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<< votre résolution de porter la liberté aux

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peuples de la Russie, fait de ce jour le plus heureux et le plus glorieux de votre « vie. A quoi Napoléon répondit en lui donnant la main : « Depuis long-tems « M. le duc, je vous savais mon ami;

mais j'apprends aujourd'hui que votre «< caractère ferme et hardi vous rend apte « à jouer un grand rôle. » On assure que Ney ne put s'empêcher de dire aux généraux qui étaient à ses côtés : « Fasse le « Ciel que les flagorneries de ce général << d'ambassade ne soient pas plus nuisibles à l'armée que la plus sanglante « bataille ! »

L'armée française ayant quitté Smolensk le 24 août, arriva à Viazma le 30; les Russes, n'opposant partout qu'une légère défense, évacuèrent cette ville après y avoir mis le feu. Le maréchal Ney, à la tête du 3e corps, fut envoyé à leur poursuite, sur la route de Moskou.

Cependant le système désastreux suivi par le général Barclay de Tolly excitait de vifs mécontentemens parmi la nation russe; elle voyait avec une sorte d'indignation des provinces entières dévastées par les ordres de ce général, des villes importantes abandonnées sans combattre, et livrées aux

flammes. Le mauvais succès de la défense de Smolensk avait vivement indisposé les esprits; et l'on se demandait s'il attendrait, pour opposer un front de résistance à l'armée française, que la totalité de l'empire eût été envahie, et que les deux capitales fussent tombées au pouvoir de l'ennemi. Dans cet état d'agitation, tous les yeux se portèrent sur le prince Kutusoff, qui, après une guerre glorieuse contre les Turcs, avait été relégué dans ses terres par des intrigues de cour. L'empereur Alexandre, cédant aux voeux de ses sujets, rappela ce général, et lui donna le commandement en chef. A peine fut-il à la tête des armées qu'il choisit, entre Ghiac et Mojaïsk, une forte position où il se proposa de livrer bataille pour sauver Moskou, dont les Français n'étaient qu'à quelques journées. Un ordre du jour, publié par Bonaparte, avertit ceux-ci de se préparer à une affaire décisive.

Le général Kutusoff avait extrêmement fortifié ses positions. Plusieurs jours furent employés à l'approcher. Le 7 septembre, à six heures du matin, un coup de canon donna le signal de la bataille. Les divers corps se mirent en mouvement. Le maréchal

Ney, protégé par soixante pièces de canon rangées en batterie la veille, attaqua le centre de l'ennemi, qui s'appuyait sur une grande redoute. Le général Latour - Maubourg soutenait cette attaque avec un corps de cavalerie, et exécutait des charges fréquentes sur les masses russes rangées en carré autour de cette redoute; le vice-roi formait l'aile droite, et le prince d'Eckmühl l'aile gauche : Bonaparte se tint constamment derrière le centre. Le combat s'engagea sur toute la ligne avec un acharnement égal des deux côtés. Le 30e régiment ayant emporté la redoute à la baïonnette, les troupes françaises s'établirent sur le plateau; les canons furent tournés contre les Russes; et le succès de la journée semblait décidé cependant, le prince Kutusoff parvint à renouveler le combat, en attaquant avec toutes ses forces la position importante qu'il venait de perdre. Le 30o régiment fut repoussé de la redoute. Kutusoff, faisant marcher sa réserve, était sur le point de gagner la bataille, quand le général Friant, avec 80 pièces de canon, arrêta et écrasa ses colonnes, qui se tinrent pendant plusieurs heures serrées sous la mitraille: La redoute fut prise une seconde fois ; et ceux

qui étaient chargés de la défendre se firent massacrer sur leurs pièces, plutôt que de les abandonner.

Tandis que ces choses se passaient à l'aile gauche de l'armée française, le prince d'Eckmühl cherchait à tourner les Russes; qui, sur ce point, commandés par le général Bagration, opposaient la résistance la plus opiniâtre. Le maréchal Ney réitéra les attaques les plus sanglantes pour enfoncer leur centre. D'abord les Polonais, qui faisaient partie de son corps d'armée, furent repoussés; mais il leur fit reprendre l'offensive : unissant ensuiteses efforts à ceux de l'aile gauche, il parvint à pénétrer jusqu'au milieu des lignes russes, faisant marcher devant lui de nombreuses batteries qui portèrent le désordre dans leurs rangs, et assurèrent le succès de la journée.

Quoique les Russes eussent perdu leurs positions, ils continuèrent le feu jusqu'au soir; et ce ne fut que pendant la nuit qu'ils abandonnèrent le champ de bataille, effectuant leur retraite en bon ordre. Les jours suivans, l'armée poursuivit les Russes et s'empara de Mojaïsk, à la suite d'un

Les services que Ney rendit dans cette journée lui valurent, plus tard, le titre de prince de la Moskwa.

combat sanglant. L'armée française quitta bientôt cette ville, que les Russes avaient incendiée, et marcha en trois colonnes sur Moskou, où elle fit son entrée le 14 septembre.

Elle trouva cette grande cité entièrement déserte; les forçats seuls y étaient restés ; les divers quartiers furent d'abord visités par les éclaireurs; on ne trouvait dans les palais que des officiers blessés aux précédentes affaires; les églises étaient parées comme pour un jour de fête, et mille flambeaux étaient allumés devant les Saints, protecteurs de la patrie. « Cet appareil ima posant et religieux (dit M. Labaume, dont << les mémoires sur cette campagne nous << ont fourni plusieurs renseignemens uti«<les), rendait puissant et respectable le

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peuple que nous avions vaincu et nous

pénétrait de cette terreur que cause une grande injustice. »

Les magistrats en se retirant avaient emmené avec eux les pompes à incendie; la Bourse, qui formait presqu'un quartier dans la ville, avait été brûlée, pour ruiner les négocians, qui seuls s'opposaient à l'abandon de Moskou. D'abord les soldats français firent tous leurs efforts pour arrêter les progrès de l'incendie; mais désespérant

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