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Harzheinz, aujourd'hui le Harzwald, le Hartz, située sur la rive droite du Rhin, devoit s'étendre de la Suisse vers le nord, sur une longueur de soixante journées de chemin, et du Rhin vers l'est, sur une largeur de neuf journées (1). Nous ne rechercherons pas ici le plus ou le moins d'exactitude de cette indication présentée, dit M. Trunck, par un auteur romain, qui souvent n'a eu d'autres données pour décrire l'Allemagne, que des rapports populaires et des ouï-dires; mais il est constant que cette forêt, connue sous les différens noms allemands qu'on vient de rappeler, comprenoit tout ce que nous appelons aujourd'hui la forêt Noire, les forêts de Fribourg, du Tyrol, de Salzbourg, la forêt d'Oden ou Otten, celles de Steiger et d'Anspach, autrement dites la forêt de Nuremberg, le Spessart, les forêts de Thuring et de la Bohême, enfin ce qu'on appelle les montagnes du Votgland et des mines. Nous allons dire un mot de quelques-unes de ces différentes parties de l'ancienne forêt hercynienne.

La forêt dite aujourd'hui la forêt Noire s'étend depuis le lac de Brégance et les villes forestières de Reinfeld et de Sechingen situées sur le Rhin, jusqu'à la ville de Fribourg en Brisgaw, autour de laquelle se trouve la forêt de Fribourg, de la contenance de plusieurs milliers d'arpens. La forêt Noire a sans doute reçu son nom des bois résineux qu'elle contient et qui de loin, sur-tout en hiver, lui donnent un aspect noir et lugubre.

La forêt hercynienne d'aujourd'hui, ou le Hartz, est diversement décrite, selon sa longueur et sa largeur, et selon qu'on y joint telle ou telle forêt. Elle comprend la haute montagne, dite le Blockberg. Les montagnes du Hartz sont situées entre la haute et la basse Saxe. Elles appartenoient, pour la plupart, aux électorats et principautés de Brunswick, du Hanovre, de Wolfenbuttel et de Stollberg. Cette forêt a probablement aussi reçu son nom de Harzwald ( forêt de bois résineux ) des pins et sapins qu'elle contenoit, quoique la basse forêt hercynienne ne soit composée en grande partie que de bois à feuilles (2), tels que le chêne et le hêtre ; quant à la partie supérieure de cette forêt, elle est toujours composée de bois résineux. L'administration de la forêt du Hartz, dit M. Trunck, est dans un bon état, qu'elle doit aux réunions fréquentes et aux délibérations communes des préposés forestiers. Nous passons sous silence la description des autres portions de l'ancienne forêt d'Hercynie, qui se trouve dans l'ouvrage de M. Trunck.

Cet auteur, après avoir indiqué les anciennes limites des forêts hercyniennes et des Ardennes, traite du partage qui fut fait des forêts entre les chefs de la nation, dans les premiers remps de la civilisation; de l'origine du droit de propriété relativement aux forêts, et de elle des emplois forestiers.

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(1) Si on cherche, d'après ces données, quelle surface il seroit possible d'assigner à cette forêt, en partant de 3 myriamètres ou 6 lieues par journée, il en résultera que la forêt hercynienne auroit eu 180 myriamètres (360 lieues) de long sur 27 myriamètres (54 lieues) de large, revenant à 24,300 myriamètres carrés (19,440 lieues); 48,600,000 hectares, ou plus de 90 millions d'arpens d'ordonnance.

En admettant la vérité du fait, il n'en faudra pas moins croire que cette masse de bois contenoit un grand nombre de lieux habités, comme nous en voyons encore dans les forêts d'Orléans et de Lyons.

(2) Cette désignation de bois à feuilles, qui nous vient des Allemands, a été admise pour distinguer les arbres de nos forêts en deux classes principales: l'une comprenant ceux dont les feuilles se renouvellent haque année, et l'autre, les arbres qui ne se dépouillent jamais en totalité.

