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CONCLUSION.

CHAPITRE DERNIER.

Telles font les grandes vues qui ont donné l'idée & dicté le texte de l'Ordonnance de 1669.

C'est par une fuite de ces mêmes vues que le Légiflateur y eft extrêmement févere; parce qu'il s'agiffoit de couper par la racine des abus invétérés, enfans de la licence, & d'un efprit d'indépendance toujours contraire au bien de l'Etat.

C'est dans les mêmes principes que le Légiflateur a refferré cette administration, en la confiant à peu d'inftrumens, & qu'il a fixé, pour les délits en matiere d'Eaux & Forêts, une Jurifprudence fommaire & toute particuliere, feule propre à empêcher l'impunité.

Quelle autre principe pouvoit avoir le même Prince, qui en fixant en même tems, pour ainfi dire, les Loix du Code Civil & du Code Criminel, ne s'en eft effectivement pas écarté pour les matieres d'Eaux & Forêts? Sans fçavoir pourquoi, il étoit dans le principe d'établir dans le Royaume une entiere homogénité de Jurifprudence; mais a jugé qu'elle auroit des inconvéniens, étant appliquée aux matiéres d'Eaux & Forêts.

C'eft ce que fentoit parfaitement auffi un des plus illuftres Avocats Généraux du Parlement de Paris, fous le Régne de Louis XIV. lorfque parlant de ces matieres au Siége des Juges en dernier Ref fort, comme nous l'avons remarqué dans le cours de cet Ouvrage, il les nommoit des matieres fingulieres, & indiquoit par là qu'elles devoient & pouvoient raisonnablement être l'objet d'un ordre particulier de Jurifprudence...

Cette façon de penfer, toute folide qu'elle fût, parce qu'elle étoit puifée dans l'efprit de la chofe même, n'a cependant pas toujours prévalu. On l'a vu fouvent facrifiée à l'intérêt apparent d'obferver dans la pourfuite des délits les formes ordinaires de la Jurifprudence ou de la Procédure; & cet abus n'a pu provenir que réflexion & de méditation fur l'Ordonnance de 1669.

du

manque de

Si la voix de l'intérêt particulier s'eft élevée contre l'obfervation de l'Ordonnance de 1669, fon langage n'a pas été bien réfléchi Nous l'avons déja fait obferver dans le corps de notre Ouvrage, les droits de la propriété, la liberté de fon ufage font refpectables, mais doivent & peuvent, fans injuftice, être dirigés felon les vues du bien public. Le Législateur feul qui tient les rênes du Gouvernement,

peut

CHAPITRE DERNIER.

CONCLUSION.

peut décider de ce befoin & de ce rapport. Ainfi la fixation de l'âge de coupe des Bois des Particuliers, la réserve de baliveaux à y laiffer, ne font point des actes d'une autorité dont le joug soit pesant ni injufte.

Si plufieurs Tribunaux ont montré de la jalousie de l'attribution exclusive accordée fans restriction aux Officiers des Eaux & Forêts, leurs murmures bleffoient la fage prévoyance du Législateur qui avoit fenti que ce genre d'adminiftration, pour être folidement conduite, devoit réfider toute entiere dans la perfonne de gens qui en fuffent responsables au prix de leur honneur & même de leurs Charges, comme l'Ordonnance le prefcrivoit, dans des cas de prévarication. Si les Eccléfiaftiques ont voulu alléguer les priviléges de leur Etat pour fe fouftraire à cette Jurifdiction; fi les grands Seigneurs ont cru leur dignité intéreffée à ne pas s'y foumettre, font-ils entrés par-là dans les vues du bien public, ou plutôt ne s'en font-ils pas écartés? Car après tout, des Officiers Royaux font des gens dépofitaires d'une portion de l'autorité Royale. En cette qualité, ils font un objet de refpect pour tout le monde en ce qui regarde l'exercice du pouvoir qui leur a été confié;s'ils en abufent,les voyes font ouvertes pour les réprimer;& l'on doit convenir qu'en ce point l'Ordonnance de 1669 ne les a point ménagés. Par tout elle ordonne ou défend avec menace. Il feroit même à fouhaiter que depuis, dans les détails particuliers, on n'eût pas trop rabattu de cette févérité mais on n'a pas laiffé que de multiplier les graces, & la difette où nous fommes de futaye en eft une preuve. A moins qu'on ne veuille dire qu'elle provient de l'augmentation dans la confommation. Je ne dis pas que cette derniere caufe n'y foit pour quelque chofe; mais la premiere femble démontrée entr'autres par la coupe prématurée qui a été faite dans le cours de ce fiécle de prefque tous les quarts de réferve des Bois Eccléfiaftiques, qui pouvoient être regardés; comme une reffource à ménager, malgré les befoins perfonnels que les Eccléfiaftiques mourans laiffent ordinairement à leurs Succeffeurs, & qui font prefque toujours le motif des demandes de ceux-ci.

:

Les coupes de quarts de réferve ont été fouvent demandés auffi, pour être employés en conftructions de bâtimens inutiles & de fomptuofité; ce qui n'a pas été, comme nous l'avons fait remarquer dans Tome II,

Eee

CONCLUSION.

CHAPITRE DERNIER.

le corps de cet Ouvrage, l'intention du Légiflateur dans l'Ordonnance de 1669.

