quelle on ne veut que ce que l'on doit vouloir, celle qui se forme sous l'influence des lumières. Ne cherchez point de lumières chez les aveu gles, ils n'en ont point par-là même qu'ils n'ont pas d'yeux. Une modération raisonnable et éclairée forme donc le fonds du caractère de Pie VII. Cette précieuse disposition semble avoir été placée dans le cœur et dans l'esprit de Pie VII, pour ménager à la religion la douce et salutaire influence des tempéramens dont depuis tant d'années sa position fait son premier besoin. Si cette vertu était bannie du reste de la terre, elle devrait se retrouver dans le cœur d'un Pape, comme la vérité dans le cœur d'un roi. Tel nous paraît être Pie VII. Si notre voix ne peut que se réunir à celles qui célèbrent ses vertus, notre pinceau ne peut que se refuser à se teindre des couleurs avec lesquelles on a, comme à l'envi, défiguré son portrait. Celles que j'ai employées n'ont point été altérées par le ressentiment du mal qu'il m'a fait éprouver personnellement, quoique sans intention de sa part, ni motif de la mienne. wwwwwww CHAPITRE XXIX. Voyage du pape en France. NAPOLEON sortait facilement des routes battues, et pour le rencontrer, il ne fallait pas le chercher dans le chemin des autres. Tout s'élargissait dans cette tête, tout y prenait une teinte nouvelle et souvent orientale. Porté sur le trône par un des coups les plus étranges que le sort se fût permis et que la fortune eût admis dans ses jeux, il imagina de faire sceller son nouveau caractère d'une empreinte inusitée parmi ceux dont il occupait la place, et de remonter encore plus haut dans l'ordre adopté pour consacrer les souverains. Régnant à un titre différent de celui des rois de France, il voulut être frappé à un autre coin. Il fallait couvrir ses nouveautés personnelles sous la plus haute sanction connue sur la terre, pour élever dans les mêmes proportions le respect des peuples. Au lieu du chemin de Rheims, il prit donc celui de Rome. Napoléon attachait beaucoup d'importance au sacre fait par le Pape. Il s'était rempli de l'idée que cette cérémonie l'avait beaucoup relevé aux yeux des français. Très-souvent je l'ai entendu mettre son sacre au nombre des causes qui le faisaient considérer par la nation. J'ai toujours pensé que c'était une illusion, un véritable enfantillage, indignes de son génie ; que par là le pape avait baissé, et que lui-même n'avait pas haussé. Nous ne sommes plus dans le temps de ces espèces de prestiges: les peuples veulent du solide : une bonne loi fait plus de plaisir à ceux-ci, et plus de bien réel aux princes que tous les sacres du monde. La plus grande partie des rois de l'Europe, parmi les plus catholiques, n'est point assujétie à la cérémonie du sacre. Après ce qui est arrivé des derniers sacres de Rheims et de Paris, faits par des mains de cardinal ou de pape, il semble que l'on peut se calmer sur cette idée. Il est des choses qu'il ne faut pas rompre lorsqu'elles sont entières, mais qu'il ne faut pas relever lorsqu'elles sont tombées. Dans les diverses parties de la France, que des voyages où mes fonctions m'ont mis à portée d'observer, je n'ai point rencontré de traces favorables à Napoléon, laissées par cet acte, au lieu que j'ai pu facilement en distinguer d'autres très-peu favorables au pape. Napoléon ne m'a jamais paru avoir été sacré que par son épée. Je le lui dis un jour qu'il était revenu sur ce sujet, il ne m'en a plus reparlé. C'était sans doute une singuliere proposition à faire à Rome, et bien propre à frapper cette cour méthodique, qui a de son côté à répondre à beaucoup de princes, que celle de demander à son chef de descendre du Capitole pour aller à Paris consacrer le nouveau souverain de la France. Il fallait une étrange révolution pour avoir amené un pareil ordre de choses. Il ne faut plus désespérer de rien, disait-on vulgairement à Paris, si l'on voit le pape sacrer Napoléon. Quel pas immense fait depuis la mort de Pie VI, à Valence, au milieu des angoisses, et l'avénement de Pie VII à Paris, pour sacrer le nouveau souverain ! Lorsque des propositions de cette nature ne sont pas repoussées de toute la hauteur du sentiment on cède: dès que l'on délibère, l'intérêt s'empare du conseil. C'est ce qui eut lieu alors. Le parti ennemi de la France, comme chef-lieu de la revolution, s'opposa à ce voyage, à l'abri des maximes de la dignité et de la politique romaine. Au contraire, le parti politique crut apercevoir l'occasion de rétablir et de fortifier Rome. Ce parti n'avait point oublié que par le traité de Tolentino, Rome avait perdu les trois légations. Le plus affectionné de tous les propriétaires à ses possessions, est assurément la Cour de Rome. L'histoire ne permet point le moindre doute à cet égard. Car si elle a fait beaucoup pour acquérir, elle n'a pas moins fait pour conserver. Ce parti crut donc que le moment de tout récupérer était arrivé, et bénit le Ciel d'avoir iuspiré à Napoléon ce pieux dessein dont le fruit véritable allait revenir à lui seul. Trois provinces pour un voyage à Paris, certes, ce n'étaient point des pas perdus. De bien honnêtes gens se figurent, dès qu'ils voyent le pape et la Cour de Rome en mouvement, qu'il s'agit inévitablement et presqu'exclusivement de religion. Eh bien! dans cette occasion, il n'en fut nullement question. La politique seule fit la résolution; et à le bien prendre, on ne voit point ce qu'il y avait alors dans l'ordre religieux de la |