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corps,

il

tence même! Jusqu'ici il avait fait était le premier ordre de l'Etat, il jouissait d'immenses propriétés. Eh bien, c'est de cela même que l'on ne voulait plus. On voulait bien des prêtres, chefs de l'ordre religieux et ses ministres, mais on ne voulait plus d'un corps de clergé, chef de l'ordre politique. Voilà ce qui a fait dépouiller le clergé, et non pas seulement l'envie de le piller, comme l'ont dit mille fois des hommes bornés, et qui se sont arrêtés à la superficie de cet acte. A la vérité, on a trouvé les dépouilles opimes, mais le lucre n'était que l'idée secondaire. L'idée primaire était la destruction de l'état politique du clergé. Dans cette grande expropriation, il est entré plus de politique que d'avidité. Tout était calculé contre cet état politique du clergé. Lui ôter la dîme, était armer la nation contre lui; prendre ses biens, était le compromettre avec tous ceux qui en acceptaient quelques parties. Lorsque l'abbé Syeyes, dans son style acre et provocateur, quelques jours après le 4 août, disait : Après avoir dépouillé les prétres, vous avez oublié une chose, de les égorger, il était loin de la pensée de conseiller une action aussi abominable: seulement il

entendait qu'on avait mis les prêtres dans le cas d'étre égorgés à chaque instant. L'événement prouva qu'il avait trop raison.

Arrivé à ce terme fatal, le clergé dut découvrir d'un coup-d'oeil la vie nouvelle qui lui était réservée. Il dut s'apercevoir qu'au moment où tout l'échafaudage sur lequel l'ancienne civilisation avait élevé l'édifice de ses grandeurs se dérobait sous ses pieds, il entrait dans une civilisation nouvelle qui n'admettait plus rien de son ancienne existance. Il dut voir que, pour lui, il ne s'agissait plus de commander, mais de tolérer pour être toléré lui-même; que pour lui il n'existait plus de palais, mais seulement des temples; que son mélange dans l'ordre politique avait cessé pour être remplacé par l'exercice de ses seules fonctions; que parmi lui il ne se trouvait plus de grands du monde, mais seulement des prêtres. Si la nation entière avait pu prendre la parole, voila la pensée qu'elle aurait exprimée; si le clergé eût été plus attentif, et mieux conseillé, voilà la parole qu'il aurait entendue, malgré sa dureté. Le clergé se croyait encore de la force et des principes de vie, et je crois qu'à aucune époque il n'en

eut moins. Alors, tout l'ordre social, et celui du monde était dressé contre lui. Il est bien plus fort aujourd'hui que tout le monde veut de la religion, au lieu qu'alors tout le monde n'en voulait pas. Il était plus fort sous le directoire, et sous Napoléon, qu'il l'était alors : c'est l'époque de sa plus grande faiblesse connue. Aux deux époques citées plus haut, il avait la force de ses fonctions, et l'on n'est jamais faible avec cela ; à l'époque de l'assemblée constituante, il avait contre ses fonctions tous les inconvéniens de ses autres attributions, lesquelles étaient la source des haines qui le poursuivaient. Il ne pouvait pas chercher sa force hors de ses fonctions: c'est le plus sûr moyen d'en manquer. Il ne lui en restait done d'aucune espèce, et, chose étrange mais vraie, pour reprendre quelque force, il fallait qu'il subit un changement total. Le clergé pouvait-il donc croire que le peuple français fût fort attaché à la dîme, aux abbayes, à toutes les prérogatives dont il ne retirait aucune utilité, et ne ressentait aucun avantage? Tout cet attirail qui importait beaucoup au clergé, à ceux qui en jouissaient, ne faisait rien du tout à ceux qui n'en jouissaient

rien à ceux qui le payaient. pas, et moins que Dans ses prêtres la nation ne voulait plus voir des directeurs de ses affaires politiques, mais seulement des directeurs de sa conscience. Aussi, dans ce temps, le clergé n'eût pas, avec toute sa fortune, réuni quatre hommes pour. sa défense.

C'est de l'assemblée constituante que date, pour le clergé, non seulement de la France, mais du monde catholique, la nouvelle existence qui peut encore lui appartenir, et qui ne lui échappera point, s'il a le bon esprit de s'y tenir celle d'être prêtre dans le monde et avec le monde,mais hors des affaires du monde; s'il y rentre jamais à d'autres titres, il verra....

Ce qu'alors le clergé ne conçut point, la nation le concevait fort bien. Le premier, attaché comme le sont tous les hommes à leurs corps et à leurs attributions, s'imaginait sans fondement que la nation prenait la même part que lui à la conservation de ses attributs. Il ne dut point tarder à se détromper, lorsqu'il vit avec quelle ardeur fut accueillie la demande de son dépouillement, le peu de pitié que trouvèrent ses douleurs, et le petit nombre de ceux qui venaient lui

payer les tributs dont les lois nouvelles les affranchissaient. Combien, parmi les opposans à la révolution, et même parmi les chevaliers de l'autel et du trône, en vit-on faire porter la dime dans les greniers de leurs curés ? Il ne faut pas le dissimuler le clergé arriva aux états-généraux, isolé, sans racines dans l'esprit ni dans le cœur de personne, et si l'accord entre la noblesse et les communes avait pu être cimenté par son sacrifice, le traité n'eût pas tardé à être signé par elles (1). Dans la suite, quelqu'uns se réunirent au

(1) Ceci n'est point une supposition gratuite. J'étais dans l'assemblée, et dans le monde, et j'ai assez vu ce qui se passait dans tous les deux. Dans les familles on ne regardait les biens donnés à leurs membres, que comme un moyen de les soutenir elles-mêmes, et les titulaires comme leurs prête-noms. La société retentissait de cris contre le clergé, et dans l'assemblée ce sont les membres des familles qui y occupaient les premiers rangs, qui ont frappé les premiers et le plus fort. J'ai entendu cent fois des nobles du haut parage dire dans l'assemblée qu'il ne tiendrait à rien que tout ne s'arrangeât avec les communes, s'il ne s'agissait que du clergé : il y avait long-tems qu'ils en avaient fait leur sacrifice. Leur rési gnation à cet égard était admirable.

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