Nous devons encore faire observer, vis-à-vis des murmures injuftes dont cette Ordonnance a été l'objet, que par tout elle a ménagé les droits & les prérogatives des Hautes-Juftices. C'eft ce que nous voyons particulierement en ce qui regarde l'exercice de la Jurifdiction, les Ufages des Communautés, la Chaffe & la Pêche ; & en examinant bien l'Ordonnance de 1669 & fans prévention, on trouvera qu'elle n'en a retranché que ce dont l'ufage étoit abufif. Nous penfons donc que les Officiers des Eaux &Forêts ne peuvent s'attacher trop ftrictement à la lettre de cette Ordonnance. Ce qui n'exclut pas les ménagemens & les attentions que nous les exhortons à obferver dans la forme, à l'égard des gens diftingués & conftitués en dignité, dont il faut même convenir que la plupart ne pêchent que trompés par leurs Serviteurs ou Agens, & à qui alors il n'y a rien à reprocher quand ils les abandonnent à la Juftice. L'intention du Roi n'est point que l'on exerce fon autorité tiranniquement, ni d'une façon contraire aux égards dûs perfonnellement à certains états. Et en effet, il en eft une de faire obferver les Loix dont on eft dépofitaire, fans offenfer ceux qui en font l'objet, C'eft ce que le bon fens & l'ufage du monde peuvent apprendre aisément.

Nous n'avons pas befoin d'obferver que cette Ordonnance n'eft pas obfcure, ni contradictoire dans fes difpofitions, comme quelque gens, faute d'examen, l'ont prétendu; puifque le but de tout notre Ouvrage a été, non de diffiper fes obfcurités, ou d'accorder fes contradictions, mais de raffembler les autorités de différens fiécles qui ont fervi de guide aux rédacteurs de cette Ordonnance, & dont la connoiffance fuffit pour prouver que la faute eft aux Lecteurs qui l'ont jugée telle que nous venons de dire,

Comme l'Ordonnance de 1669 n'a pas pu tout prévoir, le Con feil a été obligé depuis d'y pourvoir par des Décifions particulieres, que les Officiers des Maîtrises doivent connoître pour s'y conformer exactement, & que chaque Maîtrise connoît effectivement en ce qui la regarde. Les Loix ne font pas applicables toures, & dans toute leur étendue, en tous lieux indiftinctement. Quelque foin que nous nous foyions donné, il a pû nous échapper beaucoup de ces de

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cifions particulieres. Aufli notre objet n'a-t-il point été de raffembler tout ce qui a pu être prononcé par le Confeil pour tous les différens Départemens. Nous aurions fait une Collection immenfe, qui n'au roit été que de peu d'utilité à chacune des Maîtrifes, qui, par la forme des enregiffremens, fe trouvent dépofitaires des originaux des Pieces que nous aurions raffemblées. Notre objet a été de nous renfermer dans le cercle des principes généraux en chaque matiere, & de les mettre dans le plus grand jour & dans le plus grand point de fimplicité qu'il nous a été poffible; perfuadé que tout Officier qui en aura conçu des idées nettes, & à qui il ne reftera plus qu'à connoître les Décifions particulieres au Reffort dans lequel il aura à travailler, fera en état de fervir utilement le Roi & le Public.

Les Jugemens aufquels il coopérera par fa voix, étant guidés par un efprit de principes affurés, feront bien moins expofés à l'appel & à être caffés. Ce qui ne contribuera pas peu à foutenir la considération des Tribunaux de premiere Inftance, & fera d'un avantage confidérable pour les Plaideurs de bonne foi, aufquels la refsource des voyes d'appel eft extrêmement à charge & couteufe.

Les occafions de caflations, même bien fondées, font fi fréquentes aujourd'hui, que cela eft regardé, pour ainfi dire, par les Tribunaux de premiere Inftance, comme chofe fort indifférente pour eux. Cette façon de penfer, peu louable en elle-même, paroit pouvoir conduire à un efprit de relâchement dans l'examen des affaires, très-contraire aux intérêts du Public. Il y a dans le Royaume des Tribunaux de premiere Inftance qui font, pour ainsi dire, en poffeffion & en réputation de mal juger. Le Public y a, avec raison, peu de confiance, & ç'a été quelquefois la feule raison que l'on ait eue de chercher à divertir & à porter ailleurs les affaires dont ces Tribunaux étoient réellement compétens.

Nous croyons devoir, dans les vues du bien public, exhorter ces Tribunaux peu exacts à le faire un objet & un point d'honneur de ne fe point expofer, par leur maniere de juger quant au fond des quef tions de Droit, & quant à la forme, à voir leurs Jugemens infirmés.

Nous penions affez bien des Tribunaux fupérieurs aufquels les ap-` pels font dévolus, pour être perfuadé qu'il fe verroient avec grand plaifir moins chargés d'affaires, & que leur premier mouvement eft un

CONCLUSION.

CHAPITRE DERNIER.

mouvement de commifération pour les Plaideurs de bonne foi, qui font obligés d'effuyer plufieurs degrés de Jurifdiction. Si la probité eft le premier attribut d'un Juge, les lumieres ne lui font pas moins né ceffaires; elles font le fruit de l'application & du travail; elles deviennent le bouclier des honnêtes gens, & le fléau des Plaideurs de mauvaise foi.

FIN.

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