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ses derrières, de leur abandonner Polotsk et de repasser la Dwina. Cette retraite indispensable permit au comte Wittgenstein de faire occuper Witepsk, et d'attendre ainsi l'armée française, que cette nouvelle empêcha de s'établir à Smolensk, où Bonaparte avait d'abord eu l'intention de rallier ses troupes, pour reprendre l'offensive au printems.

Ainsi, l'arrivée des Français à Smolensk, qu'ils regardaient comme le terme de leurs souffrances, ne fut pour eux que le com-mencement de nouveaux dangers. Cette ville, qui avait été incendiée, leur offrit peu de ressources; ses magasins mal approvisionnés ne leur assuraient des vivres que pour quelques jours; encore les besoins des soldats ne s'accordant pas avec les formalités qu'exigeait une distribution, ces magasins furent pillés par eux, la nuit même de leur arrivée. Le séjour que l'armée fit à Smolensk avait donné au prince Kutusoff le tems de la dépasser son avantgarde s'établit en avant de Krasnoé, déci dée à disputer le passage à chacun des corps français qui marchaient par échelons. sur la route, à une journée de distance..

Bonaparte, à la tête de la garde, parvint seul à forcer les lignes ennemies. Le

nes par

prince vice-roi, avec le 4e corps, vint ensuite, et après un combat sanglant réussit, à l'aide de la nuit, à faire filer ses colonla droite dès Russes, tandis qu'une fausse attaque attirait leur attention sur leur gauche. Le lendemain, les deux corps qui avaient passé retournèrent au secours des autres. Le combat s'engagea : le prince d'Eckmühl, avec le premier corps, vint à bout de se faire jour au milieu des bataillons ennemis. Le maréchal Ney, qui vint le dernier parce qu'il avait l'ordre de rester à Smolensk pour en faire sauter les fortifications, rencontra près de Krasnoé des difficultés invincibles, mais qu'il éluda par un de ces coups hardis qui seuls appartiennent aux grands capitaines.

Outre le commandement du 3e corps, il avait depuis quelque tems celui du 5o, composé de Polonais. Ces deux corps d'armée réunis formaient à peine 6000 hommes sous les armes, et leur marche était embarrassée par plus de 4000 malades ou blessés. C'est dans une telle situation que Ney se trouva séparé, par de nombreuses divi

L'ordre de détruire Smolensk ne put être exécuté, parce que l'hetman Platow entrant brusquement dans cette ville avce ses cosaques, Ney fut obligé de l'évacuer.

sions russes, du reste de l'armée française, qui bientôt, désespérant de le dégager, continua sa route, regardant comme impossible qu'il parvînt jamais à la rejoindre.

En apprenant la situation critique de Ney, Bonaparte s'était écrié plusieurs fois qu'il donnerait deux millions pour racheter ce maréchal, l'un de ses plus intrépides lieu

tenans.

Les Russes, ne croyant pas que Ney pût résister aux forces qui l'investissaient, le firent sommer de se rendre ; il reçut le parlementaire très-brusquement, et il dit pour toute réponse qu'il n'était pas homme à capituler, et qu'il saurait bien se faire jour l'épée à la main.

Après avoir multiplié inutilement les efforts les plus courageux pour se frayer un passage, ayant perdu son artillerie, ses bagages et la moitié de ses soldats, au moment où les Russes s'attendaient à le voir mettre bas les armes, il se jeta sur la droite, et, par les manoeuvres les plus habiles, fut chercher au-delà du Borysthène une nouvelle route, qu'il parcourut pendant trois jours sans aucune communica tion avec l'armée, et continuellement harcelé par 6000 cosaques, qui, ne pouvant

croire au succès d'une démarche aussi hardie, redoublaient d'efforts pour le forcer à se rendre. Dans cette marche, qui fut une des plus belles opérations de la campagne, tout ce que le talent et le courage peuvent suggérer de ressources contre le nombre et les difficultés des lieux, fut mis en œuvre par le maréchal. Isolé avec sa faible armée au milieu d'un pays inconnu, il marchait en carré, rendant infructueux les efforts continuels qu'on faisait pour l'entamer. Son sang-froid ne l'abandonna jamais. Au moment de passer le Borysthène, l'inquiétude et le découragement des soldats étaient à leur comble; ils cherchaient partout leur chef, s'attendant à voir dans ses regards un abattement qui confirmât leurs craintes. et permît à leur désespoir d'éclater. On trouva le maréchal couché sur la neige, une carte à la main, méditant tranquillement la route qu'il devait prendre. Tant de calme, au milieu du danger le plus imminent, ranima le courage des soldats, et leur rendit l'espérance qu'ils avaient déjà perdue.

Les autres corps, après plusieurs jours de marches, ayant effectué le passage du Borysthène en avant d'Orcha, le maréchal Ney rejoignit dans cette ville l'armée fran

çaise, qui salua par des cris de joie l'arrivée inespérée de ses compagnons d'infor

tunes.

Bonaparte courut au-devant de Ney pour l'embrasser, et lui dit « qu'il ne regrettait << nullement les troupes, puisqu'il avait con« servé son cher cousin l'audacieux duc d'Elchingen. »

Cependant le comte Wittgenstein, ayant, comme nous l'avons dit, forcé le maréchal Gouvion-Saint-Cyr à repasser la Dwina, reprenait successivement toutes les places de la Lithuanie, et repoussait de position en position l'armée qui l'observait jusque sur la Bérésina, où il espérait faire sa jonction avec le prince Kutusoff, avant que l'armée française, qui venait de Moskou, eût pu effectuer le passage de cette ri

vière.

Le maréchal Gouvion-Saint-Cyr ayant été blessé au combat de Polotsk, le duc de Reggio fut chargé de le remplacer dans le commandement du corps opposé à Wittgenstein. Bonaparte envoya pour soutenir ce corps celui du duc de Bellune, mais le froid et plusieurs combats sanglans affaiblirent tellement ce renfort, que son arrivée ne changea rien à la situation des affaires.

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