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meslange de jurisdiction; mesme celui qui a impetré bulles, rescrits, ou lettres portans telle clause, est tenu declarer qu'il entend que les deleguez ou executeurs, soi clercs ou laïcs, en cognoissent jure ordinario: autrement y auroit abus.

Ne s'exécutent en France. ] Cet article de nos libertés se retrouve dans l'art. 4er de la loi du 18 germinal an X, portant que «< aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat, provision, ni autres expéditions de la cour de Rome, même ne concernant que les particuliers, ne pourront être reçues, publiées, imprimées, ni autrement mises à exécution, sans l'autorisation du gouvernement. >>

Depuis la promulgation de cette loi jusqu'à présent, les bulles qui ont été reçues l'ont été avec la clause suivante : « La bulle donnée à Rome le... contenant... sera publiée, sans approbation des clauses, formules ou expressions qu'elle renferme, et qui sont ou pourraient être contraires aux lois de l'Etat, aux libertés, franchises et maximes de l'Église gallicane. » Voyez au Bulletin des lois, passim.

Le recueil des Preuves des Libertés est rempli d'arrêts qui ont supprimé des productions apostoliques dont l'introduction en France n'avait pas été légalement autorisée. Voyez notamment tout le chap. X.

Je me contenterai de citer un exemple plus récent du soin avec lequel le gouvernement tient à l'observation de cette règle.

M. l'évêque de Poitiers ayant ordonné dans son diocèse la lecture d'un bref dont la publication n'avait pas probablement été autorisée par le gouvernement, le Roi a rendu, le 23 décembre 1820, une ordonnance ainsi conçue :

<«< Louis, etc. Vu un mandement de l'évêque de Poitiers, en date du 26 octobre 1820, par lequel il ordonne de lire,

dans toutes les églises paroissiales de son diocèse, la lettre par lui écrite au saint-siége, le 8 août de la même année, au sujet des prêtres et des fidèles dissidents, et le bref de sa sainteté donné en réponse à Sainte-Marie-Majeure, le 27 septembre suivant;

» Vu la déclaration du 8 mars 1772, et les articles 1ers de la loi du 8 avril 1802 (18 germinal an X), et du décret du 28 février 4810;

» Vu la lettre écrite à notre garde des sceaux par l'évêque de Poitiers, le 5 décembre présent mois, de laquelle il résulte qu'il a publié ledit bref non vérifié par pure inadvertance et sans aucune intention de contrevenir aux lois du royaume ;

>> Considérant que l'évêque de Poitiers avait usé de ses droits et de sa juridiction lorsqu'il a interdit les prêtres dissidents, et averti ses diocésains qu'ils étaient sans pouvoirs pour administrer les sacrements;

» Que, s'il jugeait à propos de consulter le pape sur cet acte d'administration de son diocèse, il ne pouvait publier le bref reçu de sa sainteté qu'avec notre PRÉALABLE autorisation;

» Que c'est une des règles les plus anciennes et les plus importantes de notre royaume, que, sous aucun prétexte que ce soit, les bulles, brefs, rescrits, constitutions, decrets et autres expéditions de cour de Rome, à l'exception de ceux concernant le for intérieur seulement, et les dispenses de mariage, ne puissent être reçus ni publiés sans avoir été yus et vérifiés par le gouvernement;

» Que s'il résulte de la lettre de l'évêque de Poitiers cidessus visée, qu'il n'a agi que par inadvertance et sans intention de contrevenir aux lois du royaume, il est toutefois d'une nécessité indispensable de maintenir l'observance desdites lois ;

» Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'état au département de l'intérieur;

>> Notre conseil d'état entendu,

>> Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. Ier. « Il y a abus dans le mandement de l'évêque de Poitiers sus-mentionné, en ce qu'il a ordonné la lecture et la publication d'un bref de sa sainteté sans notre autorisation, et ledit mandement est et demeure supprimé.

II. «Notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'état de la justice, et notre ministre secrétaire d'état de l'inté– rieur, sont chargés de l'exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des lois. »

Voyez encore décret du 23 janvier 1844, Bulletin n° 6474.

