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chal prend plusieurs places en Bresse et enuoye par deux fois la Fin conferer auec Roncas à Sainct Claude. Roncas les entretient sur l'esperance de ce mariage. Le mareschal, pour faire paroistre sa bonne affection enuers le duc, en venant trouuer le roy à Anecy, fit semblant de vouloir recognoistre quelques passages, ausquels il se fit conduire, mais c'estoit pour faire passer Renazé, afin d'aller aduertir d'Albigny, lieutenant du duc, de se retirer, lequel sans cest aduis eust esté deffaict, et aussi pour dire au duc auquel estat estoit l'armee du roy.

Or il donna cet aduis incontinent apres que le roy l'eut refusé de luy laisser disposer de la citadelle de Bourg quand elle seroit prise.

Ce refus, comme nous auons dict, le porta et le troubla de telle sorte, qu'on tient qu'il se resolut deslors d'effectuer l'entreprise sur la personne du roy, laquelle le sieur de la Fin et Renazé ont descouverte en leurs depositions.

Peu de iours apres il enuoye la Fin à Thurin vers le duc de Sauoye et vers le comte de Fuentes à Milan, où il arriua aussi Picoté reuenant d'Espagne, apportant les responces des propositions du mareschal.

Le duc de Sauoye, le comte de Fuentes, l'ambassadeur d'Espagne en la cour de Sauoye, la Fin et Picoté se trouuent à Some. Le secret de ceste assemblee estoit le mariage du mareschal de Biron et de la troisiesme

fille du duc de Sauoye, auec cinq cents mille escus de dot, et le transport de tous les droicts de la souueraineté de Bourgogne. L'on y traicta aussi des entreprises et desseins du mareschal de Biron, et des moyens. que l'on tiendroit au printemps de l'an 1601 pour ioindre les forces d'Espagne que le comte de Fuentes auoit au Milanois, auec celles du duc de Sauoye, et par ce moyen donner au roy tant d'affaires qu'il luy faudroit oublier la demande de son marquisat. Mais Dieu disposa autrement de tous ses conseils, par la paix qu'il fut arrestee à Lyon, ainsi que nous auons dit cy dessus..

Le mareschal de Biron se trouua autant esbahy de la conclusion de ceste paix, que le duc de Sauoye et le comte de Fuentes en faisoient des marrys. Il est aduerty que le roy auoit sceu quelque chose des practiques. de la Fin touchant ce mariage. Il s'aduisa d'aller trouuer le roy, qui se promenoit alors dans le cloistre des Cordeliers, à Lyon, où aprés auoir parlé à luy, et que S. M. lui eut commandé de s'en aller à Bourg, il commença à luy dire ce qui s'estoit passé touchant le mariage qu'il auoit poursuiuy, sans: son consentement, auec la fille du duc de › Sauoye; et aussi que s'estant transporté de cholere depuis le refus que S. M. lui auoit fait de la citadelle de Bourg, il auoit eu de mauuaises intentions contre són seruice, dont il lui en demandoit pardon. Le roy voulut sçauoir de lui comme le tout s'estoit passé, mais il ne luy en dist que le moins

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qu'il pust, toutes fois auec un semblant de grande repentance. Le roy pensant sçauoir tout ce qu'il auoit faict, luy pardonna pour ceste fois, à sa charge de n'y plus retourner. L'ambition du mareschal et la haine implacable qu'il auoit contre le roy estoient les deux furies qui bourrelloient son ame; aussi il ne fut sitost party de deuant le roy (qui auoit noyé toutes ses mauvaises intentions dans la mer de sa clémence) qu'estant arriué à Vimy pour s'en aller à Bourg, despecha incontinent vn moine nommé Farges vers le sieur de la Fin, lequel estoit pour lors encore à Some auec le comte de Fuentes; et aussi tost qu'il fut arriué à Bourg, il luy despecha encores de Bosco, cousin de Roncas.