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Lorsque nos pères, dit-il, eurent formé des habitations stables, la communauté des biens cessa; les personnages les plus considérables de la nation, et ensuite ceux d'un ordre inférieur dans la noblesse, s'emparèrent, chacun, d'un certain arrondissement, dans lequel ils établirent des terres labourables, des prairies, des jardins, des vignes, et tout ce qui étoit nécessaire pour assurer leur nourriture et celle de leurs bestiaux, puis ils se partagèrent leurs sujets. Les forêts restèrent encore quelques temps en communauté, mais elles éprouvèrent ensuite le même sort, et alors les plaines les plus vastes, les montagnes et les vallons couverts de forêts devinrent la propriété des chefs de la nation. Ce qui restoit fut abandonné pour usages des communes et des paroisses. Voilà d'où vient qu'il existe encore beaucoup de forêts appartenant à des cantons, à des communes, à des paroisses et aux particuliers. Quelque temps après le partage des bois, les rois de France rendirent les premières lois forestières.

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Dans la suite, les empereurs, les rois, les princes, les comtes et les communes établirent des officiers chargés de la surveillance particulière des forêts. Ces officiers furent institués sous les titres de comtes forestiers (Waldgrafen), de maîtres des forêts, etc. Plusieurs familles de la haute et petite noblesse de l'Allemagne tirent leurs noms des charges forestières que leurs aïeux ont exercées. Ces officiers bornoient leur surveillance aux forêts royales ou seigneuriales. C'étoit devant eux que l'on traduisoit, pour y être jugées, les personnes qui avoient commis des délits. Quant aux forêts communales ou des particuliers, les princes et les seigneurs ne les avoient pas, dans les premiers temps, regardées comme dignes d'être surveillées par une administration publique, et ils les avoient abandonnées aux soins privés des communes ou des particuliers propriétaires.

Mais les communes et propriétaires particuliers, voyant que les forêts étoient exposées aux dévastations, et que tous les jours elles diminuoient sans qu'ils pussent, comme simples particuliers, les défendre, les conserver ni les administrer, se décidèrent eux-mêmes à eu remettre la surveillance et la direction aux autorités plus puissantes qui les avoisinoient. C'est ainsi qu'ils en chargèrent les princes, les comtes ou les barons, souvent même les villes les plus voisines, et quelquefois les ecclésiastiques.

Par la suite et petit à petit, les champs qui provenoient du défrichement des forêts furent confiés aux mêmes autorités. Ces surveillans eurent les qualifications de grandsmaîtres de la Marche (Obermarker), de comtes forestiers (Holzgraven), et plusieurs autres qui marquoient la supériorité de leurs rangs. Quant aux particuliers, ils étoient désignés par les dénominations de sujets de la Marche ( Unter marker, Erben), et autres qui exprimoient leurs qualités de vassaux, et celle de propriétaires des forêts dont ils avoient confié la surveillance. Ils consultoient ordinairement le chef de la Marche ( Obermarker), po: ce qui intéressoit les améliorations des forêts ou les dommages qu'elles pouvoient recevoir. Enfia ils établirent, sous la protection et la garantie de ces officiers, des réglemens forestiers, fixèrent les limites des forêts, instituèrent des maîtres des forêts, des forestiers, des gardes et autres, qui furent chargés de veiller à leur conservation, d'arrêter et de dénoncer les délinquans, de marquer les coupes de bois, et de visiter les maisons avant de faire abattre des bois de construction. Ces communes exerçoient donc, dans toute leur étendue, la police et l'administration des forêts' communales, avant que les seigneurs songeassent à s'en occuper.

On trouve encore par-tout en Allemagne la preuve et les restes de ces anciennes forêts communales. Elles offrirent, dans leur administration, le modèle des offices ou emplois seigneuriaux forestiers qui furent établis par la suite.

La seigneurie territoriale, ou la suzeraineté, établie en Allemagne, ayant été confirmée par le traité de Westphalie, et s'étendant toujours de plus en plus, il se forma, à l'exemple des états monarchiques, non-seulement des colléges politiques, mais encore des emplois seigneuriaux, pour l'administration du pays et celle des forêts, qui dans plusieurs cantons, est encore liée à celle des chasses, bien qu'au fond ces deux services diffèrent essentiellement et par leur but et par leur nature, puisque les officiers des chasses sont chargés de conserver le gibier, qui souvent ne se nourrit que de bois, et contribue par conséquent à la destruction des forêts, tandis que les officiers forestiers doivent conserver et exploiter ces mêmes forêts de la manière la plus utile et la plus conforme aux besoins de la popu

lation.

