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sommation qui constitue le premier acte de contrainte, et le tiers détenteur doit, immédiatement après, proposer son exception. M. Persil (1) estime que ce dernier peut demander la discussion pendant le délai de trente jours, qui lui est accordé pour préparer sa défense, et que son exception n'est couverte que par les poursuites subséquentes.

Nous nous rallions complètement à cette dernière opinion, en y ajoutant toutefois ce motif : que la sommation prescrite par l'art. 2169 n'est pas un acte de poursuites, mais bien un préliminaire de la poursuite, un avertissement juridique. qui doit précéder la procédure en expropriation; que par conséquent, en accordant au tiers détenteur jusqu'à la saisie exclusivement pour provoquer la discussion, on restreint plutôt qu'on n'augmente le délai qui lui est imparti.

309. De ces principes il résulte bien clairement que l'exception de discussion, en matière réelle, de même qu'en matière personnelle, ne peut être proposée pour la première fois en appel (2).

310. Si le tiers acquéreur forme opposition aux contraintes, et la porte devant le tribunal, c'est à l'art. 186 du Code judiciaire qu'il faut en revenir. Fait-il valoir contre le créancier un moyen tiré du fond de la cause et du chef de son auteur, par exemple, l'extinction de la créance par novation, compensation, prescription? Dès ce moment il

(1) Sur l'art. 2170, n° 9.

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(2) Bourges, 31 décembre 1830; Pal., t. I de 1831, p. 258.

se rend non recevable à invoquer le bénéfice de l'art. 2170. Même décision a fortiori, s'il fait des offres d'acquitter la dette hypothécaire, alors même que ces offres sont ensuite reconnues irrégulières ou insuffisantes. Il a été jugé par un arrêt de la cour suprême, en date du 23 avril 1849 (1), que sous l'empire de la coutume de Normandie, les détenteurs d'immeubles dotaux aliénés par le mari, qui pouvaient opposer la discussion préalable des biens de ce dernier à l'action subsidiaire exercée contre eux par la femme, étaient déchus de cette faculté, par cela seul qu'ils avaient offert à celle-ci la valeur de ses biens dotaux aliénés, bien qu'elle n'eût pas encore accepté ces offres.

311. Ainsi les fins de non-recevoir proprement dites, celles qui touchent au fond du procès, tout comme les autres moyens viscéraux de défense, doivent toujours être précédées de l'exception de discussion, à peine de déchéance contre le tiers détenteur. En est-il de même des exceptions qui, sans attaquer l'action en soi, tendent à repousser la demande à raison d'un défaut de qualité de la part du demandeur, exceptions qu'on appelait, dans l'ancienne jurisprudence, fins de non-valoir, non vales agere? (2) ➡ L'ordonnance de 1667 (3), qui les comprenait dans les exceptions péremptoires d'instance, voulait qu'elles fussent employées

(1) Pal., t. 1er de 1849, p. 623.

(2) Ces exceptions forment l'objet du chap. 11, titre it, dé ce traité. (3) Art. 5, tit. v.

dans le premier libelle du défendeur, pour y élre préalablement fait droit. Effectivement, si le der mandeur n'a pas qualité pour agir, s'il doit être exclu de son action, il devient inutile d'examiner le mérite de cette action. Or, le même raisonne. ment s'applique au tiers détenteur. Si le créancier est sans qualité pour poursuivre, on n'a plus besoin de juger s'il doit être renvoyé à discuter les biens du débiteur personnel. La qualité étant le principe fondamental de l'action, toutes les autres exceptions supposent l'existence de cette indispensable condition (1). Le tiers détenteur peut donc s'en prévaloir, sans être pour cela déchu du bénéfice de discussion (2).

312. Quant aux exceptions de procédure, telles que les déclinatoires et les nullités, la question, à notre avis, ne peut pas souffrir de difficulté. L'emploi préalable de ces exceptions ne saurait nuire au tiers détenteur. Cela résulte non seulement de l'ordre tracé dans cette matière par le Code de procédure, qui place les exceptions dilatoires après celles dont nous venons de parler, et dans le dernier rang, mais aussi de la saine et logique entente des principes. Il est clair, en effet, que l'exception d'incompétence peut et doit être proposée avant celle de discussion, puisque avant tout il faut savoir si le juge a le droit de connaître de cet incident. Il n'est pas moins évident, en second

(1) Pigeau, Procéd. civ., 1re édit., p. 198.
(2) Adde M. Troplong, hypothèques, no 801.

lieu que si les contraintes commencées par le créancier hypothécaire, par exemple la sommation faite au tiers, ou le commandement signifié au débiteur, sont entachées de nullité et réduites à néant, il n'y a plus lieu de s'occuper de la discussion des biens de celui-ci.

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313. En parlant des exceptions dilatoires en général (no 216), j'ai déjà touché le caractère de celle qui va faire l'objet du présent chapitre. Il m'a semblé qu'on pouvait sans témérité, et malgré la décision contraire du législateur, voir dans la communication de pièces autre chose qu'une véritable exception. J'ai exposé, à cet égard, les raisons de douter, et j'ajoute ici, pour les confirmer de plus fort, que les auteurs les plus recommandables de l'ancienne jurisprudence, ceux qui ont écrit sur l'ordonnance de 1667, où les rédacteurs de notre Code actuel ont puisé tant de dispositions repor tées littéralement dans ce Code, tels que Serpillon, Jousse, Rodier, Rebuffe, Lange, Pothier, Bornier, n'ont jamais eu l'idée, jamais avancé dans leurs écrits que la communication de pièces fut une exception dilatoire.

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