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che, je me retirai et remontai à cheval. En traversant la ville, je vis les soldats et les habitans en insurrection, m'accablant de cris séditieux. Je me rendis chez M. le préfet, et partis ensuite pour Dole, où j'espérais encore conserver au Roi des sujets dévoués. Je m'arrêtai en route chez le père de M. de Vaulchier, où je couchai. Je l'y rencontrai lui-même. Il me montra l'ordre du maréchal d'administrer le département au nom de Bonaparte, et quë, sur son refus, il lui avait dit que c'était une bêtise; que tout était préparé d'avance; que les troupes étaient échelonnées de distance en distance jusqu'à Paris, et que l'empereur y entrerait sans brûler une amorce.

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« Le témoin a déposé de plus, par ouïdire, que les caissons arrivés étaient vides, mais qu'il n'en avait pas la certitude; qu'il ne les avait pas vus lui-même, et n colonel, par son influence, avait fait rétablir le drapeau blanc à Lons-le-Saulnier le 14. »

Le maréchal a prétendu ne pas avoir connaissance de ce fait, et assuré que l'on n'avait pas crié vive le Roi!

Dixième témoin. M. le comte de la Genetière, major d'infanterie, chevalier de Saint-Louis et de la Légion-d'Honneur, a déposé à-peu-près comme il suit :

« J'étais major en second au 64e régiment de ligne, à la demi-solde, à Besançon.

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Ayant appris le 9 le débarquement de Bonaparte, j'allai offrir mes services à M. le comte de Bourmont, qui commandait alors la division, afin de marcher contre Bonaparte sous les ordres du maréchal Ney, qui venait d'arriver à Besançon. Mes services furent agréés par le maréchal, et je partis le 11 avec M. de Fra

noy (aujourd'hui capitaine au régiment de la Couronne), pour me rendre à l'état-major à Lons-le-Saulnier, où devait se trouver le maréchal Ney. J'arrivai le même jour dans cetteville. Le 12 et le 13 furent employés à l'organisation d'un état-major, dont M. de Passinges. de Préchamp était le chef. J'y fus employé provisoirement comme sous-chef. Le matin, cet officier supérieur me fit connaître que le maréchal, dans la nuit du 13, m'avait désigné pour remplir les fonctions de chef d'état-major de la première division, commandée par le lieutenant-général Lecourbe. Après avoir communiqué à cet officier-général mes lettres de service, je me rendis sur la place de Lons-leSaulnier, où l'armée se trouvait sous les armes. Il était environ une heure après midi. Le maréchal vint, accompagné des généraux Lecourbe et Bourmont, et autres officiers de l'état-major, ainsi que des chefs de corps.

Après avoir fait former le carré, M. le maréchal fit, battre un ban, tira son épée, et, ayant dans la main un papier, il lut la procla-. mation commençant par ces mots : , Soldats, la cause des Bourbons est à jamais per<< due, etc. »

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Elle fut suivie du cri de vive l'empereur! Le maréchal embrassa toute les personnes qui l'entouraient. Il se manifesta un enthousiasme général.

Les généraux Bourmont et Lecourbe, et plusieurs autres officiers l'entourèrent, et le colonel Dubalen lui dit que ce langage était peu conforme à celui de la veille. Le maré-. chal dit alors que c'était une affaire arrangée, et que le retour de Bonaparte était le vœu de toute l'armée.

« Immédiatement après les troupes défilèrent devant le maréchal aux cris de vive l'empereur! Après qu'on eut reconduit le maréchal ́à l'auberge de la Pomme-d'Or, où il logeait, les soldats se répandirent dans la ville, détruisirent par-tout les armes des Bourbons, et les inscriptions de la famille royale. Il y eut sur la place un café de pillé. La cocarde tricolore fut arborée.

« Le baron de Préchamp fut envoyé à Bònaparte pour lui annoncer le changement qui venait de s'opérer. Le maréchal me donna pro-visoirement la direction de l'état-major.

« J'étais dans une position difficile pour un homme d'honneur. Les troupes devant se rendre le 15 à Dole, les 16 et 17 à Dijon, où l'on supposait que devait se rendre Bonaparte, j'écrivis à minuit au maréchal la lettre qui est parfaitement connue, et que je crois inutile de produire ici.

