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drez de tant plus digne de l'amour du monde et des benedictions du ciel. Ie suis vostre creature, Sire, esleuee et nourrie auec honneurs à la guerre par vos liberalitez et par vostre sage valeur, car de mareschal de camp vous m'auez faict mareschal de France, de baron duc, et d'vn simple soldat m'avez rendu capitaine. Vos combats et vos batailles ont esté mes escoles, où, en vous obeyssant comme mon roy, j'ai apris à commander les autres. Ne souffrez pas, Sire, vne occasion si miserable, et laissez moi viure pour mourir au milieu d'une armee, seruant d'exemple d'homme de guerre, qui combat pour son prince, et non d'vn gentil-homme mal-heureux que le supplice desfaict au milieu d'vn peuple ardant à la curiosité des spectacles, et impatient en l'attente de la mort des criminels. Que ma vie, Sire, finisse au mesme lieu où j'ai accoustumé d'espandre mon sang pour vostre seruice, et permettez que celuy qui m'est resté de trente deux playes que l'ai reçues en vous suiuant et imitant vostre courage, soit encore respandu pour la conseruation et accroissement de vostre Empire, et que ie recognoisse la grace que vous m'auez faicte de me laisser la vie. Les plus coniurez de vostre royaume ont esprouué la douceur de vostre clemence; et iamais, à l'exemple de Dieu, vous n'auez aimé la ruine de personne. A present, Sire, le mareschal de Biron vous demande ce mesme benefice, et supplie vostre pitié de

se monstrer en cela aussi puissant que mon mal-heur est grand, et vous desrober le souuenir de ma faulte, afin qu'ayez memoire de mes seruices, et de ceux de feu mon pere, de qui les cendres vous adiurent de pardonner à son fils, et de vous laisser esmouuoir à sa requeste. Si les ennemis de ma liberté, gagnant la faueur de vos oreilles, vous donnent de mauuaises impressions de ma fidelité, et vous faisoient penser que ie serois suspect en vostre royaume, bannissez-moi de vostre cour et me donnez pour mon exil l'Hongrie, et me priuez de l'honneur de pouuoir seruir le particulier de vostre Estat, et puisse au moins faire quelque seruice au general de la chrestienté, et rebastir vne fortune estrangere sur les ruines de celles que i'auions en France, dont V. M. auroit la disposition souueraine aussi bien que de ma personne; car en quelque lieu qu'elle m'enuoyast, ie serois et paroistrois François, et le repentir de mon offence me rendroit passionné au bien de ma patrie. Si vous me faictes ce bien, Sire, ie beniray vostre pieté, et ne maudiray point l'heure que vous m'aueź despouillé de mes Estats et de mes charges; car ayant en la place de l'espee de mareschal de France, celle de soldat que ï'apportay au commencement que i'arriuay en vos armees, ie pourray estre vtille au seruice de l'eglise, et pratiqueray loing de France ce que i'ay apprins prez de vous; que si elle me deffend le maniement des ar

mes, donnez moy, Sire, ma maison pour prison, et ne me laissez que ma foy pour garde, et ce qu'il fault de moyens à vn simple gentil-homme pour viure chez soi. le vous engage la part que ie pretens au ciel que ie n'en sortiray que lors que V. M. le me commandera. Laissez vous toucher, Sire, à mes soupirs, et destournez de vostre regne ce prodige de fortune, qu'vn mareschal de France serue de funeste spectacle aux François, et que son roy, qui le souloit voir combattre dans les perils de la guerre, ait permis, durant la paix en son Estat, qu'on luy ait ignominieusement rauy l'honneur et la vie. Faictes le, Sire, et ne regardez pas tant à la consequence de ce pardon qu'à la gloire d'auoir peu et voulu pardonner vn crime punissable; car il est impossible que cest accident pust arriuer à d'autres, parce qu'il n'y a personne de vos subiects qui puisse estré séduit comme i̇'ay esté, par les mal-heureux artifices de ceux qui aimoient plus ma ruine que ma grandeur, et qui se seruant de mon ambition pour corrompre ma fidelité, m'ont conduit au danger où ie me trouue. Voyez ceste lettre, Sire, de l'oeil que Dieu a accoustumé de voir les larmes des pecheurs repentans, et surmontez vostre iuste courroux, pour reduire ceste victoire en la grace que vous demande, Sire, vostre tres humble et tres obeissant seruiteur,

BIRON. »

Plusieurs ont estimé que iamais le mareschal n'enuoya ceste lettre au roy, veu que son humeur estoit contraire à ce qui

estoit contenu. Chacun lors en faisoit des discours, tant sur l'vtilité et la necessité que l'on auoit d'vn bon chef tel que luy en Hongrie pour le bien general de la chrestienté, que sur sa submission de ne manier plus les armes et ne bouger de sa maison. Mais l'on respondoit à cela que puis qu'il auoit desià une fois abusé de la clemence du roy, quelle asseurance luy eust-il donné et à la France de ses promesses, veu mesmes qu'estant prisonnier il ne se pouuoit tenir de menacer ses accusateurs? Qui eust esté celuy qui l'eust voulu garder dans sa maison? de quoy l'eust on enchaisné! Bref, que les crimes de leze maiesté au premier chef ne se pouuoient ny ne devoient estre pardonnez.

Les lettres pour luy faire et parfaire son procez furent expediees et enuoyees à la cour de parlement, dont la teneur ensuit;

<< HENRY, par la grace de Dieu, roy de France et de Nauarre, à nos amez et feaux conseillers les gens tenans nostre cour de parlement à Paris, SALUT : ayant esté informé des entreprises faictes par le duc de Biron contre nostre personne et nostre Estat, pour obuier aux malheurs, ruines et desolations qui auiendroient à ce royaume, si telle felonnie pouuoit estre mise à effect; la charité et amour que nous portons à nos subiects et l'obligation

de laquelle Dieu nous a chargez de n'obmettre chose qui soit au pouuoir d'vn bon prince pour les conseruer, et nous opposer à tout ce qui peut troubler le repos et renouueller la face des miseres, dont il a pleu à la maiesté diuine se seruir de nous pour les delíurer; auons par la charité que devons à nostre patrie, et forçant la douceur de nostre naturel, pris resolution de nous asseurer de la personne dudit duc, et à cest effect ordonné qu'il soit gardé en nostre chasteau de la Bastille, où il est à present detenu; et d'autant que le deuoir de la iustice et nostre conscience nous commandent que la vérité d'vn crime si enorme soit aueree, et que la punition des coulpables, de quelque qualité et dignité que ce soit, s'en face, selon qu'il est porté par les lois et ordonnances du royaume, nous auons renuoyé et renuoyons ledit duc, pour luy estre faict et parfaict son procez eriminel et extraordinaire, et par vous procedé à l'instruction et iugement d'iceluy; gardant et obseruant les formes qui doiuent estre gardees en affaires de telles et si grandes importances, et à l'endroit de personnes qui ont la qualité dudit accusé. Comme aussi nous vous donnons pouuoir et mandement de proceder, faire et parfaire le procez contre tous ceux que trouuerez coulpables, consentans et adherans à ladite conspiration, de quelque qualité et dignité qu'ils soient. Mandons à nostre procureur general de faire en cela toutes les pour

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