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pelle d'obédience. La liberté de l'Église gallicane peut compatir avec la dignité du saint-siége, et ne sont point deux choses contraires l'une à l'autre elles sont toutes deux légitimes; et cette proportion maintient l'Église et en retranche l'hérésie. »

Très-constamment maintenus. ] Ce serait donc parler improprement que de qualifier ces libertés anciennes de l'Église gallicane du nom de priviléges; parce que les priviléges sont des concessions ordinairement sujettes à être révoquées, n'étant par leur nature que des dérogations ou des exceptions faites au droit commun, auquel on aime toujours à revenir. Au contraire nos libertés sont un droit naturel et public, que nous avons constamment observé, et invariablement retenu au milieu des altérations et des changements que l'on a fait subir à l'ancien droit ecclésiastique. Ainsi, les libertés de l'Église gallicane sont restées droit commun chez nous, comme le droit moderne est devenu droit commun chez les autres nations, celles-là du moins qui ont eu le malheur et la faiblesse de laisser périr les libertés et franchises naturelles qui, dans l'origine, leur étaient communes avec les autres peuples de la chrétienté.

Voyez le savant ouvrage intitulé Essai historique sur les libertés de l'Église gallicane, et des autres Églises de la catholicité, pendant les deux derniers siècles, imprimé chez les frères Baudouin en 1820; 1 vol. in-8°.

Autre tiltre.] Voyez la note finale sur l'article suivant et les art. V et Vl.

IIL

Nos Libertés dérivent de deux maximes

fondamentales.

Les particularitez de ces libertez pourront sembler Infinies, et neantmoins, estans bien considérées, se trouveront dependre de deux maximes fort connexes que la France a toujours tenues pour certaines.

La France. ] « Il ne faut pas s'imaginer que les ecclésiastiques français composent seuls le corps de l'Église gallicane. Toute la France, c'est à-dire tous les catholiques français, composent tous ensemble le corps de cette Église. » DUPUY. Aussi les rois de France, pour le règlement des affaires ecclésiastiques de leur royaume, ne consultaient pas seulement les membres du Clergé; mais le Parlement, l'Université, la Sorbonne, et tels autres savants dont il leur plaisait de prendre le conseil.

Cette proposition se trouve fortifiée par le sentiment du célèbre Marca: Longè à proposito aberrant, dit cet antique ARCHEVÊQUE de Toulouse, qui Ecclesiam gallicanam clero coercent; latior est illius significatio, quæ laicos ipsumque Regem comprehendit. (MARCA, cap. I, lib. п: De concordia Sacerdotii et Imperii.)

Pour certaines. [ Encore bien qu'elles ne fussent pas rédigées par écrit en forme de charte comme le répondit, avec autant de raison que de vigueur, mon compatriote GUY COQUILLE, député du Nivernais aux États de Blois, à l'un de ses collègues (ultramontain sans doute), qui lui objectait que ces libertés « estoient comme chimères sans >> substance de corps; pour ce, disait-il, qu'il n'y en avoit

» rien d'escrit. »—Une possession de plusieurs siècles n'estelle donc pas le plus puissant de tous les titres! surtout lorsque cette possession a pour base les anciens canons de l'Église universelle, « puisqu'en effet les libertés de l'Église gallicane ne procèdent que de la constance avec laquelle les Français se sont perpétuellement maintenus au droit d'empêcher que les papes n'entreprissent rien en ce royaume au préjudice de la disposition de ces anciens canons, si ce n'est au moins du consentement du roi et du peuple. » (DUPUY.) – Cet incident fut sans doute cause que Guy Coquille composa son Traité des Libertés de l'Église gallicane, en 1594.

IV.

PREMIÈRE MAXIME Nos rois sont indépendants du pape pour le temporel.

La première est que les papes ne peuvent rien commander ny ordonner, soit en général ou en particulier, de ce qui concerne les choses temporelles ès pays et terres de l'obeissance et souveraineté du roy tres-chrestien; et s'ils y commandent ou statuent quelque chose, les sujets du roy, encore qu'ils fussent clercs, ne sont tenus leur obéir pour ce regard.