Les anciennes autorités supérieures des Marches, ayant souvent abusé du pouvoir qui leur avoit été confié, et par là manqué le but qu'on s'étoit proposé, il devint important pour chaque état en particulier, de pourvoir à la conservation de ses forêts, et de prévenir le manque de bois qui menaçoit de toutes parts; mais il étoit impossible aux autorités de simples cantons d'apprécier le besoin en bois de tout le pays, et de calculer la consistance ou le produit de toutes les forêts. Cet état de choses fit sentir la nécessité de créer des officiers spéciaux, pour, au nom da seigneur et de tout l'état, veiller à la conservation des forêts. Ces officiers reçurent les diverses dénominations de grands-maîtres des forêts, de forestiers périeurs, de maîtres particuliers, de gardes forestiers, selon que chaque officier fut chargé de tout un pays, ou seulement d'une portion d'arrondissement.

Aujourd'hui les forêts en Allemagne sont l'objet des soins particuliers des souverains. On exige des employés qu'ils aient fait des études spéciales, et on les soumet à des examens sévères avant de leur confier la manutention des bois. Les forêts de cette partie de l'Europe sont, avec celles des états de Venise, les mieux administrées et celles qui donnent les meilleurs produits.

Forêts de la Russie. Elles contiennent environ 160 millions d'hectares sur une superficie de territoire d'à-peu-près 1,000,700,000 hectares ; elles sont aujourd'hui les grands magasins d'où les nations maritimes tirent des bois de construction. L'étendue des forêts qui produisent des bois de cette espèce, est de 9,000,000 d'hectares.

Dans ce pays, comme dans tous les autres, on n'a pas su mettre un frein opportun à la destruction des forêts de plusieurs contrées qui se trouvent aujourd'hui dégarnies de bois. En Livonie, on est réduit à brûler de la tourbe, et dans les plaines de l'Ukraine, ainsi que dans la Crimée, on se chauffe avec de la paille et du fumier de chameaux. Les bois y ont été détruits par le pâturage des troupeaux innombrables qu'on y entretient, et qui fournissent des bœufs dans tout le nord de la Russie, en Hongrie, et jusqu'à Vienne et Berlin.

Les forêts les plus productives de la Russie sont celles qui se trouvent sur les bords de la Duna et du Dnieper. Elles produisent les plus beaux mâts de l'Univers, que l'on transporte sur ces rivières, aujourd'hui réunies par le canal de Leppel jusqu'à Riga, d'où s'en fait ensuite le transport pour la France, l'Angleterre et l'Espagne,

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Dans le nord de la Russie, près d'Archangel, il y a de belles forêts de mélèzes. On y construit des vaisseaux de guerre de 120 canons et d'autres de toutes grandeurs, Au-dessous, encore dans le nord, vers le quarante-septième degré, il y a des forêts de cèdres. Les essais qu'on a faits de ce bois pour les constructions navales, n'ont des résultats satisfaisans. Les constructeurs en trouvent le bois mou et cassant. Les forêts au nord de Moscow sont encore peuplées d'épicias et de bouleaux, ainsi que celles des environs de Pétersbourg. Il y a des trembles si gros, qu'on en fait des canots d'une seule pièce. Du reste, il y a très-peu de chênes, hêtres et autres bois durs dans le nord de la Russie; mais dans le gouvernement de Cazan et dans le midi, on trouve de belles forêts de chênes et de hêtres.

La Pologne présente aussi des forêts bien peuplées de chênes et de sapins.

La province de la Russie où les bois sont le mieux aménagés, est la Courlande. Celles que l'empereur y possède rapportent, à elles seules, la dixième partie de toutes celles de l'empire.

Il se consomme beaucoup de bois pour les mines et usines, sur-tout près des monts Urals, qui sont très-riches en fer et en cuivre, et dans le midi de la Sibérie. Il y a près du lac Onega des fontes de canons.

Dans plusieurs gouvernemens, les forêts sont divisées en trois classes : la première com prend les forêts qui fournissent des bois de marine; la seconde, celles qui fournissent des bois de construction pour les communes; la troisième, celles qui donnent des bois de chauffage.

Les bois de construction se délivrent gratis à l'administration de la marine, qui présente, chaque année, l'état des arbres dont elle a besoin. Sur cet état, le grand-maître des forêts ordonne la coupe des arbres, qui se fait par des ouvriers qui n'ont d'autre occupation.

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On équarrit les arbres, on les fait transporter dans les ports, et notamment dans celui de Riga. C'est là que les agens de la marine viennent choisir en premier lieu, ensuite les officiers d'artillerie, et après eux les charpentiers prennent les rebuts. On laisse les bois plusieurs années dans les magasins avant de les employer.

