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Magdebourg. Cette place importante capitula sans soutenir de siége, et livra au vainqueur sa garnison de seize mille hommes, huit cents pièces d'artillerie, et des approvisionnemens de toute espèce.

Cependant l'armée russe présentait seule un front formidable à l'impétuosité victorieuse des Français; le général Beningsen avait choisi ses positions en avant de la Pregel, et sa droite était couverte par le général Lestoq, dont le corps d'armée s'avançait jusqu'à Deppen; le maréchal Ney fut chargé de le débusquer de ce poste. Il l'attaqua le 5 février 1807; mais s'il ne put réussir à l'entamer, il parvint du moins à le forcer à la retraite, et le poursuivit jusqu'au village de Schnaditten. L'aile droite des Russes se trouvant ainsi débordée, ils furent obligés de repasser la Pregel. Alors, se renouvela, contre le général Lestoq, le combat sanglant qui avait eu lieu à Deppen. Cette seconde affaire l'emporta sur la première par l'acharnement des combattans et l'opiniâtreté avec laquelle la victoire fut disputée. Nous nous servirons pour caractériser cette journée d'un mot du maréchal luimême. Le comte Patencoff, officier-général, fait prisonnier pendant l'affaire, exprimant

le soir au maréchal sa douleur de ce que les excellentes dispositions des généraux russes et le courage de leurs soldats avaient été trahis par la victoire : « Que voulez-vous, «<lui dit le maréchal, c'est par habitude « qu'elle s'est déclarée aujourd'hui pour les « Français. »

Plusieurs autres combats partiels suivirent cet engagement et précédèrent la mémorable bataille de Friedland. Ney eut ordre de s'emparer de cette ville; il y réussit, mais avec des pertes incalculables. * La paix de Tilsitt termina cette campagne.

Dans ces guerres fameuses, à la gloire des quelles il ne manquait qu'une cause moins injuste et un but plus utile, Ney, maréchal d'empire, déploya en grand, à la tête d'une armée, cette fougueuse intrépidité et cette sagacité supérieure qu'il avait fait briller autrefois à la tête d'une poignée de partisans. Il s'y distingua par la hardiesse de ses plans,

* Ney était à cheval en avant des grenadiers, attendant que le tems de marcher fût arrivé; la mitraille pleuvait sur sa colonne, et les grenadiers, l'arme au bras, baissaient la tête par un mouvement involontaire à chaque décharge qu'ils entendaient; «< Camarades, leur dit Ney, ces gens-là tirent en l'air; je suis plus haut que vos bonnets, et ils ne m'atteignent pas » Les grenadiers comprirent où portait ce raisonnement et montrèrent plus de fermeté.

la célérité de ses marches, l'impétuosité de ses mouvemens. Toujours à cheval, toujours aux endroits menacés, sa grande activité, qui l'avait fait surnommer l'Infatigable, le multipliait sur tous les points. Insensible aux plaisirs qui amollissent le courage, nul ne donna moins au sommeil, nul ne posséda à un plus haut degré le ton d'imprimer aux soldats l'audace et la vigueur de son ame; le premier dans les attaques, le dernier dans les retraites; si, comme son maître, il se montra quelquefois peu avare du sang français, c'est qu'il était prodigue du sien propre la mort des hommes n'était d'ailleurs pas chez lui l'objet d'un froid calcul; il comptait plus, pour le succès d'une affaire, sur la valeur de ses troupes que sur le nombre de soldats qu'il lui serait possible de sacrifier.

La cessation des hostilités dans le Nord ne suspendit pas les travaux militaires du maréchal. Bonaparte, dont le génie dévastateur ouvrait toujours au sang et aux trésors des peuples plus de gouffres qu'il n'en pouvait alimenter en même tems, n'eut pas plutôt signé le traité de Tilsitt, qu'il dévoua aux insurrections de l'Ebre et du Tage ces phalan

ges qui avaient survécu aux victoires de la' Pregel et de l'Oder.

Le maréchal Ney arriva bientôt en Espagne, ne s'étant arrêté en France que le tems nécessaire pour remplir les cadres de son corps d'armée; il commença alors une guerre entièrement nouvelle pour lui, et dont les dangers incalculables n'étaient pas même balancés par l'espoir de vaincre un ennemi qui ne fut jamais plus redoutable que quand il cessa de se montrer en face.

Il'entra en Espagne vers le milieu d'octobre 1808, et, par sa seule présence, ranima l'armée française acculée derrière l'Ebre depuis la retraite de Madrid à la fin de juillet de la même année.

Lorsque Bonaparte vint dans ce royaume pour tâcher de rétablir les affaires de Joseph, Ney fut mis à la tête du 6e corps, dont presque tous les régimens avaient servi long-tems sous ses ordres. Il en connaissait tous les officiers par leurs noms.

La junte nationale, qui, au nom de Ferdinand VII, exerçait le gouvernement du royaume, avait organisé une résistance régulière; les généraux Castanos et Palafox

occupaient les positions de l'Ebre aux environs de Tudéla; Ney, avec son armée, tenait Logronio et Guardia, à peu de distance de ces généraux. Destiné à tourner l'ennemi, il partit de Burgos le 13 novembre, marcha sur Saragosse par Soria; et, sans la précipitation du maréchal Lannes, qui livra la bataille de Tudéla deux jours plutôt qu'il n'aurait dû, Ney, arrivé sur les derrières de Castanos, au moment de l'action, aurait coupé toute retraite à l'armée vaincue, qui aurait été entièrement détruite.

Ce premier plan ayant manqué, il allait attaquer dans la nuit la ville de Saragosse, quand il reçut l'ordre de se porter vers Madrid pour empêcher l'armée espagnole d'effectuer sa retraite sur cette capitale, où Bonaparte se dirigeait en personne.

Quelque tems après, la guerre ayant éclaté avec l'Autriche, Bonaparte s'estima heureux d'avoir un prétexte pour quitter l'Espagne, et il s'éloigna de ce royaume où sa présence n'avait produit d'autre effet que de rendre la guerre nationale, en détruisant les espérances que fondaient les Espagnols sur leurs troupes réglées, et en les forçant à n'attendre leur salut que des in

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