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jugé par la chambre des pairs, ce qui lui sera accordé.

Dans le cinquième et dernier livre, nous rapporterons les différentes ordonnances du Roi qui saisissent la chambre des pairs de l'affaire du maréchal. On ne lira pas sans intérêt les accusations des ministres, les ar. rêts préparatoires de la chambre, et les moyens allégués par le maréchal pour retarder une décision que lui-même a demandée. Le jour du jugement arrive : nous suivrons, jusque dans leurs plus petits détails, ces audiences solennelles qui rappellent les époques les plus fameuses de la monarchie française. Enfin, un arrêt condamne le maréchal à perdre la vie; il est exécuté, et nous terminerons le cinquième livre et l'ouvrage par les anecdotes qui se peignent à ses derniers momens.

Tel est le cadre que nous nous sommes tracé. Nous n'avons rien omis de ce qui pouvait exciter et satisfaire la curiosité. Puisse cet exposé donner quelques matériaux utiles à l'histoire et offrir quelques leçons à la postérité !

Dans le cours des narrations qui vont suivre, tout ce qu'a dit et fait le maréchal Ney sera transcrit sans affaiblissement et sans exagération. Nous lui laisserons toute la gloire de ses faits d'armes; nous n'ajouterons rien à l'énormité de sa faute. Ce n'est pas un mérite pour l'historien que l'impartialité, c'est une obligation sacrée. Nous chercherons à pénétrer autant qu'il sera en nous dans la vie privée du maréchal pour en offrir les traits les plus saillans. Ce sont les anecdotes sur-tout qui peignent l'homme sous ses véritables couleurs, parce qu'elles le dépouillent des déguisemens que l'intérêt ou la vanité lui fait prendre. La révolution ne nous a que trop appris à nous défier des actions publiques et des discours d'apparat; ce n'était que dans un tems aussi extraordinaire que pouvait être prononcé ce mot attribué à un personnage également fameux par son esprit et par sa carrière diplomatique : Que la parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée.

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VIE

DU MARÉCHAL NEY.

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LIVRE PREMIER.

Il serait assez indifférent de savoir dans. quelle classe de la société sont nés les hommes qui ont joué les premiers rôles sur le grand théâtre du monde politique, s'il n'était à-peu près reconnu que les principes que nous puisons dans notre éducation primitive exercent une influence constante sur toutes les actions de notre existence. Dans cet âge où nous n'avons de la raison que le germe, où nos facultés naissantes n'ont pris aucune direction, et où nous semblons demander à ceux qui nous entourent de nous initier dans les secrets de la vie, les premiers mots qui frappent notre oreille deviennent nos premières idées; les impressions qui en résultent forment nos premiers sentimens; ces impressions, consolidées par le tems, constituent notre caractère, et, quelque force morale que nous

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VIE DU MARÉCHAL NEY.

ayons reçue de la nature., déterminent presque toujours l'emploi que nous faisons de nos moyens.

Quoi qu'il en soit de ces réflexions, il est constant que si un grand nombre d'hommes dont il serait plus aisé de révoquer en doute la moralité que les talens, avaient été dès leur enfance destinés à remplir les fonctions éminentes où une révolution violente les a placés; que si on leur eût appris de bonne heure, et les obligations sacrées attachées à ces fonctions, et la ligne de principes qui, dans cette carrière élevée, peut seule préserver la raison humaine des égaremens auxquels elle est exposée quand elle marche seule et sans guide; il est constant, disons-nous, que ces hommes n'auraient point forcé la patrie à déplorer des talens qui lui ont été si funestes; mais, élevés sur les débris de l'ordre social, il n'est pas étonnant qu'ils en aient méconnu les principes. Dans cette période de civilisation, où l'esprit croit pouvoir se substituer à la morale, où toutes les traditions de l'expérience sont taxées de préjugés, et où l'on érige en vertu le mépris de toutes les règles, les fautes des hommes sont en grande partie celles de leur siècle.

Dans la petite ville de Sarre-Louis, sur

les confins de la Lorraine allemande, naquit, le 10 janvier 1769, Michel Ney, fils d'un artisan peu aisé. *

Les personnes qui connaissent les provinces conquises, savent qu'on ne pourrait se faire une juste idée de leurs mœurs, en les comparant avec celles des contrées de l'intérieur de la France. Dans celles-ci, d'antiques traditions ont perpétué, parmi les classes les plus obscures de la société, des souvenirs patriotiques liés plus ou moins immédiatement avec l'existence de la monarchie. Il n'est pas de ville qui n'ait con2 servé quelque vieux monument, ou de la munificence d'un de nos rois, ou de la fidélité de la bourgeoisie, ou des châtimens infligés à quelque seigneur rebelle, ou des désastres nés des dissentions civiles. Les églises sont pavées d'épitaphes héroïques des chevaliers morts au service du prince." Les archives des communes, les fondations de bienfaisance, les ruines, les tombeaux les noms de lieux, tout parle aux cœurs français le langage de la patrie.

Dans les pays que la conquête a réunis à la France, ce qui reste des traditions locales

Son père était fabricant de tonneaux.

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