Au depart de l'assemblee de Some, le duc de Sauoye retourna à Thurin, et la Fin alla à Milan auec le comte de Fuentes: Le comte entra en quelque soupçon de la Fin, et creut qu'il ne luy failloit pas fier ceste affaire, sur vne certaine responce qu'il luy feist, laquelle il ne trouua pas bonne; ce que le comte dissimula, et renuoya la Fin pour parler au duc, auquel il auoit donné aduis qu'il s'en failloit desfaire; mais la Fin en ouyt du vent et s'en douta; il se contente d'enuoyer Renazé vers le duc, qui le feist retenir prisonnier ; et luy prit le chemin des Grisons, et de là se sauua à Basle et retourna en France.

Ceste conspiration ne fut pas pour cela discontinuee; le mareschal ne fit que chan

ger de negotiateur; le baron de Lux print la place de la Fin, et Roncas et Casal la continuerent avec luy.

La Fin est fasché contre le mareschal de ce que Renazé est prisonnier en Piedmont, et sur tout de ce qu'il n'estoit plus employé en cest affaire, et que le baron de Lux luy en auoit osté la confidence. Le roy en oyt quelque vent de ce mescontentement. Il manda la Fin, qui estoit alors retiré en sa maison, pour venir parler à luy. La Fin en aduertit le mareschal de Biron, lequel lui manda, Qu'il tenoit sa vie et sa fortune entre ses mains; qu'il bruslast ses papiers; qu'il se desfit de tous ceux qui auoient fait des voyages auec luy; qu'il ne parlast plus de Renazé, non plus que de celuy qui n'estoit plus au monde; qu'il lui conseilloit de n'aller en cour qu'à petit train; qu'il se preparast d'auoir de rudes paroles à son arriuee, mais qu'il les pouuoit adoucir, en as-seurant le roy qu'il n'estoit allé en Italie que pour vne deuotion qu'il auoit à NotreDame-de-Lorette, où en passant à Milan, on l'auoit voulu charger de proposer le mariage de la troisiesme fille de Sauoye auec le mareschal de Biron; mais qu'il n'y auoit uoulu entendre, veu le soing que S. M. vouloit prendre de le marier.

La Fin ayant eu vne asseurance du roy pour venir en cour, arriua en ceste annee à Fontaine-belle-Eau au mois de mars; il se logea à la My-voye, où le roy parla à lui; il monstra à S. M. en particulier, puis par

son commandement, à quelques vns de son conseil, tant de preuues et de si véritables de tout le progrez de ceste conspiration, qu'ils en furent tous esmerueillez. Il lui dit aussi tout ce qu'il auoit faict et tout ce qui s'estoit passé à Some entre le duc de Sauoye, le comte de Fuentes et lui. Tous les papiers qu'il auoit touchant ceste conspiration furent mis entre les mains de M. le chancelier; ce qu'ayant fait il supplia S. M. Que puis qu'il auoit descouuert une telle meschanceté, qu'il luy plust luy remettre et pardonner non seulement les attentats qu'il auoit fait contre et au preiudice de sa couronne, mais aussi tous actes dont il auroit esté preuenu ou pourroit estre iusques au iour de sa remission; ce que S. M. luy accorda, et depuis luy en feist expedier ses lettres d'abolition en telle forme qu'il pouuoit desirer.

Ainsi le roy fut fait certain de tous les desseins du mareschal, pour empescher l'execution desquels il vsa si bien de sa prudence accoustumee, et feist conduire si dextrement ceste affaire, qu'il sauua et luy et son estat, et eut en fin bonne yssuë de ce qu'il desiroit.

Lorsque la Fin arriua à Fontaine-belleEau, le baron de Lux, qui estoit lors le confident du mareschal, estoit en court, le roy luy dit Qu'il estoit bien aise d'auoir parlé à la Fin, et qu'il recognoissoit maintenant que ce que l'on luy auoit dit des desseins

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