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liations qu'elle a reçues dans la journée. Le Roi ne veut pas de nous, c'est évident; ce n'est qu'avec Bonaparte que nous pouvons avoir de la considération; ce n'est qu'avec un homme de l'armée que l'armée pourra en obtenir. Venez, général Lecourbe; vous avez été maltraité, vous serez bien traité. Le général Lecourbe répondit que c'était impossible; qu'il allait se retirer à la campagne. Une petite discussion s'éleva entre eux; enfin, une demi-heure après, il prit un papier sur la table. Voilà ce que je veux lire aux troupes, dit-il, et il lut la proclamation. Le général Lecourbe et moi nous nous sommes opposés à ce qu'il voulait faire; mais persuadés que, si tout était arrangé, il avait pris des mesures pour empêcher ce que nous pourrions entreprendre; sachant que les troupes, déjà fort ébranlées par les émissaires de Bonaparte, avaient en lui une grande confiance ( car c'était de tous les généraux celui qui possédait le plus la confiance de toute l'armée), nous résolûmes d'aller sur la place. Nous étions affligés et tristes. Les officiers d'infanterie nous dirent qu'ils étaient bien fâchés de cela; que, s'ils l'avaient su, ils ne seraient pas venus. Après la lecture, les troupes défilèrent aux cris de vive l'empereur! et se répandirent en désordre dans la ville.

« Le maréchal était si bien déterminé d'avance à prendre son parti, qu'une demi-heure après il portait la décoration de la Légiond'Honneur avec l'aigle, et à son grand-cordon la décoration à l'effigie de Bonaparte. Son parti était donc pris, à moins qu'il ne l'eût emportée d'avance à Lons-le-Saulnier pour le service duRoi. A cette déclaration le maréchal répondit : Depuis huit mois que le témoin prépare son thême, il a eu le tems de le bien faire. Il a cru impossible que nous nous trouvassions ja

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mais en face; il a cru que je serais traité comme Labédoyère, et fusillé par jugement d'une commission militaire; mais il en est autrement. Je vais au but. Le fait est que le 14 je l'ai fait demander avec le général Lecourbe. Ils sont venus ensemble. Je suis fàché que Lecourbe ne soit plus mais je l'invoque dans un autre lieu; je l'interpelle contre tous ces témoignages devant un tribunal plus élevé, devant Dieu qui nous entend tous; c'est par lui que seront jugés l'un et l'autre. J'étais la tête baissée sur la fatale proclamation, et vis-à-vis d'eux, qui étaient adossés à la cheminée. Je sommai le général Bourmont, au nom de l'honneur, de me dire ce qui se passait. Bourmont, sans ajouter aucun discours préliminaire, prend la proclamation, la lit, et dit qu'il est absolument de cet avis. Il la passe ensuite à Lecourbe. Lecourbe ne dit rien et la rend à Bourmont. Lecourbe dit ensuite; Cela vous a été envoyé; il y a quelque rumeur : il y a long-tems qu'on prévoit tout cela. Le général Bourmont fit rassembler les troupes, et il eut deux heures pour réfléchir quant à moi, quelqu'un m'a-t-il `dit : Où allez-vous ? vous allez risquer votre honneur et votre réputation pour une cause funeste..... Je n'ai trouvé que des hommes qui m'ont poussé dans le précipice.

« Je n'avais pas besoin, monsieur de Bourmont, de votre avis, quant à la responsabilité, dont j'étais chargé seul; je demandais les lumières et les conseils d'hommes à qui je croyais une ancienne affection et assez d'énergie pour me dire: Vous avez tort. Au lieu de cela vous m'avez entraîné, jeté dans le précipice. Après la lecture, j'ajoutai qu'il paraissait que c'était une affaire arrangée; que les personnes envoyées par Bonaparte m'avaient dit telle et telle chose.

Je leur proposai à déjeûner; ils le refusèrent et se retirèrent.

« Bourmont rassembla les troupes sur une place que je ne connaissais même pas; il pouvait, s'il jugeait ma conduite mauvaise, et que je voulusse trahir, faire garder ma porte. J'étais seul, sans cheval, sans officiers.

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Il a beaucoup d'esprit ; sa conduite a été très-sensée. Je l'avais vivement prié de loger chez moi, il ne l'a pas voulu. Il s'éloigna, se réfugia chez le marquis de Vaulchier, formant ensemble des coteries pour être en garde contre les événemens et s'ouvrir, dans tous les une porte de der

rière.

