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à Fontainebelleau; pour ne l'auoir dite, il luy a osté le moyen de luy donner la vie, et à tous ses amis de la demander pour luy. » Le sieur de Rosny dist encores au sieur de Baranton : « Si i'eusse esté icy, i'eusse empesché les huissiers de passer par l'Arsenal, et l'apprehension que monsieur le mareschal a eu du peuple qu'il a veu de sa fenestre n'eust pas esté; car, quand ie suis party de Sainct Germain, ie sçauois bien que l'execution ne deuoit pas estre faicte auiourd'hui. Le Roy a mandé à la cour que l'on luy enuoyast l'arrest par monsieur de Sillery: d'ailleurs, tous les parens de monsieur de Biron ont fait presenter vne requeste signee de leurs mains, par laquelle ils supplient sa Maiesté que l'execution ne soit faicte en public, ce qu'il leur a accordé sur l'heure. >>

Monsieur de Sillery ayant aporté la commission par laquelle le roy vouloit que l'execution en faueur de ses parens se fist en la Bastille, le lendemain mercredy, à dix heures du matin, monsieur le chancelier, auec monsieur de Sillery et trois maistres de requestes arriua à l'Arsenal où monsieur de Rosny estoit, qui les mena en la Bastille, et monterent par vne montee desrobee dans la chambre du concierge, nommé Rumigny; là, s'assirent messieurs le chancelier, Rosny et Sillery, sur des escabeaux, le reste debout contre des coffres, et resolurent tout bas eux trois ce qu'il leur plust durant demie heure: puis ledict

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sieur de Rosny retiré, arriua le greffier criminel Voisin, et aprez lui monsieur le premier president, qui prit la place dudict sieur de Rosny, et furent eux trois autre demie heure à parler tout bas durant laquelle monsieur de Rosny enuoya un des siens qui presentement obtint de monsieur le chancelier vn I oolle de ceux qu'il desiroit et vouloit assister à l'execution, pour faire sortir les autres, et portoit la liste des trois maistres des requestes cy dessus. trois audienciers, trois huissiers du conseil, trois du parlement; et de ceux qui deuoient assister apres disner, Rapin, le cheualier du guet, deux lieutenans du grand preuost, le preuost des marchands et quatre escheuins, quatre conseillers de ville et le greffier. Sur les vnze heures quand on sceut que le sieur mareschal eut disné, monsieur le chancelier, habillé d'vne robbe de satin à grands manches suiuy des trois maistres des requestes, les audianciers et huissiers qui allerent deuant descendre pour trauerser la cour voir ledict mareschal, lequel estoit logé à l'oposite du costé des champs; voulans descendre, la demoiselle femme du sieur de Rumigny se prist à pleurer les mains joinctes, ce qui fut apperceu par ledict sieur mareschal qui mettoit la teste contre les barreaux, et s'escria fort hault : « Mon Dieu! je suis mort. Ha! quelle iustice faire mourir vn homme innocent! Monsieur le chancelier, venez vous me prononcer ma

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mort? Ie suis innocent de ce dont on m'accuse; » et continuant ces cris, monsieur le chancelier passe ferme et commande qu'on l'allast mener à la chapelle qui est peu de degrez au dessous de sa chambre, et là il fust trouué plein de parolles de colere et de reproches, allega forces exemples de ceux qui auoient mal seruy, et neantmoins à qui l'on auoit pardonné; et disoit : «Quoi! monsieur, vous qui auez le visage d'vn homme de bien, auez vous souffert que i'aye esté si miserablement condamné! Ha! monsieur, si vous n'eussiez tesmoigné deuant ces messieurs que le roy vouloit ma mort, ils ne m'auroient pas ainsi condamné. Monsieur, monsieur, vous auez peu empescher ce mal, et ne l'auez pas faict; vous en respondrez devant Dieu : ouy monsieur, devant luy, où ie vous appelle dans l'an et iour et tous les iuges qui m'ont condamné. » Ce disant, il frapait fermement sur le bras de monsieur le chancelier, qui estoit couuert, et le mareschal teste nuë en pourpoint aiant ietté son manteau dez qu'il vit que l'on montoit à luy. Puis il dit : «< Ha! que le roy faict aujourd'huy de bien au roy d'Espagne de luy oster un si grand ennemy que moy.

<< Quoy! ne pouuoit-on pas me garder dans un cachot ceans les fers aux mains, pour se servir de moy en un jour d'importance! Ha! monsieur, je pouvois faire de grands services à la France! Ha! mon

sieur, vous auez tant aymé mon pere! encores pouuez vous remonstrer au roy ce que ie dis, et le tort qu'il se faict. Que diront mille gentils hommes, mes parens, dont vn seul n'a jamais porté les armes contre le roy; espere-t-il qu'ils puissent, moy mort, luy faire service? Et quoy, si i'eusse esté coupable, fussay-ie venu sur les asseurances vaines que me donnoit le president Ianin? Et ce pendant ce traistre la Fin m'escriuoit que ie pouuois venir en seureté, qu'il n'auoit rien dit que du mariage, et qu'il m'en iureroit par les mesmes sermens que nous auions autres fois faits ensemble, et c'estoient toutes amorces pour me faire venir; mais ie ne venois pas sur cela, c'estoit sur mon innocence me confiant au roy qui m'a trompé. Quoy doncques, est ce la recompense des seruices de feu mon pere qui luy a mis la couronne sur la teste, et il m'oste la mienne de dessus les espaules? Est ce la recompense de tant de services passez pour les payer tout à coup par la main d'vn meschant homme que je voy là (toutes foisle bourreau n'y estoit pas). Il parloit si viste et disoit tant de choses, tantost contre le roy, tantost contre ses iuges, que monsieur le chancelier ne pouuoit entrer en discours; mais aussi tost qu'il vit iour pour parler, il mit peine de calmer son esprit et le conuia fort de penser à Dieu, puis luy dit : « « Que le roy demandoit son

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ordre; » soudain il la tire de sa poche plié dans son cordon, car il ne l'auoit point portee au col depuis sa prison, et la mit dans la main de monsieur le chancelier en pesant dans la sienne, et luy dit: « Ouy, monsieur, la voilà. Ie iure ma part de paradis que ie n'ay iamais contreuenu aux statuts de l'ordre ». Apres il luy demanda le baston, et il luy dit, qu'il ne l'auoit iamais porté.

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En tous ces discours pleins de fougues et de vanitez, il iuroit son innocence de tout ce dont il estoit condamné par sa damnation eternelle disoit que ses parens ne deuoient iamais rougir de sa mort, n'ayant iamais commis acte contre le seruice que sa naissance l'obligeoit vers son prince. Apres pria fort M. le chancelier de luy permettre de faire son testament mesmes en fåueur d'vn petit bastard qu'il auoit, et I'vne femme qu'il croyait estre grosse de on fait ce qu'il luy accorda sous le bon plaisir du roy; ce qu'il fit ainsi que nous dirons cy apres.

Puis le mareschal se tournant vers vn docteur nommé Garnier, moine et maintenant euesque de Montpellier, qui luy fut ordonné avec Magnan, curé de Sainct Nicolas des Champs, luy dist: << Monsieur, ie n'auois pas affaire de vous, vous ne serez pas en peine de me confesser, ce que je dis tout haut est ma confession. Il y a huict jours que je me confesse tous les jours, mesmes la nuict derniere, ie voyois les

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