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DC179
NENZ

WENRY MORSE STEPHENS

Le maréchal Ney vient de terminer sa carrière. La première heure du passé à peine a sonné sur sa tombe, et déjà l'inflexible histoire réclame sa vie, dont la France voudrait pouvoir lui cacher une partie. C'est du sein des débats judiciaires où se sont agitées les grandes questions de l'honneur et de l'existence d'un homme long-tems élevé au premier rang des citoyens, que l'historien a pu observer la cause et l'enchaînement des faits qu'il s'est chargé de transcrire. Placé entre les accusateurs et les apologistes, entre les actions honteuses et condamnables, et les actes éclatans de grandeur et de courage, tout a été, pour ainsi dire. soumis à son tribunal. Mais si cette situation offre de nombreux avantages, elle est éga

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⚫lement féconde en désagrémens. Quand des

crises politiques ont prolongé dans un Etat les déchiremens et le désordre, les passions qui les ont préparés leur survivent longtems. Le volcan paraît éteint, mais le cratère est encore brûlant; et n'est-ce point en remuer les cendres que de rappeler ces scènes de désastres à ceux qui en ont été les victimes et à ceux qui voudraient les voir renaître? Telle est cependant la condition d'un historien contemporain. Nous pourrions éluder les dangers qu'elle entraîne en nous retranchant dans une énumération aride et fastidieuse des pièces et des plaidoyers; mais cette frivole curiosité du public, qui va chercher dans un procès criminel un vain et déplorable spectacle, est détruite avec l'objet qui l'avait fait naître. On ne sait plus quel avocat prit la défense du maréchal de Biron, et l'histoire a conservé, pour l'exemple des tems les plus reculés, les détails de sa trahison et de la ca

tastrophe funeste qui en a été le châtiment. A peine le procès du maréchal Ney fixa-til l'attention du public, qu'on chercha des termes de comparaison entre cette affaire et celle du maréchal de Biron. Nous croyons cependant qu'il n'a existé entre ces deux hommes d'autre similitude que celle de leurs fautes.

Biron, élevé au milieu de la cour et sous les yeux de son père, l'un des plus grands capitaines de son siècle, reçut presque en naissant des leçons et des exemples de vertų et de fidélité. Héritier d'un nom illustre, comblé des faveurs du grand Henri, il s'arme deux fois contre son bienfaiteur pour le vil intérêt de l'or et pour une alliance que sa perfidie aurait déshonorée. Dans cette conjuration, où l'esprit d'imprudence et de vertige semble s'allier aux combinaisons de l'intrigue, tout est froid, parce que le complot qui se renoua, après le plus généreux

pardon, est médité sous les yeux du Roi, et pour ainsi dire à ses côtés. Le nom de Biron suffit à peine pour imprimer quel

que noblesse au complice abject du duc de Savoie; et les nobles exploits de ses premières années sont flétris par l'ignominie d'une ingratitude sans exemple.

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Ney, sorti des derniers rangs de la société, se jeta dans les derniers rangs de l'armée, où il aurait été condamné à traîner une vie éternellement obscure lorsque la révolution éclata. Dans un tems où la bravoure tenait lieu de tout et conduisait à tout, Ney se fit remarquer par une intrépidité extraordinaire. Il parcourut rapidement la carrière des armes mais la vie des camps, qui pervertit plutôt qu'elle ne perfectionne les vertus sociales, n'était point propre à suppléer à ses connaissances et à lui donner des principes de con duite. Tel on l'avait vu sous-officier d'un

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