine de l'Église gallicane sur cette double question (la suprématie du concile universel et la non-infaillibilité du pape) est consacrée en termes formels par l'art. 4 de la Déclaration de 1682, qui dit : « Le jugement du pape n'est pas irréformable, si le consentement de l'Église

n'intervient. >>

De là l'usage pratiqué par ceux qui se sentaient trop vivement pressés par les papes, d'appeler au futur concile, à Papa ad Concilium....

Voyez, dans D'HÉRICOURT, Lois ecclésiastiques, le chapitre intitulé du Pape.

C'est ici néanmoins que s'établit la plus vive controverse entre les gallicans et ceux d'Italie qui soutiennent l'infaillibilité du pape, et vont même jusqu'à prétendre que cette doctrine est un article de foi. Écoutons à ce sujet le judicieux Dupuy: << Leur intérêt (dit-il en parlant de ces derniers) les oblige de maintenir cette doctrine; celui en faveur de qui ils écrivent, qui est le pape, pouvant les récompenser et les élever aux dignités les plus éminentes, et eux-mêmes pouvant parvenir à cette dignité de l'Église, et c'est cet intérêt qui les a poussés d'en écrire avec tant de chaleur. Au contraire, ceux qui ont écrit en faveur du concile n'ont aucune espérance de biens ni de grandeurs ;

il ne leur reste que cette consolation, d'avoir soutenu la plus saine doctrine. »

Un docte personnage d'Italie a donné un tour plus piquant à cette réflexion, en disant: Celui qui parle pour le pape peut fort bien devenir pape à son tour; mais à parler pour le concile, il n'y a nul intérêt personnel, puisque personne ne peut aspirer à devenir concile, mais seulement à faire la cinq centième partie d'icelui..... Veramente, il parlare a favore del concilio, non può toccare all' interesse proprio, poichè nessuna persona può aspirare à diventar concilio; mà solo da esser una quingentesima parte di esso.

XLI.

L'Église de France ne reçoit pas indistinctement tous les canons et décrétales.

Aussi l'Eglise gallicane n'a pas receu indifferemment tous canons et epistres decretales, se tenant principalement à ce qui est contenu en l'ancienne collection appellée Corpus canonum, mesme pour les epistres decretales jusques au pape Gregoire II.

N'a pas receu indifféremment tous canons.] Voyez déjà la note sur l'art. X ci-dessus, pages 14-16; et dans le Recueil des Preuves le chapitre XIV, qui a pour sommaire « Que les conciles généraux ne sont point reçus » ni publiés en France que par la permission et autorité » du roi. » Exemplum est in pragmatica sanctione, in quâ rex noluit acceptare omnia decreta concilii Basiliensis, sed tantùm ea quæ consona juris forent, et quæ in nullo poterant suæ reipublicæ præjudicare vel derogare. (Mé

MOIRE du procureur du roi de Troyes contre l'évêque de cette ville, en 1460, apud Dupuy. )

L'ancienne collection. ] Cet ancien corps de canons est la compilation qui fut faite à la suite des quatre conciles généraux de Nicée, Constantinople, Ephèse et Chalcédoine, et des cinq conciles particuliers d'Ancyre, de Néocésarée, de Gangres, d'Antioche et de Laodicée, confirmés et approuvés par les quatre conciles généraux dont on a parlé. Cette compilation fut intitulée Corpus canonum, et l'Église d'Orient y avait recours, non-seulement pour ce qui était de la foi, mais aussi pour la décision des controverses qui regardaient les mœurs et la discipline ecclésiastiques. Ce code était déjà en usage en Orient avant le concile d'Antioche, et avait été compilé sur une collection plus ancienne, faite de l'autorité des évêques. Il fut approuvé par six cent trente évêques, au concile de Chalcédoine, et autorisé par Justinien (novelle 434); et c'est de ce code canonique que le même Justinien et les autres empereurs tirèrent la plupart des constitutions qu'ils firent pour la police ecclésiastique. Pour ce qui est de l'Église d'Occident, elle se servit d'abord d'une traduction latine de cet ancien code canonique de l'Église d'Orient et de l'Abrégé des canons de Fulgentius Ferrandus; mais, vers l'an 527, Denisle-Petit fit une autre traduction du code de l'Église universelle; et, dans sa compilation, composée des conciles tant grecs que latins, il fit entrer cinquante canons des apôtres, reçus et approuvés par l'Église, et quelques décrétales et constitutions des papes, depuis Sirice jusqu'à Hormisdas. Cette compilation fut si bien reçue de toute l'église romaine, qu'on lui donna le titre de Codex canonum Ecclesiæ romanæ, ou bien Corpus canonum. C'est de ce code, ou corps des canons, que le pape

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