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gasins, évacua ses positions sans les dé fendre. Murat, qui commandait l'avantgarde où était le maréchal Ney, se mit de suite à la poursuite des Russes. L'armée française suivit à grandes journées. Bonaparte arriva le 28 à Wilna.

A peine fut-il entré dans cette capitale de la Lithuanie, qu'il insurgea les habitans, en leur promettant de rendre la Pologne indépendante. Il organisa à la hâte toute la province, reçut une députation du grand-duché de Varsovie, qui lui apportait la constitution de la Pologne ; maïs ce mot de constitution, si redoutable pour les tyrans, effraya l'ambition du conquérant. Il mit à sa protection des conditions. si étendues, il exigea de si grands sacrifices, que les députés, peu confians dans ses intentions, se retirèrent en soupirant, et désespérérent de la patrie.

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Cependant, l'armée française continuait sa marche, toujours à la poursuite des Russes, avec lesquels on ne réussissait à engager quelques affaires que quand on atteignait leur arrière-garde. Arrivés devant Witepsk, capitale du gouvernement de ce nom, les Français trouvèrent l'armée russe établie sur un plateau. L'attitude que conservait cette armée faisait présumer qu'elle

chercherait à défendre cette position, et que le lendemain serait signalé par une affaire générale; mais c'était le comte Barclay de Tolly qui commandait, et, persévérant dans son systême, il effectua sa retraite en bon ordre pendant la nuit. Bonaparte entra à Witepsk, qu'il trouva à-peu-près désert. Pendant le séjour qu'il fit dans cette ville, il continua ses efforts pour insurger et organiser la Lithuanie.

Cependant l'armée française approchait de Smolensk. Cette place importante, coupée par le Dniéper ou Borysthène, était abondamment pourvue. Les divers corps de l'armée russe ayant opéré leur jonction, avaient pris position dans les environs, et avaient profité de quelque repos accordé aux troupes françaises après l'occupation de Witepsk pour se fortifier.

Le général Barclay de Tolly, ayant reçu de l'empereur Alexandre l'ordre positif de livrer bataille pour sauver Smolensk, * mit dans cette ville une garnison de 30 mille hommes, et, avec son armée établie sur la rive droite, se disposa à en disputer les approches. L'armée française étant depuis long-tems stationnée sur cette rive, c'était

* Voyez le 13e bulletin.

par là que la ville s'attendait à être attaquée. Cependant Bonaparte passa tout-àcoup la rivière avec son armée, et s'avança vers Smolensk par la rive gauche. Le lendemain, 14 août, Ney ayant passé le fleuve, se porta à l'avant-garde, et engagea le combat près de Krasnoé : l'ennemi fut culbuté, perdit quelques canons et des prisonniers. * Le 15 et le 16, les Français repoussant toujours l'ennemi, arrivèrent sous les murs de la place; le maréchal Ney commandait la gauche appuyée sur le Borysthène. Le 17 l'attaque générale commença; les troupes russes qui étaient sur la rive droite furent écrasées par une batterie de 60 pièces que les Français avaient établie sur un plateau; les ponts de la ville furent démolis à coups de canon, et les communications entre les deux rives se trouvèrent détruites. Le prince d'Ekmühl, qui commandait le centre, ayant attaqué les faubourgs retranchés, en chassa les Russes. A la gauche, le maréchal Ney

C'est dans cette affaire que se distingua le général Bor desoult, qui joint à une bravoure éclatante le mérite plus rare encore d'une fidélité éprouvée. Cet officier général, maintenant aide-de-camp de S. A. R. MONSIEUR, a accompagné, à Gand la famille royale. C'est aussi au combat de Krasnoé que fat tué, à l'âge de vingt-cinq ans, le colonel Marbeuf, fils de l'ancien gouverneur de l'ile de Corse, comme il exécutait une charge à la tête du 6e lanciers.

les débusqua également de leurs retranchemens, et les força de rentrer dans la ville, sur les remparts, et dans les tours, d'où ils furent délogés par les obus.

La brêche était commencée, et tout se disposait pour l'assaut; mais le général Barclay de Tolly fit mettre le feu à la ville, et à une heure après minuit il en abandonna les débris, ayant perdu 12 mille hommes à la défendre.

Le 19 août, le maréchal Ney passa le Borysthène au-dessous de Smolensk, et se réunit à Murat, afin de poursuivre les Russes: leur arrière-garde ayant été atteinte, la position qu'elle occupait fut emportée à l'arme blanche. Comme cette arrière-garde couvrait l'évacuation de Smolensk, qui se faisait lentement, vu le grand nombre de bagages et de blessés, elle se retira sur un second échelon; les autres corps russes qui étaient en marche revinrent sur leurs pas, et ils engagèrent jusqu'à cinq divisions. Le maréchal Ney se trouvant alors trop faible, fut renforcé par la division Morand, qui chassa les Russes à la baionnette. Cette af faire eut lieu sur un plateau appelé dans le pays le Champ-Sacré, et qu'une tradition des anciennes guerres faisait regarder comme inexpugnable.

On était au milieu d'août, et l'on croyait dans l'armée que Bonaparte ayant conquis les anciennes limites du royaume de Pologne, bornerait là sa campagne, et chercherait à assurer ses quartiers d'hiver; mais il était sur le chemin de Moskou, et il ne lui était pas possible de différer de six mois le plaisir qu'il se promettait de goûter, en dictant dans le palais des czars une paix qui lui assurait le sceptre de l'Europe et ruinait à jamais les espérances de l'Angleterre. Aveuglé par les succès non interrompus de cette campagne, il se porta en avant, déterminé à finir la guerre sans désemparer.

Sa position était loin d'être tranquillisante. En prenant la route de Moskou, il laissait sur sa gauche Riga, place extrêmement forte, et le corps d'armée du comte Wittgenstein; ses derrières étaient menacés par l'armée de l'amiral Tschikagow, qui depuis la conclusion de la paix avec les Turcs était cantonné dans la Moldavie, et il n'ignorait pas que les Autrichiens, agissant faiblement dans son parti, avaient laissé les Russes s'organiser et se grossir dans la Wolhynie.

Bonaparte, qui avait pour usage, lorsqu'il avait résolu quelques démarches hasardeuses, d'avoir l'avis de ses courtisans pour les associer à la responsabilité des événemens,

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