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Châteaudun. Mme la maréchale étant restée à Paris, il fut libre de se livrer tout entier à ses goûts pour la solitude et à son éloignement pour le monde.

Ainsi, il ne voulut voir aucune des grandes maisons du voisinage, qui, lorsque son épouse était à sa terre, composaient la société habituelle du château. Il se levait de très-bonne heure, montait souvent à cheval, recevait ses gens d'affaires, admettait quelquefois à sa table ceux de ses voisins dont les mœurs simples le dispensaient de toute étiquette, et abrégeait la longueur des soirées d'hiver, en se couchant de fort bonne heure.

Tel était son genre de vie, lorsque, le 6 mars 1815, un aide-de-camp du ministre de la guerre lui apporta l'ordre de se rendre en toute diligence dans la sixième division militaire, dont le gouvernement lui était confié.

Le maréchal partit le soir même. Au lieu d'aller directement à Besançon, il se déter

priété est patrimoniale; le maréchal n'a jamais acquis de biens d'émigrés.

Il habitait, à Paris, l'hotel Saisseral, qu'il avait acheté 300 mille francs. L'ameublement de cet hôtel coûtait aussi 300 mille franes: c'était là toute sa fortune. Il devait 500,000 francs, auxquels il faut ajouter les frais de son procès.

mina à passer par Paris, tant pour y prendre ses uniformes, que pour recueillir des renseignemens sur l'objet de sa mission, l'aidede-camp du ministre de la guerre n'ayant pu lui donner aucune explication à cet égard. * Arrivé à Paris le 7, M. Batardi, son notaire, qui l'attendait à son hôtel pour lui rendre compte des démarches qu'il avait faites auprès du congrès de Vienne, relativement aux dotations du maréchal, lui apprit le débarquement de Bonaparte.

Cette nouvelle parut lui causer une profonde inquiétude. « Voilà, dit-il, un bien grand malheur ! Que va-t-on faire? Qui « pourra-t-on envoyer contre cet homme?»

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Le maréchal se rendit immédiatement chez le ministre de la guerre; il le pria de lui donner quelques détails, et sur la force des troupes qu'il aurait à commander, et sur l'ensemble des opérations qu'on avait arrêtées. Le ministre ne satisfit à aucune de ses demandes, et lui répondit assez brusquement qu'il trouverait à Besançon des instructions détaillées. Ayant exprimé l'intention d'aller voir le Roi, le ministre fit tout ce qu'il put pour l'en détour

* Cet officier était parti de Paris le 5, le jour même où le Roi avait reçu une dépêche télégraphique qui lui apprenait le débarquement de Bonaparte.

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ner, sous le prétexte que S. M. était souffrante, et qu'elle ne recevait pas. Le 7 mars, de grand matin, le maréchal se présenta chez S. A. R. le duc de Berri. A la suite de l'audience qu'il en reçut, il attendit l'heure où S. M. serait visible, et il fut bientôt admis à prendre congé d'elle.

Introduit dans l'appartement du Roi, il répondit aux paroles obligeantes que S. M. lui adressa par des expressions énergiques, qui peignaient à-la-fois et son dévouement pour la monarchie et la haine que lui inspirait l'attentat dont Bonaparte venait de se rendre coupable.

Quelques heures après il partit pour Besançon; arrivé dans cette ville le 10 mars, il y reçut les instructions suivantes, que le ministre de la guerre lui avait adressées la veille.

Le 9 mars 1815.

«Monsieur le maréchal, S. A. R. MON«SIEUR, frère du Roi, est arrivé à Lyon, «<et a pris le commandement de l'armée

qui se réunit sur ce point; toutes les « mesures sont ordonnées pour poursuivre « avec vigueur et sans relâche le parti à « la tête duquel Bonaparte a osé pénétrer

« sur le territoire français, et tout donne << lieu d'en espérer le plus prompt succès. << Le Roi me charge de vous recommander <«< de tenir réunies le plus de troupes dis

ponibles, afin que vous soyez toujours « en état de seconder efficacement les opé«<rations de S. A. R. MONSIEUR.

« Vous avez en ce moment, dans la 6• « division militaire, le 6e régiment de hus<< sards entier, à Vesoul; les 4es escadrons « de dépôt du 3e de hussards, à Dôle;

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du 8e de chasseurs, à Gray; les 3es ba«< taillons de dépôt du 15e léger, 60e et « 77o de ligne, à Besançon; ainsi ainsi que «< 4o escadron de dépôt du 5o de dragons; << enfin le 3e bataillon de dépôt du 76* « régiment d'infanterie à Bourg.

«En l'absence de Monseigneur le duc « de Berri, prenez les ordres de S. A. R. MONSIEUR; correspondez tous les jours << avec ce prince; et sur-tout si, contre << toute apparence, l'ennemi faisait des progrès sur Lyon, faites vos dispositions « pour manœuvrer de manière à l'inquiéa ter, à déjouer ses plans, à lui nuire, « et enfin à le détruire, si vous en trou« vez l'occasion.

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« Le Roi multiplie, en cette circonstance, <«<les mesures de prévoyance et de précau

<«<tion; j'avais déjà donné l'ordre à M. le « duc d'Albufera de diriger sur Béfort les << deux premiers bataillons du 53e régiment « d'infanterie, et les trois premiers esca« drons du 14e régiment de dragons. Je «<lui donne aujourd'hui l'ordre de réu«nir de suite dans cette ville le plus de

forces qu'il pourra retirer des garni<< sons de l'Alsace, sans trop dégarnir les « places; avec ces troupes, il se tiendra

prêt à seconder vos opérations, et je « le préviens même que l'intention du Roi « est qu'avec ses forces il aille vous joindre,

si les circonstances vous mettaient dans le «< cas de lui en faire la demande. Alors vous. << concerteriez ensemble vos opérations. Cor«respondez fréquemment avec lui.

« J'ai ordonné de former à Metz quatre batteries d'artillerie, et de les diriger sur « Besançon; j'ai ordonné aussi de former

quatre autres batteries à Strasbourg. M. le « maréchal duc d'Albufera les menera à • Béfort; et, si vous manquiez de canons, « il vous les enverrait sur votre demande, . Comme il pourrait se faire que les bat«teries qui doivent être envoyées de Gre« noble à Lyon ne puissent pas arriver dans « cette ville, vous disposeriez alors M. le maréchal, soit des batteries venant de

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