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Vingt-deuxième témoin, M. Cailsoné, bijoutier, au Palais-noyal. Il a déposé:

«Que M. le maréchal Ney arrivant à Paris. avec Bonaparte, lui envoya, par son valet-dechambre, toutes ses décorations à changer. C'est, le 25 mars que M. le maréchal a eu ces objets, et c'est le 25 mars que je les ai inscrits sur mon livre, que voici. >>

Le témoin a ouvert alors le registre sommaire de sa maison.

Il y a lu le compte suivant. Le 25 mars, doit M. le maréchal Ney, médaillon de deux croix grand-cordon, no 75, 50 fr.; une croix no 1, 12 fr.; médaillon de la croix no 6, 6 fr.;: deux portraits or émaillé, 30 fr. chacun, 60 fr.

L'accusé Vous voyez, morseigneur, que, d'après ce compte, je ne pouvais pas avoir les décorations que les témoins prétendent m'avoir vues à Lons-le-Saulnier.

M. le chancelier a demandé au témoin s'il n'avait point, à la même époque, arrangé pour l'accusé une plaque de la Légion-d'Honneur. Le témoin a répondu que non.

Il a répondu, sur les renseignemens qu'on lui demandait relativement à ces plaques, que le médaillon pouvait se changer à volonté, et que c'était dans ce médaillon qu'existait la seule différence qui distingue les plaques données par l'ancien gouvernement, de celles données par S. M.

M. Bellart a fait observer que le maréchal n'avait dû faire changer que les décorations royales; qu'à l'égard des décorations à l'aigle, s'il en avait, il n'y avait rien à y faire; qu'ainsi la déposition avait bien peu d'importance.

Vingt-troisième témoin, M. Devaux, aide-decamp du maréchal. Il a dit:

J'étais à Lons-le-Saulnier à l'époque du 14

mars je n'ai remarqué aucun changement dans les décorations du maréchal, gi ce jour-là ni les jours suivans. Il portait une plaque et des rubans rouges. »

Vingt-quatrième témoin, M. Batardy, notaire à Paris. Il a déposé :

a Au mois de février M. le maréchal était dans sa terre des Coudreaux. Le 3 mars il m'a fait écrire pour lui envoyer des renseignemens sur sa dotation et son traitement du mois de février. Il me chargea d'envoyer 3000 francs à M...... à Vienne, qui stipulait les intérêts des donataires devant le congrès. Je passai chez le beau-père de M. le maréchal, pour aviser aux moyens de lui faire passer aux Coudreaux le reste des fonds que j'avais touchés pour lui.

On me dit que cela était inutile, parce qu'on venait d'expédier un courrier au maréchal, et qu'il allait arriver à Paris.

« Le maréchal y arriva. J'étais chez lui lorsqu'il descendit de voiture. Il embrassa d'abord le plus jeune de ses fils, qui était dans les bras de sa nourrice. Il s'adressa ensuite à moi, et me dit: Qu'y a-t-il de nouveau ? Cette question, celle qu'il m'adressait toujours, s'entendait des affaires de M. le maréchal. Nous entrâmes dans ses appartemens. J'étais fort surpris que le maréchal ne me parlât de rien. Je lui dis: « Vous ne savez donc pas que l'empereur est débarqué à Cannes? » Le maréchal en parut étonné. Il s'expliqua fort durement sur le compte de Bonaparte, et il ajouta : « Il

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n'aurait pas osé débarquer, s'il n'y avait pas « eu en France de la division et du méconten"tement. >> Je puis assurer sur mon honneur, et je resterai convaincu toute ma vie, que nonseulement il ne savait pas que Bonaparte dût

descendre à Cannes, mais même qu'il ne le désirait pas. »>

Vingt-cinquième témoin, M. le duc de Mailhé, pair de France, premier gentilhomme de la chambre de S. A. R. MONSIEUR, maréchal des camps et armées du Roi, et chevalier de SaintLouis.

Il a connu le maréchal Ney depuis le retour du Roi. Il a fait sa déposition à-peu-près dans les termes suivans:

« Je suis parti le 9 mars de Lyon, le lendemain du départ de MONSIEUR, qui se portait en avant; mais cette marche fut impossible, il n'y avait point de canons. Il fallut rétrograder. J'arrivai le 10 à Besançon. Je n'y trouvai point M. le duc de Berri. Je me présentai chez M. de Bourmont, et nous allâmes ensemble chez M. le maréchal. Je lui appris les mauvaises nouvelles; que MONSIEUR était forcé de se retirer sur Roanne. Le maréchal nous dit que nous allions partir sur-le-champ pour rejoindre MONSIEUR. Je sortis pour aller faire mes préparatifs pour ce départ. Je revins chez M. le maréchal, mais il avait changé d'idée. Il dit qu'il voulait se porter sur Lons-leSaulnier; que là il serait au centre.

