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d'y parvenir, ils pillèrent les boutiques. Le 16 septembre, le feu se manifesta aux quatre coins de la ville; ses progrès furent rapides; on avait pris des mesures pour en activer les effets; * le soir, Bonaparte ne se croyant plus en sûreté dans le Kremlin où il s'était établi, fut loger au château de Péterskoé, résidence des anciens Czars, hors de l'enceinte de la ville les généraux français, dont on pensait que la présence pouvait en imposer aux soldats, reçurent l'ordre de s'éloigner, et les troupes n'étant plus retenues par aucun frein, se livrèrent à tous les excès. Le pillage et l'embrasement durèrent pendant quatre jours. Bonaparte revint le 21 septembre habiter le Kremlin, qui n'avait pas été brûlé. D'après le relevé que firent les in. génieurs - géographes, on trouva que le dixième des maisons étant encore sur pied.***

Les corps de l'armée française furent répartis dans les divers quartiers de la ville. Bonaparte qui, au milieu de ses affreux triomphes, commençait à concevoir des

.

* Les forçats avaient été chargés de se disperser dans tous les quartiers de la ville avec des torches et des briquets phosphoriques pour mettre le feu aux maisons que l'incendie ne gagnait pas assez vite.

Voyez le 24 bulletin,

craintes sur sa position, envoya Lauriston au prince Kutusoff pour offrir des propo

sitions de paix.

Les Russes, dans la seule vue de prolonger le séjour de l'armée française jusqu'à l'arrivée prochaine des frimas, eurent l'air de prêter l'oreille aux négocians. Un courrier fut envoyé à Pétersbourg, et Bonaparte attendit jusqu'au 19 octobre une réponse que l'empereur Alexandre ne daigna pas lui donner.

Cependant la saison s'avançait; les ressources qui alimentaient l'armée étaient entièrement épuisées; la cavalerie s'anéantissait faute de fourrages, et les cosaques, enhardis par la faiblesse croissante de leurs ennemis, poussaient l'audace jusqu'à attaquer les quartiers-généraux aux environs de Moskou.

Tout annonçant que les Russes allaient reprendre l'offensive, il fallut songer à la retraite. Le premier plan de Bonaparte fut sans doute de se jeter à droite pour gagner l'Ukraine où un climat plus tempéré et un sol fertile offraient quelqu'espoir de salut à son armée; mais les Russes ayant concentré leurs forces à Malo-Jaroslavetz, le rejetèrent sur la route de Smolensk, et le contraignirent à se retirer par les pro

vinces dévastées qu'il avait parcourues en

venant.

Avant de quitter Moskou il avait donné l'ordre au duc de Trévise de détruire tout. ce que l'incendie avait épargné; cet ordre fut exécuté, et la jeune garde fit sauter le Kremlin; mais Bonaparte ne borna pas là ses vengeances. Aveuglé par une fureur dont les effets tombaient directement sur ses propres soldats, ils faisaient livrer aux flammes les villes, les bourgs et les châteaux par lesquels il passait, privant ainsi. les corps français qui marchaient après lui. des ressources qu'auraient pu leur offrir ses habitations. *

L'armée parvint jusqu'à Viazma, continuellement harcelée par les Russes, qui profitaient de chaque position pour lui faire éprouver des pertes considérables, mettant un tel acharnement dans leurs poursuites que la nuit même ne suspendait pas leurs attaques. Les Français, marchant à travers un pays dévasté, ne pouvant s'écarter de

* Ce plan insensé fut suivi sur toute sa route. A Doroghobouï, non-seulement il fit mettre le feu aux maisons, mais les magasins farent pillés, et l'eau-de-vie, dont ils abondaient, coulait dans les rues, quand tout le reste de l'armée mourait faute de boissons spiritueuses.

LABAUME, page 301.

la route pour chercher des vivres, furent continuellement en butte aux maux crois-sans de la plus affreuse disette; exténués par la faim et la lassitude, chaque jour enlevait des milliers de soldats; la cava-lerie était presque toute démontée, l'artillerie et les bagages restaient par-tout sur les routes. En sortant de Viazma, les attaques des Russes redoublèrent avec un nouvel acharnement; leurs nombreuses divisions avaient déjà réussi à déborder les ailes du 4e corps et menaçaient de le sé-parer du reste de l'armée, quand le maré-chal Ney qui, avec le 3e corps, était, depuis la veille, en position près de Viaz-ma, arrêta les efforts de l'ennemi, et sauva les 4,5 et 1er corps, en leur facilitant les moyens de se retirer derrière la rivière de Viazma.

Depuis ce jour, le maréchal Ney ayant relevé le prince d'Eckmühl d'arrière-garde, eut à soutenir là retraite de l'armée contre un ennemi qui ne respirait que la ven-geance, et qui, recevant tous les jours de nouveaux renforts, ne mettait aucun intervalle dans ses attaques.

Le 6 novembre, les Français étaient à vingt lieues de Smolensk où ils espéraient touver de s vivres, et se refaire de leursΛ

longues fatigues, quand tout-à-coup les vents de l'hiver soufflèrent avec fureur : l'horison se chargea de frimas, le soleil disparut, la neige confondit le ciel et la terre, les routes furent perdues, et le froid, devenu excessif, ajouta de nouveaux fléaux à ceux qui accablaient l'armée. Dès-lors, l'indiscipline et la désorganisation se mirent dans ses rangs.

Dans les journées des 6 et 7 novembre, Bonaparte perdit le tiers de son armée. *

Quand, après le combat de Smolensk,. il s'était jeté sur la droite pour prendre la route de Moskou, il avait laissé sur sa gauche le général russe Wittgenstein avec un corps d'armée qui fut bientôt grossi par 17,000 hommes de nouvelles levées. Le maréchal Gouvion - Saint-Cyr, appuyé sur la forteresse de Polotsk, avait été chargé de faire têté à cette armée, afin de maintenir les communications entre l'armée de Moskou et les provinces lithuaniennes. Des combats continuels, la rigueur de la saison et le défaut de renforts ayant considérablement diminué les forces de ce maréchal, il fut obligé, pour n'être point tourné par les Russes qui déjà menaçaient

* Voyez le 25 bulletin.

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