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hommes qui composaient l'armée de Portugal, et celui de l'illustre général que nous avions à combattre; si cette campagne n'a pas été heureuse sous le rapport du but qu'on s'était proposé, du moins l'armée française n'y a rien perdu de sa gloire militaire, et M. le maréchal Ney surtout a justifié, dans la retraite, la haute réputation qui lui est si justement acquise.

En ma qualité d'officier français et de témoin oculaire, il me sera permis de relever quelques erreurs contenues dans cette brochure, où l'on remarque beaucoup d'exagérations. Elle est écrite avec un zèle patriotique digne d'éloge; mais la vérité n'en a pas moins ses droits. L'Angleterre et la France ont assez de véritables motifs d'orgueil national pour n'avoir pas besoin, l'une, d'enfler les avantages remportés par ses armées, et l'autre de prononcer la peine de mort contre ceux qui parleraient des échecs qu'elle peut avoir éprouvés au milieu de ses victoires.

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Il faut dire d'abord que le calcul des forces de l'armée du Portugal n'est point du tout exact. Sept divisions d'infanterie commandées par les généraux Marchand, Mermet, Loison, Merle, Heudelet, Clauzel et Solignac, d'environ 6,000 hommes chacune, étaient partagées en trois corps d'armée, sous les ordres du maréchal Ney, et des généraux Junot et Regnier. Le général en chef, maréchal Masséna, avait donc àpeu-près 45,000 hommes d'infanterie ; 5 à

6,000 chevaux confiés au général Montbrun, faisaient monter à 50,000 hommes la force de l'armée de Portugal. Il y a loin de là à 94,000. L'exagération de l'auteur de la brochure est telle, que je le soupçonne d'avoir donné à lord Wellington même plus de troupes qu'il n'en avait effectivement.

Celles du maréchal Soult, employées à la conservation de l'Andalousie, au siége de Cadix, à celui de Badajoz, n'ont jamais été dans le cas de pénétrer en Portugal. La province d'Alentejo, a été si peu menacée, que le général Hill, chargé de la défendre avee 5,000 Anglais et autant de Portugais, ne fut jamais inquiété de ce côté-là, et vint bientôt rejoindre l'armée du général en chef, Wellington.

Quant au corps du général Drouot, il n'a jamais été composé que de deux divisions, dont l'une ne dépassa guère la frontière du Portugal, du côté de l'Espagne, et l'autre, destinée à rétablir les communications, vint à Thomar, aux premiers jours de février, presqu'au moment de notre retour, et prit ensuite les devants de l'armée dans sa retraite.

La journée de Busaco, seul événement important de la campagne, n'est pas décrite avec plus d'exactitude. Lord Wellington occupait une chaîne de montagnes escarpées, au travers desquelles, à quelques lieues de distance l'une de l'autre, passent trois routes qui vont à Lisbonne. M. le maréchal Masséna crut devoir se diriger par celle du

milieu, et négligea de s'occuper même des deux autres. L'armée anglo-portugaise couronnait ces hauteurs et nous attendait au passage. Le général anglais ne dut croire à une attaque sérieuse que lorsque notre fatale imprudence l'eût réellement exécutée. Ce fut le général Regnier qui chercha le premier à gravir sur la montagne, par notre gauche, vers les six heures du matin. La division Merle arriva jusque sur le plateau, avec une grande audace, et fut alors repoussée sur la 2e division du 2e corps, qui souffrit également, mais beaucoup moins que la première.

Au moment où le corps de Regnier venait d'essuyer une attaque où il était à-peuprès impossible de réussir, le maréchal Masséna, placé sur une hauteur, au milieu de ses trois corps d'armée, voulut que le maréchal Ney fit attaquer le centre de la ligne ennemie pour causer une diversion. La seule division Loison fut engagée. Le général Simon commandait la première brigade, qui fut repoussée en arrivant à mi-chemin de la montagne; et ce général fut blessé et fait prisonnier. Une 2e division, celle du général Marchand, s'avançait un peu sur la gauche, pour soutenir celle du général Loison; mais elle reçut aussitôt l'ordre de rester dans le bas du vallon, où elle supporta long-tems, avec un calme difficile à peindre, le feu de l'artillerie et de la mousqueterie, sans agir offensivement.

Voilà toute l'affaire de Busaco. Deux di

visions de l'armée, celle du général Merle, et celle du général Loison, chacune de leur côté, et l'une après l'autre, essayèrent de monter à l'assaut de ces lignes, par des chemins impraticables, et ne purent y parvenir. Le maréchal Ney avait prévu ce résultat, et l'avait annoncé avec franchise au général en chef, en donnant l'ordre à ses divisions de se mettre en mouvement. Notre perte fut d'environ 5,000 hommes tués ou blessées. Les Anglais ne firent pas un pas en avant pour nous suivre, même jusqu'au bas de la montagne. Ils conservèrent tranquillement l'avantage de leur position, et se bornèrent à nous faire payer cher l'impru dence de les y avoir attaqués sans ensemble, par petits paquets, et sans avoir menacé leurs flancs, ni cherché à les tourner. Dès ce jour-là, Wellington dut prévoir le succès de la campagne : il connaissait la méthode contre laquelle il aurait à défendre les lignes de Lisbonne beaucoup plus difficiles à emporter que celles de Busaco.

M. le maréchal Masséna prit, le surlendemain de l'affaire, la résolution de gagner le chemin de droite, et fit partir son armée dans la nuit. Cette marche de flanc ne put s'exécuter avec assez d'ordre et de précision; la route n'était qu'un long défilé. Lord Wellington ne l'ignorait pas. Il jugea plus convenable de continuer sa retraite. Beaucoup d'officiers expérimentés pensèrent alors qu'il eût pu tirer un autre parti de sa position et de la nôtre. Tel fut à-peu-près

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le seul événement militaire de cette campagne, jusqu'au 4 mars, où nous fimes notre mouvement rétrograde sur l'Espagne. Je ne parle pas de l'enlèvement de nos blessés, à Coimbre. Ils y furent abandonnés, sans défense et sans prévoyance, parce que c'était l'usage dans nos armées de ne jamais regarder derrière soi.

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La retraite commença donc le 4 mars. L'ennemi ne nous atteignit que le 10, en avant de Pombal : la veille, le 2e corps et le 8e, commandés par Junot et Regnier formaient la tête de la colonne générale, sur la route de Ciudadrodrigo: ces deux corps ne virent plus l'ennemi dans toute la retraite. M. le maréchal Ney resta seul avec huit régimens d'infanterie, les 6e et 25e légers, les 27, 39, 50, 59e, 69, 76o, de ligne, et deux régimens de cavalerie, les 3e de hussards et 15e de chasseurs, qui, tout compté, n'avaient pas 400 hommes; les huit régimens, de ligne pouvaient être évalués tout au plus à 1000 hommes, l'un portant l'autre, et formaient les deux divisions Marchand et Mermet.

Ce sont là les uniques, troupes qui ont fait tous les frais de cette longue et belle retraite, depuis Pombal jusqu'à la frontière d'Espagne, devant toute l'armée anglo-portugaise réunie, et commandée par un habile général.

Nous fumes attaqués vigoureusement à Pombal, le 10; à Redinha, le ; à Casalnova, le 13an matin; à Joz de Aronze, le 15;

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