Jure ordinario. ] Non autoritate apostolicâ. ( Arrêt du 14 février 1563.)

XLV.

Le pape ni son légat n'ont juridiction en France sur les sujets du roi.

Le pape ou son legat à latere ne peuvent cognoistre des causes ecclesiastiques en premiere instance, ny exercer juridiction sur les sujets du roy et demourans en son royaume, païs, terres et seigneuries de son obeyssance, soit par citation, delegation ou autrement, posé ores qu'il y eust consentement du sujet ; ny entre ceux mesmes qui se dient exempts des autres juridictions ecclesiastiques, et immediatement sujets quant à ce au sainct siege apostolique, ou dont les causes y sont legitimement devolues; pour le regard desquels, en ce qui est de sa juridiction, il peut seulement bailler juges

deleguez in partibus, qui est à dire és parties desdits royaume, terres et seigneuries où lesdites causes se doivent traicter de droict commun, et au dedans des mesmes dioceses: desquels juges deleguez les appellations (si aucunes s'interjettent) y doivent aussi estre traictées jusques à la finale décision d'icelles, et par juges du royaume à ce deleguez. Et s'il se faict au contraire, le roy peut decerner ses lettres inhibitoires à sa cour de parlement, ou autre juge, où se peut la partie y ayant interest pourvoir par appel comme d'abus.

Jurisdiction sur les sujets du roi. ] Tout cet article repose sur deux maximes que j'ai déjà citées plusieurs fois : 1o qu'en France, toute justice émane du roi; donc elle ne peut émaner ni du pape ni de ses délégués, etiam à latere; 2o que nul ne peut être distrait de ses juges naturels; d'où il suit qu'aucun sujet du roi ne peut être tenu d'aller à Rome; et si l'on essayait de l'y contraindre, il peut appeler comme d'abus.

Posé ores. Quand même!

Consentement du sujet.] Le consentement des particuliers ne fait point préjudice aux principes dans les questions de droit public. Loi 45, § 1, ff. de regulis juris. On peut voir, dans le Recueil des preuves, tout le chapitre IX, ayant pour sommaire: «< Citations des sujets du roi en cour de Rome sont abusives: Arrêts contre aucuns qui, ayant décliné la justice royale, se sont pourvus en cour de Rome ou autre justice ecclésiastique. » Veut-on avoir la raison de cette jurisprudence? on la trouve dans ce passage des remontrances du parlement du 3 mars 1555:

« Ce n'est pas sans tres grande raison que les rois de France n'ont jusques icy voulu ne esté conseillez permettre

l'extraction et transport d'aucun de leurs sujets en cour de Rome, autre royaume ou potentat, pour quelque cas que ce ayt esté: car les sujets originaires de France estans dedans le royaume ne sont justiciables que de leur roy, lequel Dieu leur a donné prince naturel et souverain et tout ainsi que ses sujets lui doivent obeïssance, subjection et service, il leur doit protection et justice; et est l'obligation si reciproque, que leur roy, sans leur faire tort, ne les peut delaisser ne abandonner à pape, empereur, roy ne autre prince; et, s'il le fait, il rend sa justice suspecte, et ceux qui poursuivent l'extraction, taisiblement arguent le roy d'injustice, déclinans la sienne et en demandans une autre contre ses sujets. C'est bien au rebours du temps que les estrangers soumettoient leurs querelles et différends à celle de France!... Ce n'est pas fuir la justice que d'avoir crainte d'une justice estrangere. »

XLVI.

Suite du précédent.

Semblablement, pour les appellations des primats et metropolitains en causes spirituelles qui vont au pape, il est tenu bailler juges in partibus et intra eamdem diocesim.

Il est tenu bailler juges. ] Sinon, l'on n'est pas tenu de les aller chercher ultra montes.

En causes spirituelles. ] Voyez à cet égard le discours de d'Aguesseau sur l'arrêt d'enregistrement des lettres patentes en exécution de la bulle portant condamnation du livre intitulé: Explication des maximes des saints. Ce grand magistrat y établit avec sagesse et dignité les droits

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