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flexion (murmures), sans acception d'opinions particulières, toutes les mesures qui vous ont été présentées pour l'intérêt de la patrie. Je demande que vous acquittiez ce que vous devez à l'armée, en vous adressant directement à elle. Plusieurs de nos collègues ont préparé des adresses à cet effet ; j'invite l'assemblée à les entendre. »

M. Jay. Nous devons des tributs d'admiration, nous devons des consolations à l'armée : c'est par les efforts de nos braves que nous devons de n'avoir rien à craindre pour notre indépendance, car voilà tout ce que nous pouvons avoir maintenant. Avec votre permission, je vais donner lecture d'une adresse très-courte que vous adopterez si elle répond à vos sentimens.» (Lisez, lisez.) M. Jay donne lecture de cette adresse, et il ajoute :

. Comme il est impossible, après une simple lecture, que l'assemblée puisse: juger d'une adresse qui doit exprimer tous ses sentimens, je demande le renvoi à une commission, pour faire les changemens qui seraient jugés convenables.

M. le général Raymond. « Ceux même qui ont beaucoup vécu avec la troupe savent combien il est impossible qu'une seule personne se pénètre des formes. qui peuvent exciter les sentimens d'une armée ; j'appuie le renvoi à une commission, »

M. Dumolard. Deux grandes considérations doivent frapper l'assemblée. Nous devons un acte de reconnaissance aux guerriers morts au champ d'honneur, qui ont pu succomber, mais avec gloire, car jamais les Français n'ont été plus grands dans les combats. Nous devons des encouragemens à ceux qui restent, et qui sont disposés à donner un semblable exemple. Sous le premier rapport, je demande que, par une loi, qui sera rendue avec le concours de la Chambre des Pairs, vous donniez un de ces témoignages que rien n'a pu user, parce que la voix de la patrie ne se fait jamais entendre en vain. Je demande qu'il soit déclaré que les braves qui ont péri à Fleurus et à Mont-Saint-Jean ont bien mérité de la patrie. Je demande que le gouvernement soit chargé de vous faire connaitre l'état des familles de ces braves, et quels témoignages de la reconnaissance publique la patrie peut encore leur prodiguer. Sous ce second rapport, en reconnaissant tout le mérite qui se trouve dans l'adresse proposée par M. Jay, et combien elle contient de vues sages, je crois que sa rédaction doit être méditée. Jien demande le renvoi à une commission. (Appuyé, appuyé.)

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M. Garat. J'appuie la motion de notre collègue Dumolard, mais je crois qu'une adresse doit être encore autre chose que ce que fait exprimer à l'assem‹ blée ceile proposée par M. Jay. L'armée a acquis de nouvaux titres de gloire dans ces champs de bataille où sont tombés tant de milliers de braves. Ces traits doivent être recueillis, et peut-être devraient-ils seuls composer toute l'adresse. L'exemple est le plus bel encouragement que l'on puisse donner au soldat. Je voudrais qu'on n'en perdit aucun; que l'on consacrât ce mot d'un soldat, qui » dit: Je meurs et je ne me rends pas. Je demande que les généraux et les autres membres militaires de cette assemblée se réunissent pour les citer. » M. Pénières. « Le nom de l'officier quí a prononcé ces paroles ne doit point être ignoré : c'est le brave Cambronne. On lui dit de se rendre. « La garde, répondit-il, meurt et ne se rend pas. »

On demande de toutes parts le renvoi à une commission. Le renvoi est mis aux voix et ordonné.

La commission est composée des généraux Raymond, Mouton-Duvernet, et de MM. Jay, Garat et Dupont (de l'Eure).

