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dù mareschal de Biron n'estoit que des faul bruicts.

Aussi la Fin eut commandement d'enuoyer vers le mareschal, l'asseurant qu'il n'auoit rien dit au roy qui lui pust nuire.

Sur ce, le roy partant de Fontaine-belleEau pour aller à Blois et en Poictou, manda au mareschal de Biron de le venir trouuer, lequel luy renuoya des excuses, sur le pretexte que l'Espagnol voulait faire passer une armee au pont de Gresin, ainsi que nous dirons cy apres; et aussi sur l'assemblee des Estats de Bourgongne, indicte au 22 may, où il falloit qu'il assistast pour le ser

uice de S. M.

Nonobstant toutes ces excuses, le roy luy enuoya le sieur d'Escures, qui estoit amy inthime et seruiteur du mareschal, qui luy dit que s'il ne vouloit venir que le roy le viendroit querir luy mesme en personne; mais afin qu'il n'apprehendast aucun desplaisir, le roy luy enuoya aussi le sieur president Janin, lequel l'asseura de la bonne volonté de S. M., et qu'il le vint trouver; que ne venant point il s'accusoit plus de luy mesme que tout ce que d'autres pourroient dire.

Le mareschal, esmeu de tous ces aduis, se confiant en sa defense qu'il auoit meditee, part de Dijon et s'en vint trouuer le roy estant à Fontaine-belle-Eau, faisant courir devant luy ledit sieur d'Escures, pour en asseurer le roy. On tient qu'il receut par

les chemins plusieurs aduis des siens, qu'il se donnast bien garde de venir à la cour, et que s'il y venoit il auroit la teste tranchée; d'autres lui donnerent aduis de se retirer en la Franche-Comté.

Il arriua à Fontaine-belle-Eau le mercredy 13 iuin, à six heures du matin; ainsi qu'il arriuoit, le roy entroit dans le grand iardin, et disoit à vn des seigneurs de son conseil : « Non, il ne viendra point; » mais à l'instant le mareschal parut entre six ou sept qui estoient auec luy, et d'assez loing qu'il vit S. M., il fit trois reuerences; puis le roy s'aduançant l'embrassa et luy dist : « Vous « auez bien faict de venir, car autrement ie vous allois querir. » Le mareschal lui dit plusieurs excuses sur son retardement; puis le roy le print par la main en se pourmenant, luy monstrant le dessein de ses bastiments, et passerent ainsi d'vn iardin en l'autre, où S. M. luy parla des aduis qu'il auoit eus de quelque mauuaise intention qu'il auoit contre son Estat, ce qu'il ne luy apporteroit qu'vn repentir, s'il ne luy en disoit la verité. Le mareschal luy respondit quelques paroles assez hautaines; entr'autres, qu'il n'estoit venu pour se iustifier mais pour sçauoir qui estoient ses accusateurs; qu'il n'auoit point de besoin de pardon, puis qu'il n'auoit offensé. En ces deuis l'heure du disner s'approche; au lieu d'aller disner à la table du grand-maistre, il alla disner auec le duc d'Espernon, pour ce que son train n'estoit pas encores vénu. ·

Apres le disné il vint trouuer le roy, qui faisoit vn tour dans la grand'salle, lequel. luy montrant sa statue en relief, triomphant au dessus de ses victoires, lui dist: « Hé bien, mon cousin, si le roy d'Espagne « m'auoit veu comme cela, qu'en diroit-il? » Il respondit au roy legerement: « Sire, il « ne vous craindroit gueres. » Ce qui fut bien noté de tous les seigneurs presens ; et lors le roy le regarda d'vn œillade rigoureuse, dont il s'apperceut: et soudain rabillant son dire, il adjousta: « l'entends, Sire, << en ceste statuë que voilà, mais non pas en « vostre personne.-Bien, M. le mareschal >> dist le roy; car quelques fois il l'appelloit duc de Biron, autres fois M. le mareschal.