L'administration des forêts de la Russie se perfectionne tous les jours. Ces forêts ont produit, en 1813, une valeur d'à-peu-près 200 millions de francs, en y comprenant la valeur des délivrances qui se font gratis à la marine, aux communes et aux établissemens publics. Du reste, le produit en argent, pour en argent, pour le trésor, n'est pas considérable, et il ne paroît pas qu'on veuille l'augmenter, parce que l'on sent la nécessité de conserver et d'améliorer.

Comme les communes ne sont point propriétaires de bois, et que toutes les forêts de la Russie sont possédées par l'empereur et les seigneurs, on délivre, chaque année, à ces communes des coupes dans les forêts impériales les plus à leur proximité. La délivrance se fait à raison d'un arpent et demi par habitant, et l'exploitation a lieu sous la responsabilité des élus ou principaux habitans de la commune. Les délits et abus qui peuvent se commettre sont punis d'une peine qui est double en cas de récidive, et quadruple à la troisième fois, mais la pénalité est bien adoucie pour les délits forestiers.

On réserve peu de baliveaux, parce que les exploitations se font par coupes alternes,

c'est-à-dire, en laissant toujours une coupe intacte après une coupe exploitée, de manière que le réensemencement se fait par les semences de la coupe restante. On exploite aussi par éclaircies, dans plusieurs forêts, de la même manière qu'en Allemagne.

Les bois sont encore à bon marché dans la Russie. La corde de bois de chauffage, de 147 pieds cubes, se vendoit en 1811; savoir, le sapin, à raison de 23 sous de notre monnaie, et le bouleau, à raison de 30 à 40 sous. Les bois de construction se vendoient, la poutre de sapin et d'épicia, moyennant 27 sous, et celle de pin sauvage, de 35 à 40 sous. Les prix sont déterminés par les réglemens.

Nous terminons ici la revue que nous nous étions proposé de faire de l'état des forêts dans plusieurs parties du Monde.

Le lecteur a dû remarquer que la Grèce, l'Italie, la France et l'Angleterre sont les pays où les forêts ont été le moins épargnées ; que l'Allemagne compte encore de grandes ressources, mais qu'elle s'occupe avec soin de les conserver, et que la Russie, avertie par l'exemple des autres nations, s'applique à régulariser les exploitations dans ses vastes forêts. Nous ne parlerons de l'Amérique que pour dire que les défrichemens y ont été faits avec si peu de mesure, que déjà on éprouve, dans quelques parties de ce continent, des embarras réels pour les approvisionnemens en bois de construction et autres. Du reste, il y a encore de vastes régions couvertes de bois, mais que menacent la torche des Indiens et la cognée des peuples civilisés; car aucune précaution n'est prise, aucun aménagement n'est ordonné pour en assurer la conservation.

SECONDE PARTIE.

Histoire de la législation forestière.

Les forêts ont disparu de plusieurs parties du monde ; ce n'est cependant pas que l'on n'ait attaché beaucoup d'importance à leur conservation. Les anciens les plaçoient sous la protection des lois divines et humaines, et ils en confioient la garde à des préposés spéciaux. Quant aux règles d'après lesquelles ils les faisoient administrer, il est à croire qu'elles étoient en rapport avec l'état des connoissances agricoles propres aux différentes nations et avec la nature de leurs besoins. Mais il seroit difficile d'avoir, sur cet objet, des connoissances précises, et en ce qui concerne les pays que nous habitons, le peu documens que nous possédons pour les premiers temps de la monarchie, nous apprennent seulement que les souverains s'occupoient beaucoup plus de faire éclaircir les épaisses forêts qui en couvroient le sol, que d'en régler l'administration.

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Parmi les auteurs qui se sont occupés de recherches sur la législation forestière, nous citerons en premier lieu Saint- Yon, le plus érudit de tous, mais aussi le plus obscur; il a, dans son Recueil des édits, ordonnances et coutumes en matière d'eaux et forêts, imprimé en 1610, rapporté tout ce qu'il savoit des usages ou réglemens des anciens et de nos ancêtres, relativement à l'administration des forêts; ses observations se trouvent éparses dans une foule de notes, sans aucun ordre de chronologie ni de matière. Gallon, dans sa conférence de l'ordonnance de 1669, dont la dernière édition, augmentée des observations de MM. Simon et Ségauld, a été imprimée en 1752, a fait précéder son ouvrage

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