Un membre. « Je demande à citer un trait qui honore l'armée. La garde im

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périale,'en quittant Paris et passant près des retranchemens de Paris, dit : « faudra bien que la garde nationale défende ces retranchemens, car nous ne reviendrons pas, où nous reviendrons vainqueurs. »

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M. Garnier (de Saintes). « Notre armée n'a rien perdu de son courage; elle cherche une position; elle ne compte pas les ennemis ; elle est toujours portée par un noble élan vers la gloire et la victoire. Mais il faut que cette attitude calme que la France a remarquée parmi vous se transporte au sein de l'armée. Je demande que cinq membres choisis dans cette assemblée se rendent parmi nos soldats, et que là ils fassent, au nom de la patrie, entendre ce vœu qui est le seul que nous puissions former, celui de l'indépendance nationale, ce vœu de toute la France, de ne point appartenir à un monarque qu'elle n'aura pas choisi. Quand l'armée saura quel est le centre autour duquel elle se rallie, et qu'elle sera réunie sous les murs de Paris, que l'ennemi se présente ! et il trouvera la force et le courage contre lesquels il a tant de fois échoué. Rappelez-vous ces temps où un seul représentant au milieu d'une armée électrisait tous les esprits. Nous irons aussi combattre dans les rangs : il y a encore dans Paris mille braves qui brûlent d'entrer en lice, et un grand nombre de nos collègues ont leurs fils qui n'attendent que le signal. Je demande que cinq membres pris dans l'assemblée se réunissent aux généraux et fassent connaître à l'armée vos proclamations.

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Quelques membres appuient cette proposition ; d'autres s'y opposent.

M. Durbach. «L'envoi de vos proclamations par des représentans du peuple est une mesure qui, présentée au gouvernement, a été goûtée par lui comme mesure de salut public. Je suis autorisé à l'annoncer à la Chambre.

» Je profite de cette circonstance pour donner connaissance à la Chambre d'une lettre écrite par le duc d'Otrante à lord Wellington. Beaucoup d'inquié tudes se sont manifestées ; elles ne sont point fondées. »

M. Durbach commence la lecture. On demande de toutes parts la date. Elle est du 27 au soir.

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AS. S. lord Wellington, général en chef de l'armée anglaise.

Mylord, vous venez d'agrandir votre nom par de nouvelles victoires remportées sur les Français. C'est donc par vous surtout que les Français sont connus et appréciés. Vous voterez pour leurs droits au milieu des puissances de l'Europe.

» Dans ce conseil de souverains, votre crédit et votre influence ne peuvent pas être moindres que votre gloire.

>> Les vœux des nations qui ne calomnient ni ne flattent ont fait connaître votre caractère. Dans toutes vos conquêtes, votre droit des gens a été la justice, et votre politique a paru la voix de votre conscience.

» Vous trouverez les demandes que nous faisons par nos plénipotentiaires conformes à la justice la plus rigoureuse.

» La nation française veut vivre sous un monarque. Elle vent aussi que ce monarque règne sous l'empire des lois.

» La république nous a fait connaître tout ce qu'ont de funeste les excès de la liberté; l'empire, tout ce qu'a de funeste l'excès du pouvoir. Notre vœu, et il est immuable, est de trouver à égale distance de ces excès l'indépendance, l'ordre et la paix de l'Europe.

» Tous les régards en France sont fixés sur la constitution de l'Angleterre ; nous ne prétendons pas être plus libres, nous ne consentirons pas à l'être moins. Les représentans du peuple français travaillent à son pacte social. Les pou

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voirs seront séparés, mais non divisés. C'est de leur séparation même qu'on veut faire naître leur harmonie.

»Dès que ce traité aura reçu la signature du souverain qui sera appelé à gouverner la France, ce souverain recevra le sceptre et la couronne des mains de la nation. » Dans l'état actuel des lumières de l'Europe, un des plus grands malheurs du genre humain, ce sont les divisions de la France et de l'Angleterre ; unissons-nous pour le bonheur du monde.

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Mylord, nul homme en ce moment ne peut aussi puissamment 'que vous concourir à mettre l'humanité tout entière sous un meilleur génie et dans une meilleure condition.

