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régiment de hussards, tel on le vit depuis maréchal et pair de France. Les rares apparitions qu'il fit à la cour, prouvèrent qu'il s'y trouvait déplacé. Rien n'annonce que, comme Biron, il eût eu la lâche prudence de combiner une conjuration; mais rien dans son caractère ne pouvait rassurer sur sa fermeté morale. Tout est chez lui marqué du sceau de l'inconséquence. Capable de concevoir et d'exécu ter des actions généreuses, il l'est également de tomber dans les excès les plus coupables. On ne trouve en lui ni cette faculté de combiner de vastes projets ni cet esprit de dissimulation nécessaire à un conspirateur. Sa vie ne se compose pas de desseins mais d'actions. Maintenu par le Roi dans son grade, décoré de l'ordre de Saint-Louis, il fait, comme pair, comme maréchal et comme chevalier, un triple serment, qu'il ne tarde pas à violer. Cependant, quand il le prononçait ce serment,

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il avait la résolution de le garder; et depuis

il a montré dans sa faute avec quelle ardeur et quelle exaltation il suivait les résolutions qu'il avait le plus légèrement adoptées Pártout il est le même, irréfléchi, violent dans ses décisions, incapable de résister à la première impulsion d'une volonté qui n'a été dirigée par aucun principe de conduite ni par aucune règle.

L'esquisse de la vie de Biron, comparée à la sienne, suffit donc pour indiquer que le seul trait de ressemblance qui existe entre eux est dans la nature du crime et non dans les détails. Tous deux ont été coupables, mais chacun avec des nuances distinctes et séparées. L'ingrat Biron ne craint pas d'élever ses regards jaloux jusque sur le trône de son maître et de son bienfaiteur. Il le convoite, il brûle de s'y asseoir, et, pour arriver à ce projet insensé, il s'abandonne aux intrigues les plus viles et les plus odieuses.

Ney oublie son honneur et ses sérmens pour ramper sous un maître absolu. Élevé par les faveurs de la fortune, il semble se régler sur ses caprices et faire dépendre sa foi et sa conscience de ses absurdes vicissitudes.

Il nous semble que, sous cet aspect, l'histoire de Ney l'emporte sur celle de Biron, en ce qu'elle est plus fertile en réflexions morales. Il n'est donné qu'à un bien petit nombre d'hommes d'aspirer au trône; cette audacieuse tentative demande un concours de circonstances qui, pour le bonheur de la terre, se rencontre assez rarement au lieu que chacun peut se jouer de sa parole; et ce crime n'a été que trop commun parmi nous pendant notre épouvanta ble révolution. Combien d'aventuriers n'ont dû le miracle de leur élévation, de leur fortune ou de leur célébrité, qu'à la scandaleuse facilité avec laquelle ils ont prodigué les sermens! Combien en ont prêté à

toutes les constitutions et à tous les tyrans

qui se sont succédés en France depuis vingt-cinq ans! Que peut-il y avoir de sacré pour de tels hommes ? quelle foi à ajouter à des promesses qu'ils ont prostituées ? Et, si dans le cours de la vie particulière et pour des actes particuliers de bassesse, de tels êtres seraient livrés au mépris public, de quel œil les voir en appliquant leur coupable versatilité aux choses qui, de leur nature, sont sacrées et immuables! Quoi! on punira la violation du plus futile engagement, et on pourrait tolérer celle qui compromet la sécurité de toute une nation!

On a cherché à pallier la défection du maréchal, en la présentant comme le triste résultat des tems de trouble et de confusion qui ont perverti et corrompu tous les principes de la morale publique.

C'est, en effet, la période la plus douloureuse de notre histoire que celle de la

révolution : déplorable chaos où se sont trouvés confondus les élémens du juste et de l'injuste, les vertus et les forfaits; misérable époque où la bravoure physique, qui renverse les Etats, a été placée audessus du courage moral qui les consolide et les affermit!

Mais, en remontant à l'origine de ce funeste bouleversement, on en trouve la cause dans l'iniquité de quelques êtres corrompus que la douceur et la longanimité du gouvernement n'ont que trop encouragés. Ces novateurs audacieux, forts de leur impunité, s'en sont fait une arme terrible ; ils ont fini par renverser un trône que des siècles protégeaient et semblaient devoir rendre immortel.

C'est donc de l'infidélité, du parjure et de la révolte que sont nés nos premiers malheurs; ce sont encore ces crimes qui en comblent la mesure. Et cependant tels sont les germes de dépravation jetés par

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