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les nobles de Bretagne disaient aux soldats du régiment de Bassigny, rangés en bataille sur la place de Rennes : Vous êtes citoyens avant d'étre soldats? Oui, depuis long-temps la révolution était faite; il ne lui manquait que de se montrer : aujourd'hui personne ne veut avoir été de la révolution; alors c'était · à qui la ferait.

L'action de la révolution était tellement forte, tellement indépendante, tellement d'elle-même, qu'elle a trompé les vues de tous ceux qui s'en mêlaient; qu'elle a échappé également à tous ses directeurs, pour ne faire que ce qui était dans son essence propre ; qu'elle a usé des millions d'hommes, de projets, de factions, de renommées, pour revenir toujours au même point, celui où nous nous trouvons, c'est-à-dire la réhabilitation des institutions sociales par l'établissement dụ

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leure administration de ces forêts; la liberté du commerce des grains; le reculement des barrières aux frontières du royaume; l'abolition de la corvée personnelle, et son remplacement par une prestation pécuniaire plus justement répartie; tel fut le plan que présenta le contrôleur général. ( Salier, p. 53).

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gouvernement représentatif, avec l'exclusion des régimes anciens devenus incompatibles avec ce qu'elle a établi. Cela est si vrai, que la révolution a trompé également et ceux qui demandaient les états généraux, et ceux qui n'en voulaient point ; et ceux qui se présentaient pour les diriger, et ceux qui voulaient s'arrêter après avoir fait quelques pas; et ceux qui, partis du fonds de leurs bailliages avec des vues bien droites et des cahiers bien innocens, trouvèrent, en arrivant à Paris, une révolution au lieu d'une réformation d'abus, une assemblée nationale au lieu des trois ordres des États de Blois, un tiers conquérant et dominateur au lieu de ces humbles échevins qui parlaient à genoux devant Philippele-Bel. Bon gré, malgré, tout le monde a dû suivre le torrent (1). Si, lorsque l'assemblée

(1) M. Necker y a passé comme M. de la Fayette, M. Mounier comme M. Bailly, Péthion comme celui-ci, Mirabeau comme l'abbé Maury, Tallien comme Robespierre, le directoire comme la convention, l'empire comme la république. Pourquoi....? c'est que ce n'étaient point les hommes, mais les choses qui poussaient, et que celles-ci retiraient leurs forces dès que l'on se séparait d'elles. Napoléon lui-même, qui avait mis à profit

constituante s'ouvrit, la surprise dut être grande pour tant d'hommes qui trouvaient ce qu'ils n'étaient pas venus chercher, et qui avaient à chercher ce qu'ils croyaient trouver, elle le fut encore davantage pour le clergé appelé aux états généraux. Consacré par état

avec tant d'art et de succès les circonstances qui appelaient un homme capable d'arrêter l'anarchie, et qui avait reçu d'elles la force avec laquelle il a fait tant de choses, est tombé lorsque par une autre combinaison, il s'est trouvé destitué de leur secours. L'orsqu'il a voulu s'assujétir les choses, au lieu de les suivre, il est resté tout seul. Il avait relevé la civilisation, mais il n'a pu réussir à la maîtriser. A mesure qu'il l'avançait par les arts, par les monumens, par tous les véhicules donnés à la culture de l'esprit et au développement de l'industrie, elle devenait son ennemie, à cause des violences qu'il lui faisait subir sous d'autres rapports. Il la fendait comme un vaisseau fend la mer, comme une troupe en perce une autre; mais cette mer se refermait derrière lui, mais cette troupe se reformait après son passage, chargeait ses armes et tirait sur lui, de manière à lui interdire le retour.

Il n'est rien sur quoi l'on ait plus mal écrit que sur cet étrange événement de la chute de Napoléon. Cependant la chose valait la peine d'être examinée: c'est un fait unique dans l'histoire.

à des occupations purement ecclésiastiques, disséminé, pour la plupart, dans les campagnes, à la suite d'une éducation étrangère aux affaires publiques, le clergé devait être encore plus loin que la noblesse de soupçonner l'état véritable des choses. Ceux mêmes de ses membres qui, par leur position personnelle, approchaient davantage de la cour et de Paris, étaient cependantretenus à quelque distance des cercles académiques ou politiques dans lesquels s'élaborait la révolution, et fermentait le levain qui allait bientôt aigrir toute la masse du corps de l'État. L'esprit de corps, la confiance dans la stabilité de l'ordre établi, étaient propres à détourner leurs regards de ce qui se préparait. Le parlement et le haut clergé se trouvèrent sur la même ligne de surprise et d'éloignement de l'esprit qui se manifestait alors. Le parlement qui avait tant contrarié le roi, qui l'avait amené au bord des états généraux, dès qu'il reconnut la longueur des pas qu'il avait faits, recula épouvanté ; mais il était trop tard. Pris dans les filets qu'il avait jetés sur la cour, il voulut sortir d'embarras en demandant des états généraux à sa mode; il entendit répondre que la nation

les aurait à la sienne. C'est le premier exemple de pas rétrogrades faits dans la révolution, et l'essai ne fut pas heureux. Le parlement perdit dans un jour le fruit de ce qu'il avait fait depuis dix ans ; d'Epresménil vit flétrir sa couronne, et, d'un seul mot, le parlement se fit plus de tort dans l'opinion publique que n'avaient pu lui en faire tous les édits de la cour plénière. Il était revenu de celle-ci, il ne revint point de l'autre.

Le clergé arriva aux états généraux avec une grande réputation d'habileté dans les affaires, et cette opinion fit concevoir contre lui des soupçons de dextérité qu'il ne méri tait point. On eut été plus juste en disant que le clergé était plus apte qu'habile. Les affaires publiques, connues seulement de quelques évêques, soit de la cour, soit des pays d'État, étaient tout-à fait étrangères au reste du corps. Ses études comme ses occupations habituelles l'en tenaient éloigné. Les écrits qui avaient pu lui en donner l'idée n'arrivaient guère jusqu'à lui. Le clergé avait, pour les affaires, comme pour tous les autres genres d'occupa tions, l'aptitude que donne l'habitude du travail et de l'application, mais il n'avait pas été

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