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aimant qui attirait les secrets des autres du fond de leurs cœurs. M. le cardinal, comme

peu,

la

les gens qui raisonnent aimait les gros livres, et ne s'en faisait faute. Ce n'est pas 'centième fois que j'ai eu lieu de remarquer que le supplément ne valait pas le principal.

M. le cardinal Maury se serait, dans la commission, cru volontiers à l'Académie. It a fallu quelquefois le lui rappeler. Ce prélat possédait une vaste érudition en beaucoup de genres; mais la science ecclésiastique n'avait pas formé le fond de ses occupations.

Cette science se retrouvait dans toute son étendue auprès de M. le cardinal Caselli, et des prélats de Tours, de Nantes, de Verceil et de Trêves: il suffit de nommer M. Émery pour rappeler tous les genres de mérite ecclésiastique; esprit fin, varié, accessible à la raison, dépassant par son étendue les quatre murailles de Saint-Sulpice, entre lesquelles il avait passé sa vie; chef distingué dans un corps respectable, en ayant imposé même à Napoléon qui connaissait tout son valoir, et qui demandait souvent : qu'en pense, qu'en dit M. Émery? En 1811, Napoléon tint un

conseil privé sur les affaires du clergé; la commission y fut appelée: c'est là qu'il prit la résolution d'envoyer à Savone. Il se fit un plaisir de provoquer, d'agacer même M. Emery, et ils se séparerent fort satisfaits l'un de l'autre.

On ressentit vivement la perte de M. l'évêque de Verceil. C'était un prélat aussi éclairé qu'édifiant.

M. l'archevêque de Tours avait acquis, par des études de toute sa vie, un grand fonds de science ecclésiastique : il connaissait très-bien l'hisioire du clergé de France, dont il avait été agent, ainsi que la tradition, dont il avait fait une étude particulière. Peut-être en faisait-il un usage trop fréquent dans ses rédactions qui avaient fini par fatiguer Napoléon, qui lisait tout. On sent en effet que l'ange de l'École, le Mattre des sentences, le grand Ives de Chartres, tout vénérables qu'ils sont, ne pouvaient pas être fort à l'usage d'un jeune conquérant que tout portait à trouver ces noms-là bien nouveaux.

Mais où brillait le mérite ecclésiastiqué dans toute son étendue et dans toute sa pureté, c'était auprès des évêques de Nantes, de

Trêves et d'Évreux, réunion rare et respectable de tout ce qu'il y a de plus éclairé, de plus vertueux et de plus gracieux. A la tête paraissait M. l'évêque de Nantes, un des meilleurs esprits des temps modernes. Élève, docteur et professeur de Sorbonne, sa supériorité en tout genre mettait toujours cent places d'intervalle entre lui et celui qui le suivait immédiatement, oracle du conseil d'une société qui était elle-même l'oracle de la France ecclésiastique. Les sciences sacrées n'avaient plus de secrets pour lui; ses écrits sur les principales vérités du christianisme sont devenus classiques: judicieux et clair sa parole portait toujours sur le vrai; calme et méthodique, il donnait à tous les sujets l'air de la raison; modéré par caractère comme par réflexion, il usait des hommes et des choses comme ils sont, sans s'irriter de leurs défauts, ni se prévaloir de leurs forces; aussi bien placé dans le monde que sur sa chaire épiscopale ou doctorale. Avec des hommes de cet esprit dans les affaires, la paix régnerait éternellement sur la terre..

M. l'évêque de Nantes fût l'idole de son diocèse et l'oracle du clergé jusqu'à l'époque

du concile, où l'esprit de parti et de vertige ayant pénétré partout, dénaturé tout, versa beaucoup d'amertume sur les derniers jours de ce vénérable et savant prélat. Napoléon lui décerna un monument: celui-ci familier à-peu-près avec tout le monde, ne s'émancipa jamais à l'égard de M. l'évêque de Nantes, et souvent au milieu même des paroles peu mesurées qui suivaient ses emportemens, il lui est arrivé de dire à M. l'évêque de Nantes, ne croyez pas que ce soit pour vous que je parle.

Pour moi, placé au milieu d'hommes dont quelques uns avaient été mes maitres, et qui tous auraient pu le devenir, je n'avais qu'à profiter d'un rapprochement qui sous tous les rapports ne pouvait être plus heureux pour moi.

Je n'ai rien à dire du père Fontana, ne l'ayant pas connu. Les intérêts de la religion comme ceux du clergé ne pouvaient être confiés à de plus fidèles dépositaires; je fournirai bientôt la preuve qu'ils ont été fidèles à leurs devoirs.

Chaque profession a une espèce de langage à part, et qui la caractérise: ainsi les parle

mens, le barreau, le clergé, les ministres français protestans, et jusqu'aux réfugiés français ont chacun un style particulier et qui sent le terroir. Pour peu qu'on en ait l'habitude et que l'on y apporte attention, on les reconnait tout de suite.

Le clergé a toujours eu son langage à lui: on retrouve dans toutes les parties du travail de la commission le style grave, solemnel, nombreux, nourri des citations de l'écriture, des pères,et des auteurs ecclésiastiques, qui de tous temps a fait le fonds du langage du clergé de France. On pourrait attribuer les écrits de la commission au siécle de Louis XIV autant qu'à nos jours; qu'on les compare avec les procès-verbaux du clergé, et que l'on assigne

si l'on peut la différence

Le clergé a toujours parlé au prince avec le plus grand respect, et du pape avec la plus profonde vénération. Le même ton de révérence se retrouve encore dans les mémoires de la commission. Long-temps on crut que la commission était investie de pouvoirs, et que ses décisions seraient rendues publiques et proposées au reste du clergé.. Rien n'était moins fondé que cette opinion. Napoléon

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