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la supériorité numérique des alliés ne lui permettaient pas de tenter une nouvelle bataille. Il fit mettre son armée en retraite. La veille, il avait envoyé Bertrand, avec 20,000 hommes, pour assurer les débouchés de la Saale. Il était à Leipsick, avec le roi de Saxe, à voir défiler les troupes, quand la vivacité du feu, qu'il entendit à son arrière-garde, l'avertit qu'il n'était plus en sûreté dans cette ville. Il fit dire au duc de Tarente, qui commandait cette arrière - garde, de se retirer; et il s'enfuit lui-même à Lindenau, pour voir évacuer les dernières troupes.

Le duc de Tarente n'avait que 20,000 hommes, et il était pressé par plus de 100,000. Le pont de Lindenau avait été miné, et on avait confié l'opération importante de le faire sauter à un caporal, qui mit le feu aux poudres avant l'arrivée de l'arrière-garde. La majeure partie des troupes mit bas les armes; un grand nombre d'individus se jetèrent dans la rivière; et s'y noyèrent; le prince Poniatowski fut de ce nombre. Le maréchal duc de Tarente fut assez heureux pour la traverser à la nage: 18,000 hommes d'élite, et une nombreuse artillerie restèrent à l'ennemi.

Les alliés se mirent sur-le-champ à la pour

suite des Français, et harcelèrent sans relâche la queue, les flancs, et même la tête de leurs colonnes; bientôt le désordre et la désorganisation furent extrêmes; et les routes se couvrirent des débris de leur armée. Cette retraite présentait l'image de la déroute de Moskou: les colonnes, souvent coupées par l'ennemi, étaient dissipées par le fer et la frayeur; toutes les églises, toutes les maisons étaient encombrées de morts et de mourans, et des milliers de traîneurs parcouraient les routes et les forêts dans l'état le plus pitoyable.

Le 30 octobre, cette armée arriva devant Hanau, où un corps de Bavarois, commandé par le général de Wrède, essaya de lui barrer le passage; mais cette ville fut emportée, et Bonaparte arriva le 2 novembre sur le Rhin, avec les faibles restes de son armée, qui s'y rallièrent pour attendre leur réorganisation.

Cependant Bonaparte, arrivé à Mayence,. séjourna huit jours dans cette ville, afin de réunir ses troupes; de déterminer les lieux où devaient se rassembler les débris des différens corps, et de connaître le nombre d'hommes qu'il serait forcé de lever pour en compléter les cadres; ce travail, qu'il

appelait réorganiser l'armée, * étant terminé, il se rendit dans sa capitale, où il mit en jeu tous les ressorts du despotisme pour se créer de nouveaux moyens de tenter la fortune; mais tandis qu'il disputait aux représentans de la nation les derniers soutiens des familles, qu'il tâchait de nationaliser sa cause, qu'il s'efforçait de prouver aux Français que les sentimens de haine qu'on pouvait lui porter devaient disparaître devant les dangers qui menaçaient la patrie, et que c'était à la France à se tirer, par elle-même, de l'abîme où il l'avait plongée, les alliés combinaient sur les frontières ce vaste plan d'envahissement qui allait mettre un terme aux malheurs de l'Europe. Bientôt ayant attiré les forces les plus disponibles de Bonaparte sur la Belgique, en paraissant menacer plus particulièrement cette province, ils firent filer, par la Suisse, leurs principales colonnes d'invasion qui se trouvèrent sur le territoire de la France, sans avoir eu aucun combat à livrer pour en franchir les limites.

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* On lit dans les journaux d'alors cette phrase singulière : Aujourd'hui à neuf heures, l'Empereur a signé la réorgani«sation de l'armée ». Ne semblerait-il pas qu'on crée une armée de 100 mille hommes avec un seul trait de plume?

Toute la ligne du Rhin fue forcée; le comte de Wittgenstein passa ce fleuve près du fort Louis, tandis que l'armée de Silésie, 'sous les ordres du prince Blucher, effectuait son passage entre le Mein et le Necker, et traversait la chaîne des Vosges sans aucune résistance sérieuse, Bonaparte n'ayant pas eu le tems de former une nouvelle armée.

Comme les troupes alliées, entrées sur divers points, agirent long-tems séparément avant de faire leurs jonctions, et que nous ne pourrions suivre l'ensemble de leurs opérations sans perdre de vue le, personnage dont nous écrivons l'histoire, nous nous bornerons à rapporter les faits de cette campagne qui sont particuliers au maréchal Ney, et nous n'entrerons dans les détails des combats où il s'est trouvé, qu'autant qu'il sera nécessaire pour en faciliter l'intelligence.

L'armée de Silésie ayant passé les Vosges marchait par la Lorraine pour se joindre à celle du prince de Schwartzenberg; Nancy étant ainsi menacé, Bonaparte y envoya le maréchal Ney, lui donnant l'assurance qu'il y trouverait 15,000 hommes de troupes de ligne et des levées en masse animées, disait-il, du meilleur esprit; mais ces levées

en masse n'existaient que sur les journaux. Ney, arrivé à Nancy, y trouva à peine 6000 hommes, avec lesquels il lui fut impossible de tenter aucune résistance : il fut donc forcé d'évacuer cette ville à l'approche des ennemis, qui y entrèrent le même jour.

Ney se joignit alors aux maréchaux Marmont et Victor pour tenir la campagne; mais les troupes réunies de ces trois maréchaux ne s'élevaient pas à 15,000 hommes. Ne pouvant garder les lignes de la Meuse avec si peu de force, ils se retirèrent bientôt sur la Marne.

La jonction de l'armée de Silésie avec celle du prince de Schwartzenberg étant sur le point de s'opérer, Bonaparte, qui avait enfin organisé de nouvelles troupes, partit de Paris pour s'opposer à cette jonction. Il arriva à Châlons-sur-Marne et se porta en hâte sur Saint-Dizier, dont le maréchal Ney avait été chassé par le prince Tscherbatoff; il reprit cette ville, et y entra à la tête de 60,000 hommes. Ayant eu alors des données exactes sur la position de Blucher, il résolut de l'attaquer avec toutes ses forces et de l'accabler avant l'arrivée de Schwartzenberg, qui devait joindre l'armée de Silésie à Bar-surAube.

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