Je lui demandais à aller à Besançon, et je partis pour cette ville le 15 à trois heures, pour me rendre près le chevalier Durand. J'espérais concourir avec lui à maintenir cette place dans la fidélité due au Roi. Nous en eûmes l'espoir jusqu'au 20. »

Le témoin a rendu compte de l'insurrection. de Besançon.

Le 21, comme il fut averti par M. de Jouffroy qu'il devait être arrêté, il partit pour la Suisse, où il a rempli, sous M. le comte de Gaëtan de la Rochefoucauld, les fonctions de sous-chef d'état-major..

Depuis il n'a eu aucune relation avec le ma réchal.

Le maréchal Dubalen est le seul officier qui ait fait son devoir. Je n'ai pas reçu la lettre dont yous parlez,

Le témoin M. le maréchal l'a tellement recue, qu'il l'a envoyée au général Bourmont, à une heure, dans la nuit du 15.

M. le président au comte de Bourmont : Avezvous reçu la lettre ?

M. de Bourmont : Oui, monseigneur, je l'ai reçue; et l'officier chargé de me l'apporter me demanda, de la part du maréchal, ce que cela voulait dire.

Le maréchal: Quel est cet officier?

Le comte de Bourmont: Un officier de l'étatmajor; je ne sais lequel.

M. le maréchal Vous deviez le connaître mieux que moi.

M. Berryer au témoin: Avez-vous remarqué, dans les discours et les dispositions du maréchal, la fidélité pour le Roi?

Le témoin: Oui, jusqu'au 13 le maréchal fut fidèle. Il paraît que les lettres venues dans la nuit le firent changer.

Le 13 même il fit venir tous les officiers, et leur tint les discours les plus favorables à la cause du Roi. »

M. Berryer a invité le témoin à s'expliquer sur l'esprit des troupes dans les provinces.

:

Le témoin Je pense que les officiers supérieurs des corps et les officiers employés dans l'armée, et qui avaient reçu des faveurs du Roi, étaient dévoués à sa cause. Quant aux officiers. en demi-solde, il est aisé de concevoir la cause de leur exaspération.

A Besançon, les cris séditieux n'avaient pas été très-forts. Ils avaient été réprimés d'abord, et punis.

Ónzième témoin, M. le baron Clouet, colonel, etc., chevalier de Saint-Louis, officier de la Légion-d'Honneur, a dit:

"

Depuis huit ans j'étais le premier aide-decamp de M. le maréchal.

"

A l'époque du débarquement de Bonaparte, le maréchal était dans sa terre des Coudreaux, et j'étais à Tours dans ma famille.

Le 9 mars, je reçus l'avis que M. le maréchal venait de passer à Paris pour se rendre à son gouvernement de Besançon. Je partis le 10, et, en passant par Paris le 12, j'y trouvai l'ordre de le rejoindre je partis le même jour. Je fis un détour pour ne point entrer à Dijon, qui avait arboré le drapeau tricolore. Je suis arrivé à Dole le 15, entre cinq et six heures du soir j'y trouvai les troupes françaises portant la cocarde tricolore. J'appris que M. le maréchal était dans la ville; je me rendis chez lui; et c'est alors seulement que j'eus connaissance des événemens du 14. Je dînai à la table du maréchal, et deux heures après j'entrai dans son cabinet pour le prier de me permettre de retourner dans ma famille, ce qui me fut accordé d'autant plus facilement, que j'étais malade. Je ne me souviens pas des propos qui furent tenus à table; mais j'ai l'idée qu'ils étaient indifférens. J'ai écrit au maréchal. Cette lettre m'a coûté beaucoup, à cause du respect et de la reconnaissance que je lui dois. Je rejoignis M. de Bourmont à Lons-le-Saulnier dans la nuit: il était au lit, très-affligé. Nous nous entendîmes sur-le-champ. Il m'engagea à partir pour Paris au moment où j'allais lui en parler. J'avais un faux passeport, que j'avais scellé du cachet du maréchal. Nous fùmes long-tems en route, et nous n'arrivâmes à Paris que le 18 ou le 19. Ce n'est que dans la voiture que j'ai appris les détails de ce qui s'était passé à Lonsle-Saulnier. »

Interrogé s'il n'a pas fait un voyage avec le

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