Le maréchal Ney: Je prie le témoin de déclarer si je l'ai chargé de demander un rendezvous à MONSIEUR pour moi; si je ne lui ai pas dit que je n'avais rien à faire à Besançon, et qu'il fallait marcher à Bonaparte. M. de Mailhé est parti. Je n'ai plus eu depuis des nouvelles de lui ni de MONSIEUR. Les événemens en ont décidé.

Le témoin Le maréchal ne pouvait pas me dire d'inviter MONSIEUR à le joindre; MONSIEUR était alors avec le maréchal Macdonald. L'as

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joute que M. de Bourmont me dit : « Le maréchal est très-bien disposé: il vient de me dire Allons, Bourmont, nous marcherons, quoique bien inférieurs en nombre. »

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Le maréchal Les troupes marchaient par deux bataillons, d'après les ordres du ministre. Elles étaient absolument perdues. MONSIEUR ne m'a donc pas donné d'ordre.

Vingt-sixième témoin, M. de Ségur, maréchal des camps et armées du Roi, l'un des commandans de la Légion-d'honneur, chevalier de Saint-Louis. Il a dit :

« Je déclare avoir connu le maréchal, et que le 7 mars, jour de son arrivée à Paris, il m'a dit qu'il allait s'opposer de toutes ses forces à l'invasion de Bonaparte; que, comme chef de l'état major de la cavalerie; je prendrais les ordres du ministre de la guerre, pour les transmettre à MM. les généraux. Tout ce qui est sorti de la bouche de M. le maréchal respirait l'honneur et la fidélité, et est en tout digne d'un militaire qui a fait la gloire de l'armée française pendant vingt campagnes.

Vingt-septième témoin, M. le marquis de Saurans; il a dit :

«Le 5, j'ai reçu ordre de partir le 8 de Paris pour Lyon. J'ai traversé la Champagne, la Bourgogne, la Franche-Comté, pour examiDer l'esprit des préfets et des généraux, et en rendre compte.

« Le 9 au soir, je suis arrivé à Besançon. Je vis de suite M. de Bourmont, les généraux et le préfet. Ils me parurent disposés à faire leur devoir. Je rencontrai, le 10, à huit heures du soir, le maréchal dans sa voiture près de Dole.

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En arrivant à Lons-le-Saulnier, je voulais continuer ma route pour Lyon. Un officier que

je rencontrai m'engagea à me diriger sur Moulins. Je résolus alors de retourner à Besançon. Je rencontrai M. de Saint-Amonr. Nous fimes ensemble trois postes. J'ai vu sur ma route deux régimens, le 61e et le 67e, qui ne parurent m'offrir qu'une médiocre garantie. Peu après je vis les deux colonels, qui me dirent que les dispositions de leurs soldats étaient bonnes. Je rencontrai M. le maréchal à Quingey. Nous arrivâmes ensemble à Lons-le-Saulnier. Je déjennai dans la matinée avec le maréchal, qui me parut très-bien disposé. Il fit venir en ma présence deux gendarmes déguisés, qu'il envoya à la découverte. Je dînai avec M. le maréchal. Le soir on apporta les proclamations. Nous y remarquâmes ces expressions « La victoire marche au pas de charge. L'aigle volera de clocher en clocher jusque sur les tours de Notre

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<< Dame. »

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Le maréchal nous dit: « C'est là ce qu'il «faut. Le Roi ne parle pas comme cela. Il « le devrait, cela plairait aux troupes.

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« Les corps d'officiers vinrent et furent harangués par le maréchal.

« Le lendemain, je priai le maréchal de me renvoyer près de MONSIEUR, que j'avais quitté depuis bien long-tems, et qui devait être inquiet de moi. Le maréchal ne me donna aucun ordre par écrit, mais il me dicta une lettre. MONSIEUR était à Sens. J'allais l'y rejoindre. Je rencontrai dans ma route un régiment de dragons et un régiment de ligne. J'arrêtai leur marche parce qu'ils allaient tomber dans les lignes de Bonaparte. Je fis aussi changer de route aux équipages de M. le maréchal Ney, pour qu'ils ne tombassent pas au pouvoir de l'ennemi. J'arrivai à Paris, et je remis au ministre de la guerre la lettre de M. le maréchal.

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