Le roy incontinent entra en son cabinet, et commanda à deux ou trois d'entrer. Le mareschal fut plus d'vne demie heure au coing du lict prez la chaire, iusques à ce que M. de Rosny luy vint dire que le roy luy vouloit parler. Il entre seul dans le cabinet; le roy le coniure de luy dire la verité, et qu'il n'y auroit que lui qui auroit cognoissance de son affaire. Le mareschal, qui croyoit sur l'asseurance que la Fin lui auoit mandé de n'auoir rien descouuert de leur entreprise, soustint encore auec paroles asseurees que tout ce qu'on disoit de luy estoit faulx; suplie le roy de luy nommer ses accusateurs. Le roy voyant qu'il n'en pouuoit rien tirer, sort du cabinet et va au ieu de paume, où il fit partie, et voulut que le duc d'Espernon et le mareschal ioüassent contre luy et le

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comte de Soissons. Alors tout ce qui se disoit estoit fort remarqué. L'on tint que le duc d'Espernon dist au mareschal, sequel tenoit le ieu : « Vous iouez bien, mais vous «< faictes mal vos parties, » ce qui fut interpreté par d'aucuns pour quelque mauuaise fortune qui luy aduiendroit.

Le mareschal soupa ce iour à la table du grand-maistre, où il mangea peu et estoit tout pensif, sans parler à personne. Le roy, apres le souper, commanda à M. le comte de Soissons de parler au mareschal , et l'exhorter à ce qu'il lui dist la verité de ce qu'il desirait sçauoir de luy. Le comte y va. Apres quelque discours sur ce subiect, il luy dit Qu'il falloit craindre l'indignation d'vn roy et rechercher sa clemence quand on l'a offensé. Le mareschal luy respondit Qu'on n'auroit iamais autre parole de luy que ce qu'il auoit dit au roy à son arriuee; qu'il auoit occasion de se plaindre du doubte que S. M. faisoit de sa fidelité, laquelle n'estoit que trop approuuee par les seruices qu'il auoit faicts à la couronne. M. le comte, donnant le bon-soir au roy, luy rapporta la durté du courage du mareschal.

Le lendemain le roy se leue de bon matin, et va se promener au petit iardin prez la volliere; il faict appesler le mareschal et luy parla assez long temps. L'on voyoit le mareschal teste nuë, frappant sa poitrine en parlant au roy. L'on tient que ce n'estoient que menaces contre ceux

qui l'auoient accusé. Après le disné le roy fut quatre heures en sa gallerie. La resolution lors fut prise que puis que le mareschal ne vouloit rien declarer de sa conspiration, veu que l'on avoit tant de preuues literales, de se saisir de luy et du comte d'Auuergne. Neantmoins le roy voulut differer encores, et parler à luy, disant : « le ne veux point perdre cet homme, <«< mais il se veut perdre luy-mesme de son bon gré; ce pendant ne me le faictes point prendre, si vous n'estimez qu'il merite << la mort, et ie luy veux encores dire que « s'il se laisse mener par iustice, qu'il ne « s'attende plus à grace quelconque de moy.»> Lors le conseil dist tout apertement, Qu'il meritoit la mort. Sur quoy le roy fit appeller Vitry et Pralin, pour se tenir prests à faire ce qu'il leur diroit.

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Le soir du ieudy, le mareschal soupant chez le sieur de Montigny, dit : « Il faut « louer les vertus et liberalitez du roy d'Espagne, qui allume au cœur des guer«riers un ardent desir de luy faire ser« vice , recompensant outre leur merite » non seulement ceux qui auoient bien faict, << mais mesmes les enfants des morts en << ses armées et combats. » A quoy le sieur de Montigny dit : « Il est vray; mais il « ne pardonne iamais personne qui viue « une offence, non pas mesmes à son pro« pre fils. >>

Apres le souper ils allerent tous chez le roy. En entrant vn quidam luy porta une

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