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cas,

Ensuite, Bourmont et Lecourbe sont venus me prendre avec les officiers, et m'ont conduit au milieu du carré où j'ai lu la proclamation. Après cette lecture nous avons été arrachés, étouffés, embrassés par les troupes, qui se sont retirées en bon ordre.

« Les officiers supérieurs sont venus dîner chez moi, j'étais sombre. Bourmont y était, et, s'il dit vrai, il dira que la table était gaie. Voilà la vérité. »

Le chancelier dit au maréchal A quelle heure M. de Bourmont est-il venu vous prendre?

R. Vers onze heures. Il y avait eu une première visite à dix heures; il est venu chez moi avec Lecourbe; je leur ai lu la proclamation, et je les ai congédiés. Ils sont ensuite revenus. Si j'étais resté à Besançon, je siégerais aujourd'hui parmi vous, et je n'aurais rien à me reprocher.

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Le chancelier, s'adressant au témoin Comment après avoir lu la proclamation, avezvous donné aux troupes l'ordre de s'assembler? R. Elles en avaient l'ordre auparavant.

D. Cet ordre n'a donc pas été donné par vous ?

R. Lorsque j'ai donné cet ordre, j'en avais l'ordre verbal; mais je n'avais pas connaissance de la proclamation.

Le maréchal Après la lecture de la procla-. mation, je vous ai dit d'assembler les troupes. Bourmont peut dire ce qu'il veut. Il me charge, afin de rendre sa conduite plus pure. S'il avait eu intention de servir le Roi, il aurait pu arriver le 16 ou le 17 à Paris. C'est l'arrivée de M. Clouet de Paris qui l'a déterminé.

M. le chancelier au témoin: Aviez-vous assez d'influence sur les troupes pour arrêter l'effet de la proclamation?

R. Non l'influence du maréchal était plus considérable la mienne. S'il n'y avait pas que été, je l'aurais pu, peut-être. J'ai la confiance que les troupes auraient marché, comme les officiers le promettaient.

D. A quelle heure avez-vous eu connaissance de la proclamation?

R. A onze heures.

D. A quelle heure avez-vous été sur la place?
R. Entre midi et une heure.

D. Qu'avez-vous fait dans l'intervalle ?

R. Je suis sorti de chez le maréchal. Rentré chez moi, j'en suis encore sorti pour aller chez le maréchal, d'où nous sommes partis pour aller sur le terrain.

D. Comment, après avoir eu connaissance de la proclamation, avez-vous accompagné le maréchal, qui allait la lire?

R. Parce que je souhaitais voir quelle impression cette proclamation produirait sur l'esprit des troupes. La plupart des officiers m'avaient promis qu'ils me suivraient; je voulais voir

s'il ne se manifesterait pas quelqu'esprit d'opposition. Je ne croyais pas qu'il fût en mon pouvoir d'empêcher le maréchal de lire la proclamation, à moins de le tuer, puisque mes observations n'avaient eu aucun effet, et que Lecourbe avait aussi été d'avis de rester fidèle au Roi, et qu'il n'avait rien produit.

Quant au reproche de n'être pas parti de suite pour rejoindre le Roi, c'est la crainte d'être arrêté qui m'a déterminé à suivre le maréchal. Je suis arrivé le 18 à Paris, et le 19 j'ai vu le Roi.

Le maréchal Ney M. de Bourmont prétend que je portais une décoration de Bonaparte. J'ai conservé celle du Roi devant Bonaparte, et jusqu'à Paris, où mon bijoutier m'en a fourni de nouvelles on peut le faire entendre. Comment pouvez-vous faire une pareille supposition! C'est une infamie, général, de dire que j'avais d'avance l'intention de trahir.

M. Bellart au témoin : N'avez-vous jamais eu aucune querelle avec le maréchal?.

R. Aucune.

M. Bellart au maréchal : A-t-il continué à servir après la proclamation?

R. Il a suivi la colonne jusqu'à Dole. Là, il a pris une direction différente, et j'ai donné tous les ordres en mon nom.

D. Pourquoi a-t-il été compris dans les arrestations?

R. La colonne était pleine d'agens de Bonaparte. Cette mesure n'a été prise que fort tard, le 19, après avoir vu Bonaparte; elle n'a pas été mise à exécution; elle a été levée aussitôt son arrivée à Paris.

M. Bellart: Si M. de Bourmont vous a donné

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