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été lié avec le directoire. Les Français n'entendaient point du tout être et rester privés de tout culte : les points de division entre les deux parties du clergé ne portant sur aucun dogme intéressant directement la foi, ne con. cernant point des objets apparens, et tombant, pour ainsi dire, sous les sens, ne choquaient point la multitude. Le principe de la scission avait été habilement calculé pour pouvoir n'être représenté que comme un point de controverse entre des docteurs. Le peuple retrouvait tout ce qu'il était accoutumé de voir; il ne voyait faire, il n'entendait dire que ce qu'il avait toujours vu faire et entendu dire; la scission tombait sur une chose dont le peuple ne peut jamais être juge, un droit que le nouveau minisière s'efforçait de tirer à lui, tandis que l'ancien n'avait qu'à montrer sa possession prescriptive: c'était ce qui distinguait les deux clergés. L'un envahissait, l'autre conservait; l'un avait toujours à prouver son droit; l'autre avait ses preuves faites depuis long-temps, et n'avait jamais eu à parler de ses droits, parce qu'ils n'avaient jamais été l'objet d'une contestation. Tant que les prètres constitutionnels avaient exercé seuls en

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France, ils avaient pu se maintenir; mais du moment que l'ancien clergé reparaissait · librement, il n'était pas dans la nature des choses que l'on tînt à son compétiteur; car, en faisant les mêmes choses que le clergé constitutionnel, de plus que lui, il était hors de doute. Les hommes aiment à voir clair dans les affaires, et surtout dans celles de leur religion.

L'on eut la preuve de la faiblesse des liens qui unissaient la nation au clergé constitutionnel, lorsque le concordat fut publié.

De toute part on revint sans effort, sans commandement extérieur au clergé rentré, les peuples et lui se rejoignirent comme une famille séparée par l'orage, l'obstacle qui les tenait éloignés était lévé, on n'entendit pas un seul murmure sur cette réunion, pas une discussion sur les pouvoirs d'aucun de ses membres, tout se réunit autour de lui comme autour du centre naturel, accoutumé, incontestable. A toutes ces considérations il faut ajouter le poids que l'exemple du premier consul aurait porté du côté du clergé catholique; on sait avec quelle autorité cet exemple commandait alors.

Ainsi fut perdue la seconde occasion de tracer une démarcation irrévocable entre la religion et l'Etat, entre le spirituel et le temporel. Maintenant il faut tourner les yeux vers l'Amérique pour retrouver le consolant spectacle de cette séparation, et cette perte est d'autant plus déplorable que rien ne semble se préparer pour la réparer. Les fautes de l'Assemblée constituante et celles de Napoléon resteront comme des signaux inutiles sur les écueils de la liaison du spirituel avec le temporel (1).

(1) Je n'ai point à me reprocher de n'avoir pas travaillé à faire embrasser le parti que je viens d'exposer : lors de ma rentrée en France, 1801, je fus trouver un conseiller d'état qui alors avait part à la confiance du premier consul; je l'avais connu dans l'assemblée constituante.

L'entretien que j'eus avec lui conduisit à parler de ce que le consul se proposait de faire pour la religion. Je me recriai quand j'entendis parler de concordat, j'exposai de mon mieux les vices de ce système, et je reclamai vivement l'établissement de la tolérance, tel que je l'ai analysé dans ce chapitre. Je ne balançai pas à lui annoncer qu'au moyen du concordat, dans dix ans Napoléon et le clergé seraieut aux prises; cela me paraissait inévitable... Dans la plus grande chaleur des débats entre le pape et Napoléon, ce même homme, passé depuis

Je passe à l'examen du concordat de 1801, en suivant la méthode employée dans l'examen de celui de 1515. On appliquera successivement les mêmes principes aux autres concordats. Ils serviront de pierre de touche pour chacun.

à d'autres fonctions, rappela en présence des personnes qui remplissaient un des salons des Thuileries, ce que je lui avais dit alors.

A l'époque du serment de l'assemblée constituante, j'avais fait la même proposition à des membres principaux de cette assemblée, tant la position du clergé me paraissait dangereuse dès ce temps là, tant je lui voyais peu de moyens d'y échapper. La persécution à venir était évidente, il fallait fermer les yeux pour ne pas la voir; c'était au point que toute la puissance de l'assemblée, dans l'état ou elle avait amené les choses, suffisait à peine pour suspendre les coups. Le premier devait être suivi de mille autres, comme on la vu; il ne s'agissait que de commencer, et il était impossible que l'on ne commençât point.

CONVENTION

ENTRE SA SAINTETÉ PIE VII ET LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS.

Le gouvernement de la république reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la grande majorité des citoyens français.

Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré, et attend encore en ce moment le plus grand bien et le plus grand éclat de l'établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu'en font les consuls de la république.

En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils sont convenus de ce qui suit:

ART. Ier. La religion catholique, apostolique et romaine, sera librement exercée en France. Son culte sera public, en se conformant aux réglemens de police que le gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique.

II. Il sera fait par le saint-siége, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français.

III. Sa Sainteté déclare aux titulaires des évêchés français, qu'elle attend d'eux, avec une ferme con

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