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L'ASTRE qui avait éclairé la cour de Rome dans le long cours d'un règne qui égalait en durée celui même du prince des apôtres, venait de s'éteindre. Pie VI n'était plus; une terre étrangère gardait sa cendre dont l'absence redoublait le deuil de Rome. Quelquefois un doux crépuscule succède à ces jours dans lesquels le soleil a prodigué tous ses feux : ainsi, la constante sérénité des douces vertus de Pie VII vint remplacer les brillantes qualités de Pie VI; par lui, la religion et Rome virent à la fois leurs honneurs varier et s'accroître. La nature avait répandu sur la personne du premier tout ce qui peut mettre le mieux en harmonie la dignité de l'homme avec la majesté du trône, le caractère divin du pontife avec l'extérieur imposant du souverain. La personne du second est empreinte du charme d'une douceur ingénieuse et attrayante. Pie VII portait avec lui quelque 13

T. II.

chose de la grandeur des anciens maîtres du Capitole ; on sentait en le voyant que sa place eût été marquée au milieu des triomphateurs comme à la tête du sacré collége.

Pie VII, moins imposant, montre le représentant de celui qui a dit à tous les hommes d'apprendre de lui qu'il est doux et humble de cœur. Pie VI avait plus l'air d'un souverain, Pie VII a plus l'air du père des chrétiens, et si la figure pouvait se substituer comme la dignité, on voudrait que celle de Pie VII devînt l'effigie constante de la papauté. La stature de Pie VII est moins haute que celle de son prédécesseur. Mais, qui a empreint ses regards de cette expression céleste qui n'appartient qu'à lui? Par fois un doux sourire épanouit son visage; un charme inexprimable s'y répand alors, et s'épanche sur tout ce qui l'entoure. J'ai souvent eu l'honneur de l'approcher. Je n'ai jamais rencontré sur un autre front ce qui se passe sur le sien, lorsqu'il se livre à des récits qui semblent lui plaire, qu'il aiguise du sourire le plus fin, et qu'il anime de regards qui en disent plus que toutes les paroles dont ils pourraient être

accompagnés (1). Ses yeux doucement levés vers le ciel semblent s'animer de ses feux, et se teindre de ses rayons, et dans cette délicieuse position, il pourrait fournir au peintre un modèle pour l'extase.

Je craindrais d'être accusé de plaisanter, si je m'amusais à louer un pape sur sa piété. Je ne parlerai donc de celle de Pie VII que pour faire remarquer que la sienne, quelque grande qu'elle soit, n'a rien d'affecté, de dur, d'exclusif, et qu'il enseigne par elle ce que la piété personnelle doit être pour chacun sans en incommoder les au

tres.

(1) Le pape narre à merveille, il se délecte à raconter quelques anecdotes sur des personnages ou sur des faits de Rome, d'Imola...A Savone il se plaisait à parler du général Hullin qui avait commandé à Imola, ainsi qu'à peindre les frayeurs que faisaient éprouver alternativement aux habitans d'Imola les troupes françaises et autrichiennes. Surtout il rappelait avec plaisir les offres que le capitaine d'une frégate turque lui avait faites de le convoyer de Venise à Ancône, lorsqu'après son élection il se rendit par mer dans ses Etats.... Si la personne du pape est infiniment vénérable, sa société doit être trèsgracieuse.

Pie VII, nourri dans les cloîtres, a conservé la simplicité et la modération des goûts qui convient à un état d'abnégation du monde et de retraite. Professeur de théologie dans un couvent de bénédictins dont il est membre, et cet ordre a généralement fait porter ses travaux sur des recherches savantes, plus que sur la théologie proprement dite, sa science scholastique a dû prendre la teinture de l'enseignement qu'il avait reçu, et qu'il a donné. Sur le siége d'Imola, il préluda aux vertus douces et bienfaisantes qu'il a développées sur le trône pontifical. C'est une de ces ames dont le changement de condition n'altère point la sérénité, et que les grandeurs environnent, sans les troubler. Lorsque la guerre eut donné son diocèse à la nouvelle république italienne, et que le pape Pie VI eut cédé cette portion de ses États par le traité de Tolentino, Pie VII ne s'amusa pas à discuter, ni à incidenter sur la nature de cette transaction, mais occupé uniquement de la sûreté et de la régularité de son troupeau, laissant le monde à qui de droit, il adressa à ses brebis une instruction dont une double malveillance, comme une épée à deux tran

ehans, a cherché à tirer parti contre lui (1), tandis que l'on n'y rencontre que des maximes parfaitement conformes aux règles de la religion et de la raison, Dans cet écrit, Pie VII ne s'occupant point d'un changement politique dont il n'est point l'auteur, et qui n'est pas de sa compétence, se borne à rappeler son troupeau à l'observation des règles et des vertus qui, dans le nouvel ordre, sont propres à assurer son bonheur; et, chose remarquable, le mandement de l'évêque d'Imola est parfaitement d'accord avec l'esprit des lois, et comme Montesquieu, il assigne la vertu pour principe à la république naissante. Pie VII, donna les soins les plus généreux à la con

(1) Cette instruction est intitulée Homélie du citoyen cardinal Chiaramonti, évéquè d'Imola, adressée au peuple de son diocèse, dans la république cisalpine, le jour de Noël 1797.

J'invite à lire cette pièce: elle est infiniment honorable pour Pie VII. On a cherché à jeter du ridicule sur le titre de Citoyen; on doit se rappeller l'époque de la publication de cette lettre. Les autres titres étaient interdits. Le concordat de 180x laisse aux évêques de France l'option entre les titres de Monsieur ou celui de Citoyen: cela n'est fait pour arrêter personne.

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