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leur eut dit : « Messieurs, leuez-vous, * le sieur de la Force, dit :

« Sire, i'ai touiours creu que V. M. receuroit nos tres humbles requestes en bonne part; c'est pourquoy nous venons nous ietter à vos pieds, accompagnez des voeux de plus de cent mille hommes, vos tres humbles et tres obeissants seruiteurs, pour implorer vostre misericorde, non pour vous demander iustice pour ce pauure miserable. Dieu veut que nous pardonnions à ceux qui nous ont offencez, comme nous desirons qu'il nous pardonne. Les hommes ne vous ont point mis la couronne sur la teste; c'est luy seul qui vous l'a donnee. Les roys ne peuuent mieux monstrer leur grandeur qu'en vsant de clemence. Sire, ie ne me veux point ietter aux extremitez, sinon qu'en suppliant V. M. de lui sauuer la vie, et le mettre en tel lieu qu'il vous plaira. Que maudite soit l'ambition qui l'a poussé à cela, et la vanité de se monstrer necessaire à tout le monde. Vous auez pardonné à plusieurs qui vous auoient d'auantage offensé. Sire, ne veuillez point nous notter d'infamie, et nous mettre en proye à vne honte perpetuelle, qui nous dureroit à iamais. le vous dirai encores une fois que nos tres humbles requestes ne tendent qu'à vous demander pardon, et non iustice. Nous sçauons tous qu'il est coulpable d'auoir entrepris sur vostre Estat. Ayez esgard aux seruices de son pere et aux siens. Aussi, que vostre clemence ne manque

point en son endroict, qui n'a eu que la volonté de vous offenser, puis qu'elle a esté tousiours preste de pardonner à ceux qui auoient desià commis la faute. Ce sont les requestes de vos tres humbles et fidelles subiects et seruiteurs, lesquelles nous esperons que V. M., accompagnee de son ordinaire douceur, nous accordera. >>

Comme le sieur de la Force acheuoit S. M. les fist tous leuer, et respondit:

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« Messieurs, i'ai tousiours reçeu les re«questes des amis du sieur de Biron en « bonne part, ne faisant pas comme mes predecesseurs, qui n'ont iamais voulu que <«< non seulement les amis et parents des coulpables parlassent pour eux, mais non << pas mesmes les peres et meres, ny les << freres, Iamais le roy François ne voulut que la femme de mon oncle, le prince « de Condé, lui demandast pardon. Quant << à la clemence dont vous voulez que i'use << enuers le sieur de Biron, ce ne seroit << misericorde, mais cruauté. S'il n'y alloit <«< que de mon interest particulier, ie luy pardonnerois comme ie luy pardonne de << bon cœur; mais il y va de mon Estat, auquel ie dois beaucoup, et de mes en<< fans que i'ai mis au monde; car ils me pourroient reprocher, et tout mon royau«< me, que i'ai laissé vn mal que je cog «noissois, si je venois à deffaillir; il y << va de ma vie et de mes enfans, et de « la conseruation de mon royaume. Je laisserai faire le cours de iustice, et vous

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« verrez le iugement qui en sera donné. << I'apporteray ce que ie pourray à son « innocence; ie vous permets d'y faire ce « que vous pourrez, iusques à ce qu'ayez « cognu qu'il soit criminel de leze maiesté; «< car alors le pere ne peut solliciter pour « le fils, le fils pour le pere, la femme « pour le mary, le frere pour le frere. Ne « vous rendez pas odieux à moi pour la « grande amitié que vous luy auez portée. « Quand à la notte d'infamie il n'y en a « que pour luy. Le connestable de Sainct« Pol de qui ie viens, le duc de Nemours « de qui l'ai hérité, ont ils moins laissé << d'honneur à leur postérité? Le prince de « Condé, mon oncle, n'eust-il pas eu la << teste trenchée le lendemain, si le roy << François ne fust mort? Voyla pourquoy << vous autres, qui estes parens du sieur « de Biron, n'aurez aucune honte, pour« ueu que vous continuez en vos fidelli<< tez, comme ie m'en asseure; et tant s'en « faut que ie vous veuille oster vos char«ges, que s'il en venait de nouvelles ie «<les vous donnerois. Voilà S. Augel qu'il <«< auoit esloigné de luy, parce qu'il estoit <«< homme de bien. l'ay plus de regret à <«< sa faute que vous mesmes; mais auoir << entreprins contre son bien faicteur, cela <<< ne se peut supporter. >>>

Alors le sieur de la Force dit au roy: « Sire, nous auons pour le moins cet ad« uantage, qu'il ne se trouue point qu'il «< aye entrepris sur vostre personne. » Le

roy dit : «< Faictes ce que vous pourrez pour << son innocence, ie feray de mesmes. »

y

Aux premiers iours de la prison du mareschal, il mangeoit peu et ne pouuoit dormir; il ne sortoit de sa bouche que des paroles qui offençoient Dieu et le roy. Sa colere luy faisoit dire des choses sans raison; et mesmes l'on tient qu'il auoit eu aduis que ses amis trauailloient à le faire euader par le moyen d'vn petard. Mais quand il vit qu'il estoit gardé si soigneusement; que ceux qui entroient dans sa chambre entroient sans armes; qu'on le seruoit avec des coutteaux sans pointe, et qu'il sceut le reffus de la requeste de ses parents à S. Maur, il dict, comme en riant: «Ha! ie voy bien « que l'on me veut faire tenir le chemin « de la Greue ». Et deslors il commença à ne demander plus iustice de ses accusateurs, mais demanda à parler aux sieurs de Villeroy et Sillery, qui allerent parler à luy par le commandement de S. M. Monsieur l'archeuesque de Bourges l'alla aussi voir, et le fit reconcilier avec Dieu. Il commença à recognoistre quelque peu sa faute, et à n'auoir plus d'espoir qu'en la misericorde du roy. Aussi cette suppliante lettre courut par Paris, que l'on à disoit auoir esté presentée au roy de sa part.

<< Sire, entre les perfections qui accompagnent la grandeur de nostre Dieu, sa misericorde paroist par dessus toutes; c'est celle qui a reconcilié les hommes auec luy

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et ouuert les portes du ciel au monde: ceste belle partie qui faict le tout d'vne vertu excellente vous ayant esté communiquee par ce grand monarque de don et grace specialle, sur tous les autres roys de la terre, comme fils aisné de son eglise, et ayant iusques icy mesnagé diuinement le sang de voz ennemis ceste partie se trouuera reclamee en la fortune du mareschal de Biron, qui l'ose implorer sans vous dire que ce soit blasme à vn subiect qui a offencé son prince de recourir à sa douceur, pour auoir sa paix, puis que c'est la gloire de la creature qui a offensé son créateur, de demander en souspirant la remission de son offence. Or, Sire, si iamais V. M., de qui la clemence a tousiours honoré les victoires de son espee, desire de signaler et rendre memorable sa bonté par vne seule grace, c'est maintenant qu'elle peut paroistre en donnant la vie et la liberté à son tres humble seruiteur, à qui la naissance de la fortune auoit promis une plus honorable mort que celle qui le menace. Ceste promesse de mon destin, Sire, qui vouloit que mes iours fussent sacrifiez à vostre seruice, s'en va estre honteusement violee, si vostre misericorde ne s'y oppose et ne continuë en ma faueur les miracles qu'elle a faict en France, lesquels honoreront à iamais votre regne. Vous ferez en la vie temporelle ce que Dieu faict en la vie spirituelle, et sauuant les hommes comme il sauue les ames, vous vous ren

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