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tre témoins ont été appelés pour déposer sur les faits de l'acte d'accusation, pour que les commissaires pussent s'opposer à ce qu'ils fussent entendus. C'est à l'appui d'un système qu'il est bien tard de présenter, qu'on invoque la convention du 3 juillet; mais, pour qu'on sache avec quelle générosité procèdent les accusateurs, nous ne nous y opposons point.

M. Berryer: Le prince d'Eckmuhl a été chargé, par la commission du gouvernement provisoire, de stipuler dans la convention du 3. juillet. Il peut avoir des souvenirs précieux sur ses dispositions.

Le prince d'Eckmuhl: Dans la nuit du 2 au 3 juillet, tout était préparé pour se battre. La commission envoya l'ordre de traiter avec les généraux alliés. Les premiers coups de fusil avaient été tirés. J'ai envoyé aux avant-postes. pour arrêter l'effusion du sang. La commission avait remis le projet de la convention; j'y ai ajouté tout ce qui est relatif à la démarcation de la ligne militaire ; j'ai ajouté les articles rela tifs à la sûreté des personnes et des propriétés, et j'ai spécialement chargé les commissaires de rompre les conférences, si ces dispositions. n'étaient pas ratifiées.

M. Berryer Je prie son excellence de vouloir bien dire où était le quartier-général des alliés.

Le prince Le maréchal Blucher était à SaintCloud; le duc de Wellington était, je crois, à Gonesse. Il s'est rendu à Saint-Cloud quand il a éte informé des conférences. C'est là qu'a été arrêtée la convention.

M. Berryer demande au prince quelles étaient ses espérances pour résister, i la convention n'eût point été accordée telle qu'on l'a deman dait pour les avantages de Paris.

Le prince J'aurais livré la bataille. J'avais vingt-cinq mille hommes de cavalerie, quatre à cinq cents pièces de canon; et si les Français sont prompts à fuir, ils avaient été prompts à se rallier sous les murs de Paris.

M. Berryer Je prie le prince de dire quel était le sens que lui et le gouvernement provisoire donnaient à l'article 12.

M. Bellart Les commissaires du Roi s'opposent à cette question indiscrète. La discussion, je le vois bien, roulera sur la capitulation; mais l'acte existe comme il existe. L'opinion du prince n'y peut rien changer. Un acte ne peut pas être altéré par des décla

rations.

Le maréchal Ney: La déclaration était tellement protectrice, que c'est sur elle que j'ai compté. Sans cela, croit-on que je n'eusse pas préféré de périr le sabre à la main? C'est en contradiction de cette capitulation que j'ai été arrêté, et sur sa foi je suis resté en France.

Le président : C'est dans la capitulation écrite que son sens est renfermé; peu importe l'opinion que chacun peut en avoir. En vertu du pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré, la question ne sera pas faite. J'ai d'ailleurs consulté la chambre, et la grande majorité a été de mon avis.

Trente-sixième témoin, M. le comte de Bondy, ancien préfet de la Seine.

M. le président : Vous êtes appelé pour don ner connaissance des faits relatifs aux militaires compris dans la capitulation de Paris.

R. La principale base de la convention était. la tranquillité publique, la sûreté de Paris, le respect des personnes et des propriétés. C'est dans cette intention qu'elle a été rédigée et proposée aux généraux Blucher et Wellington. Il

y a eu quelques débats sur ces dispositions mais aucune difficulté sur l'article 12; il a été accepté de la manière la plus rassurante pour ceux qui y étaient compris.

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Un pair: Je prie Monseigneur le président de vouloir bien demander au prince d'Eckmuhl et M. de Bondy, de dire sur l'honneur s'ils pensent que, sitôt après la capitulation, le Roi fut le maître de rentrer dans sa capitale; car, s'il ne l'était pas, il ne serait pas rentré en vertu de la capitulation : il ne pourrait donc pas être lié par elle.

Un autre pair: Cette observation est inconvenante. Elle devrait être renvoyée à un tout autre tems, à un tout autre lieu. Ce n'est pas dans une séance publique telle que celleci que de semblables questions doivent être agitées.

Trente septième témoin M. Guilleminot, lieutenant-général.

Le président : Vous êtes appelé à déposer sur la part que vous avez eue dans la capitulation de Paris, relativement aux militaires.

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M. Guilleminot : Comme chef de l'état-major, j'ai été chargé de stipuler l'amnistie en faveur des personnes, quelles qu'eussent été leurs opinions leurs fonctions et leur conduite; ce point a été accordé sans aucune contestation. J'avais ordre de rompre toute conférence, si l'on m'eût fait éprouver un refus : l'armée était prête à attaquer c'est cet article qui lui a fait déposer les armes,

M. Dupin Cette convention était militaire; pourquoi y adjoindre MM. de Bignon et de Bondy?!

M. Guilleminot: ils stipulaient pour les citoyens français comme moi pour les mili

taires.

M. le président a demandé à l'accusé, aux défenseurs et à M. le commissaire du Roi, s'ils: n'avaient pas d'observations à faire.

Sur leur réponse négative, la parole a été accordée à M. le commissaire du Roi.

Immédiatement après l'audition des témoins, le procureur général prit la parole pour résumer l'accusation. Dans son plai-doyer, il s'attacha à éviter toutes les circonstances accessoires de l'affaire, et il parut la renfermer dans l'espace de tems compris entre la soirée du 13 et la matinée du 14 mars. Cette concession, qui semblait donner un grand avantage à la défense du maréchal, lui fut pour ainsi dire inutile; en effet l'action qui constituait le crime était la lecture de la proclamation; ainsi, en restreignant les faits à cette circonstance évidente et principale, le procureur-général se donnait réellement l'immense faveur de classer facilement dans la mémoire tout le systême d'attaque; il termina par le passage suivant :

«

Vingt-cinq années de troubles politiques nous ont rendus indulgens, et n'ont que trop affaibli les principes de la morale. Est-ce cette morale dégradée qu'on voudrait appliquer à M. le maréchal Ney? Il n'est point un de ces hommes qui puissent cher

cher quelque excuse dans leur ignorance. Le maréchal Ney, au premier rang de nos guerriers, l'un des citoyens les plus illustres qui firent long-tems la gloire de la France, ne devait chercher sa conduite que dans ses devoirs. Le danger n'était pas imminent. Pour la première fois de sa vie, le maréchal Ney connaissait-il la peur ? Il pouvait prendre un moyen plus doux : il pouvait conserver encore sa gloire en refusant celle plus brillante qui lui était offerte; il pouvait rentrer dans la retraite, et conserver à son Roi la foi qu'il lui avait jurée.

« Je m'arrête, Messieurs les pairs; vos consciences apprécieront les charges contenues dans l'acte d'accusation. >>

Après ce discours, M. le chancelier demanda aux avocats du maréchal s'ils voulaient commencer sa défense. M. Berryer fit observer que les éclaircissemens sortis: des débats nécessitaient quelques heures de méditations; il pria la chambre dé lui accorder jusqu'au lendemain pour se reeueillir, et M. le chancelier y accéda.

La séance du 6 décembre aurait donc. dû commencer par le plaidoyer des avocats. Déjà M. le chancelier leur avait accordé la parole, lorsque le procureur-gé

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