Souveraineté du roy. ] C'est une maxime fondamentale en France, que le roi ne tient que de Dieu et de son épée. Cette règle était écrite dès le temps de saint Louis; car on lit dans ses Établissements que le roy ne tient de nullui, fors de Dieu et de lui. (Liv. I, chap. 78; et liv. III, chap. 13 et 19.)

Sous Philippe-le-Bel, lorsque Boniface VIII osa attenter à l'indépendance de la couronne de France, toute la nation s'émut en faveur de son roi. L'université de Paris, les évêques, les théologiens, s'élevèrent contre cette révoltante prétention. La noblesse et le tiers-état parlèrent le même langage, et supplièrent le roi de ne point se relâcher sur les droits de sa couronne. On trouve à ce sujet, dans le Recueil des preuves, de Dupuy, tom. I, p. 108, no 17, édit. de 1654, une pièce très-curieuse intitulée : la Supplication du peuple de France au roy contre le pape Boniface VIII. Elle commence en ces termes <«< A vous, très-noble prince, nostre père, par la grâce de Dieu, roy de France, supplie et requiert le peuple de vostre royaume, pour ce que il li appartient que ce soit faict, que vous gardiez la souveraine franchise de vostre royaume, qui est telle que vous ne recognissiez de vostre temporel souverain en terre, fors que Dieu. »

Aux États tenus en 1644, les députés de la noblesse du bailliage de Dourdan avaient charge de requérir « qu'il sera déclaré auxdits États, et passé en loi fondamentale d'état, que le roi ne reconnaît et ne tient que de Dieu et de son épée, et n'est sujet à aucune puissance supérieure sur la terre pour le temporel de son état. >>

Ribier, dans son apologie du premier article du cahier du tiers, reproche à la noblesse d'avoir oublié «son bon mot ordinaire, que le roi ne tient sa couronne, sinon de Dieu et de son épée; d'être prêt à l'abandonner et le soumettre à la mitre. » (Les Erreurs de l'Examen du Traité de la Souveraineté de Savaron, p. 123.)

Arrêt du Parlement du 2 janvier 1645, qui proclame le principe de l'indépendance absolue de la couronne. (DURAND DE MAILLANE, tome 1, p. 58.)

L'auteur des Traités du droit français, à l'usage du duché

de Bourgogne, tome 1er, p. 24, interprète cette règle trèsbien et en peu de mots : «Nos rois, dit-il, ne tiennent que de Dieu, parce qu'ils ne sont dépendants d'aucune autre puissance; et c'est pour cela qu'ils se qualifient rois par la grâce de Dieu. Ils ne tiennent que de leur épée, en ce que, ne reconnaissant point de juges sur la terre, c'est par la force de leurs armes qu'ils se font rendre la justice qui leur est due, et qu'ils maintiennent leur autorité et les droits de leur couronne. »

Nec unquàm contrarium teneas, ne sacrilegii reus et majestatis fias, disait Jean Lecocq, Question 60.

Cette maxime est trop enracinée dans l'esprit et dans le cœur de la nation française, pour que nous puissions craindre qu'il y soit jamais porté sérieusement atteinte.

V et VI.

SECONDE MAXIME: La puissance du pape est bornée par les saints canons.

La seconde, qu'encore que le pape soit recogneu pour suzerain ès choses spirituelles, toutesfois en France la puissance absolue et infinie n'a point de lieu, mais est retenue et bornée par les canons et regles des anciens conciles de l'Église receus en ce royaume : et in hoc maximè consistit libertas Ecclesiæ gatticanæ, comme en propres termes l'université de Paris (qui garde, comme dit l'ancien roman françois, la clef de notre chrestienté, et qui a esté iusques à cy tressoigneuse promotrice et conservatrice de ces droits) feit dire et proposer en pleine cour de parlement, lors

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