Page images
PDF
EPUB

tat, et dans ce cas on peut agir. Mais il n'en est pas de même, lorsqu'une autre disposition des esprits a créé un autre ordre de choses, lorsque par lui le glaive qui perçait les plus fortes cuirasses se trouve émoussé, et lorsque ce qui était le plus redoutable a cessé d'être redouté. Alors par le même principe qui faisait agir dans un temps, il faut s'abstenir dans l'autre. Par conséquent les papes ont dû cesser d'excommunier, par les mêmes motifs qui jadis les invitaient à le faire, la crainte qu'inspiraient alors ces foudres, et l'effacement actuel de cette même crainte. Quand des armes de cette espèce ne tuent pas sur la place, il faut les laisser dans le fourreau; quelque considération peut s'attacher à leur repos, et quelque vertu à l'incertitude de leur effet, car enfin on ne peut jamais répondre de l'effet d'une machine dont on n'a point fait l'essai, au lieu que la déconsidération la plus complette est le résultat inévitable d'une tentative avortée: alors on se tue soi même par ce que l'on destinait à tuer son ennemi. C'est ce qu'a éprouvé le pape, lorsque de mauvais conseils triomphans de sa douceur naturelle, l'eurent porté à un acte

qui ne pouvait devenir profitable qu'à Napoléon. Cet acte était dans une telle opposition avec l'esprit du temps, il séparait tellement Napoléon avec la partie vieille et surannée des pratiques religieuses, il présentait des côtés si défavorables pour la cour de Rome, et démentait tellement sa renommée de prudence, source véritable de sa considération, que beaucoup de personnes, et je dois reconnaître que j'étais de ce nombre, ne pouvaient consentir à croire à l'existence de cette pièce, et la regardaient comme une supposition hostile contre le pape, tant ses résultats étaient clairs. En effet elle partageait les torts entre le pape et Napoléon : elle enlevait au premier ce qui lui avait appartenu jusqu'alors, l'intérêt combiné de ses fonctions et de sa faiblesse, de son caractère et de ses malheurs. Mais lorsqu'on le vit recourir à des moyens écartés depuis long-temps des mœurs de l'Europe, comme des usages mêmes de la cour de Rome; lorsque la lecture de la bulle ne présenta qu'un mélange incohérent et bizarre d'objets temporels confondus sans, discernement avec des objets spirituels, qui n'entrent que pour la plus petite partie dans

cette bulle; lorsqu'on vit un acte de cette importance, basé sur des suppositions d'intentions, et sur des allégations dont on n'apportait aucune preuve, alors l'intérêt d'un côté, et l'odieux de l'autre, diminuèrent dans une proportion parallèle. On commença à croire que Napoléon pouvait avoir moins de torts qu'on le supposait jusque là; alors on se rapprocha de lui comme de l'objet d'une attaque offensante pour l'esprit humain; il eut pour lui l'intérêt qu'inspire cet esprit, et celui-là est grand; et peu s'en fallut que de persécuteur qu'on l'accusait d'être, il ne parût persécuté. Pour obtenir les honneurs de. la persécution, il ne lui fallait qu'un peu de forces de moins. La cour de Rome avait trouvé là le secret de gâter une belle cause. Tel est l'effet inévitable des mesures qui blessent l'esprit du temps, et sûrement celle-là était du nombre, et même en première ligne. C'est une des plus grandes fautes que Rome ait jamais faites, car elle lui a enlevé sa dernière ressource. En effet, quel moyen de revenir aux excommunications contre les souverains, lorsque ceux-ci n'ont fait que rire, et que le reste du monde n'a pas eu seu

2o. Comment elle fut reçue;

3o. Ce qu'il fallait en penser.

Le parti qui à Rome voulait un éclat, et faire de la religion le moyen et le prétexte de cet éclat, avait préparé ce coup de longue main. On en trouve la preuve dans plusieurs lettres de divers ministres du pape, particulièrement dans l'instruction adressée par le cardinal Pacca aux évêques des États du pape, en date du 29 mai 1808..... dans le bref monitorial à Napoléon, en date du 29 mars 1808. Cet acte était préparé par une foule d'allégations dénuées de preuves, et démenties pár le fait, comme il conste de cette même instruction. Voyez la pièce ci-jointe (1). On voit

(1) Instruction adressée aux évéques des Etats du pape, par le cardinal Pacca.

Si ce qu'on vient de dire, se trouvait être vrai dans tout autre cas d'une invasion étrangère, il le serait bien plus dans celui-ci, où il ne s'agit pas seulement de substituer au gouvernement des États de l'église, un gouvernement quelconque, mais un gouvernement notoirement envahisseur de la puissance spirituelle dans tous les lieux où il s'étend, et protecteur de toutes les sectes et de tous les cultes. La formule de ses sermens, ses constitutions,

dans d'autres actes que le pape traite tout ce que Napoléon fait en matière religieuse, de piéges et d'embûches pour la religion. Il est évident pour qui sait lier les faits ensemble, que ceci était un parti pris depuis long-temps, et ce coup réservé pour le dénouement. Il ne

son code, ses lois, ses actes respirent en tout, au moins l'indifférentissime pour toutes les religions, sans en excepter la juive essentiellement ennemie implacable de Jésus-Christ; et ce système d'indifférentissime, qui ne suppose aucune religion, est ce qu'il y a de plus injurieux et de plus opposé à la religion catholique, apostolique et romaine; laquelle, parce qu'elle est divine, est nécessairement seule et unique, et par là même, on ne peut faire d'alliance avec aucune autre; de même que le Christ ne peut s'allier avec Bélial, la lumière avec les ténèbres, la vérité avec l'erreur, la vraie piété avec l'impiété. La protection jurée, et si vantée du souverain des Français pour tous les cultes, n'est autre chose qu'un prétexte et qu'une couleur pour autoriser la puissance séculière à s'immiscer dans les affaires spirituelles; puisqu'en montrant du respect pour toutes les sectes avec toutes leurs opinions, toutes leurs coutumes et toutes leurs superstitions, le gouvernement français ne respecte, en effet, aucun droit, aucune institution, aucune loi de la religion catholique. Sous une telle protection cependant se cache et se déguise la persécution la plus dangereuse et la plus 26

T. II.

« PreviousContinue »