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le mareschal, six iours après auoir accouché d'vne fille.

A six heures du matin, la compagnie assise, le rapporteur, M. de Fleury, commença le premier après auoir leu les conclusions du procureur general, escrites de sa main, aussi bien que son inuentaire qui est audit procez. Les opinions durerent iusques à pres de deux heures de releuee, qui furent toutes conformes sans aucun contredict, fondees sur les trois sortes de preuues qui estaient au procez, « testimoniales, litterales et vocales. >>

Par les confessions, la première estoit fort certaine par toutes les formes du procez criminel, où l'accusé ne reprochant à la confrontation, les tesmoins demeurerent entiers: cela estant il y auoit plus de crainte de peu condamner, que trop.

La seconde fort certaine, pour ses recognoissances tant deuant ses commissaires que deuant ses iuges, spécialement de quatre feuilles de papier qui contenoient cent aduis contre l'Estat, dont le moindre le pouuoit perdre.

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La troisiesme, quand il aduoüoit que sans la misericorde du roy il estoit perdu et qu'il auoit peché de l'œil, la bouche et la main, durant plus de trois mois, capable de tout faire, de tout ouyr, de tout dire; que s'il eust voulu executer les mauuais desseings qu'on luy auoit proposé contre le roy, il y avoit long temps qu'il ne fut plus.

Que le reffus de Bourg et le blasme de sa maison, l'auroient faict souhaiter de se voir tout couuert de sang.

Pour ses excuses, que s'il avoit mal parlé, il auoit tousiours bien faict, que cela n'estoit vallable en crime où la volonté est punie comme l'effect aux autres, par ce que si le faict auoit succedé il ne seroit plus temps de iuger.

Contre les témoings qu'il disoit autheurs de ses meschancetez que ses reproches venoient à tard long temps apres les deppositions ouyes, ioinct que sans eux il auoit trop de preuve.

Quand à la vaillance de ses merites, iamais l'antiquité ne les a compensez, non pas mesmes aux crimes des particuliers, autrement chacun pourroit commettre tel crime qu'il voudroit, et par apres venir à la compensation du mal et aussi euiter la punition meritée.

Pour le pardon allegué, qu'il en falloit faire apparoir par lettres entherinees en la Cour, et qu'autrefois le sieur de Haulteville eut la teste tranchée aportant vn pardon signé de la main du roy Henry second, pour auoir reuellé en confession (pensant mourir) qu'il auoit eu la volonté de le tuër. Que le mareschal auoit recognu en iugement, et auoit diet au roy en gros qu'il auoit esté capable durant deux mois et demy de tout ouyr, de tout dire et de tout faire pour le reffus de Bourg, mais rien en pa

role qui lui faisoit recognoistre auoir besoin de la misericorde de sa Maiesté.

Pour les vingt-deux mois derniers qu'il disoit s'estre contenu en son deuoir : le voyage de Hebert à Milan, fait voir clairement le contraire, quoy qu'il eust voulu pallier; car ce n'estoit pas le faict d'vn secretaire confident de mener des pages et acheter des espees et des estoffes.

Mais ce qu'il alleguoit des vingt deux mois estoit destruict, d'autant que dez ledict temps, il auoit rompu auec la Fin, prenant autres brises et habitudes qui n'estoient pas encore clairement descouuertes. D'ailleurs, qu'il y auoit au procez forces lettres de luy, sans dattes, qui faisoient croire la continuation de ceste mauuaise volonté, et que la seulle lettre qu'il employoit à la iustification faisoit au contraire grandement contre luy, disant que ses ombrages et vanitez auoient esté dissipees à la naissance du Dauphin qui n'auoit que dix mois, et partant, si la seulle naissance l'auoit fait sage, il auoit esté douze mois des vingt deux sans l'estre.

Icy se pourroit representer toutes les particulieres opinions, mais ce seroit innutillement consumer le temps.

Monsieur le chancelier, concluant les opinions, prononça l'arrest de mort, apres auoir representé le procez depuis la cognoissance du crime, l'ordre que le roy auoit tenu pour le faire venir, resolu que s'il eust encores tardé quatre iours l'aller

uis que

assieger quelque part qu'il fust, ayant plus à cœur de le prendre par force que par autre voye; puis toucha sur quelques adl'on auoit proposé de decreter contre la Fin et Renazé, et remonstra par vives raisons et beaux exemples, que ceux qui decouurent les conspirations ausquelles ils ont trempé, sont non seullement dignes de pardon, mais meritent recompense du bien qu'ils ont procuré en asseurant l'Estat, et que c'estoit le seul moyen d'attirer les autres qui pourroient auoir trempé en ce mal puis adiousta que toute ceste faction ne seroit pas couppee auec la teste du mareschal, et qu'il pourroit naistre d'autres où l'on auroit prou de peine à les descouurir, si le bon traictement fait à ceux cy n'attiroit ceux là par exemple.

Le lendemain, qui estoit le mardy, chacun pensoit que l'execution se deut faire en Greue on y accouroit de toutes parts, les eschaffaults y furent dressez pour voir, et dans l'Hostel-de-Ville il y en auoit un pour executer le mareschal, auec vn petit pont de bois qui deuoit estre mis contre I'vne des fenestres de l'Hostel-de-Ville par lequel le mareschal deuoit passer pour aller dudict pont sur l'eschaffaut, mesmes les huissiers du parlement, auec l'executeur de haulte-iustice furent hurter à la porte de la Bastille et deux ou trois mil personnes auec eux, dont aucuns sortant aux champs et apperceus par le mareschal, l'estonnerent fort, car il se troubla à ceste

veuë, et dict : « le suis iugé et suis mort. » Toutes fois le sieur de Puy, exempt des gardes du roy de la compagnie du sieur de Vitry, lequel le gardoit, luy dist: << Monsieur, c'est vne querelle de deux seigneurs qui sont sortis pour s'aller battre, et tout le peuple y accourt pour voir ce qui en sera: » cela le retint. Quant à ceux qui furent à la Greue, ils y demeurerent la pluspart iusques à vnze heures du soir, croyans qu'il deut estrè executé aux flambeaux.

Peu apres, il pria le sieur de Baranton, lieutenant de monsieur de Praslin, d'aller de sa part trouuer monsieur de Rosny, luy dire qu'il desiroit le voir, sinon qu'il le supplioit d'interceder pour sa vie enuers le roy, et qu'il l'attendait de luy : qu'il auoit tousiours honoré et trouué son amy, et tel que s'il l'eust creu, il ne fut au lieu où il estoit; qu'il y en auoit de plus meschans que luy, mais qu'il estoit le plus mal-heureux; qu'il consentoit estre mis entre quatre murailles lié de chesnes. Bref, les suplications qu'il faisoit raportees par le sieur de Baranton, esmeurent tellement monsieur et madame de Rosny, le sieur Zamet et autres qui estoient là qu'ayant tous les larmes aux yeux, nul ne pouuoit proferer une parole. En fin, le - sieur de Rosny dist: « Ie ne le puis voir, ne interceder pour luy : c'est trop tard; s'il m'eust creu, il ne fust pas là: il deuoit dire à sa Maiesté la verité, dez son arriuee

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