Je prie votre seigneurie d'agréer l'assurance de ma plus haute considération. Le président du gouvernement. » Le duc d'OTRANTE.

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Plusieurs voix demandent l'impression, d'autres s'y opposent. On réclame une seconde lecture: elle est faite immédiatement.

M. Durbach continue : « De doubles négociations ont lieu dans ce moment, les unes au quartier-général des puissances alliées, les autres pour régler un armistice. Le noyau de vos forces est à Soissons; Paris n'en est pas dépourva ; Vous avez des troupes de ligne, des dépôts, les fédérés qui vous ont offert leurs bras, une grande partie de la garde nationale qui demande à marcher, les nombreux bataillons de tirailleurs de cette garde. Ce sont des forces assez imposantes pour déterminer l'ennemi à un armistice, et pour appuyer vos négociations.

> Toutefois, messieurs, quand on parle de la défense de Paris, il ne peut être question de son enceinte intérieure, et de livrer une capitale aux suites d'une attaque de vive force et d'un combat livré dans ses murs. Il s'agit d'en défendre les approches avec vigueur, et de voir si en effet l'ennemi est de bonne foi dans sa promesse de respecter les droits des peuples et l'indépendance des nations; tout en prenant une attitude convenable à nos ressources, à nos moyens, il sera réglé, je l'espère, à la satisfaction et à la gloire du peuple français.

M. le général Sorbier. « Collègues, vous avez rempli le vœu des amis de la patrie en déclarant que les braves qui ont combattu, que ceux qui sont morts pour la défense commune avaient des droits sacrés à la reconnaissance natiomale; mais il est un objet plus important pour l'armée, c'est de lui donner la garantie qu'elle réclame, c'est de dire à l'armée quel est le souverain qui peut être un jour appelé à nous gouverner........ » (Des murmures interrompus.)

M. Pénières. « La garantie est dans la patrie et la liberté.... » Une agitation violente règne dans l'assemblée. M. le président ramène le silence. L'ordre du jour est adopté.,

M. Dumolard ramène l'assemblée à l'idée de s'occuper dans les bureaux du projet sur l'emprunt.

Le président. La chose est d'autant plus urgente, que je reçois de nombreuses pétitions que je me suis empressé de présenter au gouvernement. Des levées arbitraires de contributions ont eu lieu : ici un général a fait la levée d'un million, ici un préfet a demandé quatre cent cinquante mille francs. Certes, le gouvernement n'est pas disposé à souffrir de tels abus, et je ne veux pas vous en occuper; mais cela vous démontre la nécessité de vous occuper sans délai du projet de finances. » .

M. Lefebvre. « Je demande que les bureaux se réunissent pour nommer leur rapporteur sur le projet de finances.»—La proposition est adoptée.—La Chambre se forme en bureaux. A cinq heures la séance est reprise.

La commission de gouvernement adresse un message pour lequel elle demande que la Chambre se forme en comité secret.

La Chambre arrête qu'elle va se former en comité secret.

M. Dumolard propose d'entendre auparavant le projet de l'adresse à l'armée, présenté par la commission spéciale.

Cette adresse est lue par un des membres de la commission.

En voici le texte :

« A l'armée française, la Chambre des Représentans.

» Braves soldats, un grand revers a dû vous étonner et non vous abattre. La patrie a besoin de votre constance et de votre courage, elle vous a confié le dépôt de la gloire nationale : vous répondrez au noble appel de la patrie.

Des plénipotentiaires ont été envoyés aux puissances alliées. Ils sont chargés de traiter au nom du peuple français à des conditions honorables, qui garantissent l'indépendance nationale, l'intégrité de notre territoire, la liberté publique et la paix de l'Europe.

» Le succès des négociations dépend de vous. Serrez-vous autour du drapeau tricolore, consacré par la gloire et par le vœu national,

» Nous admirons, nos ennemis eux-mêmes ont admiré votre héroïsme. Nous avons des espérances à vous offrir. Tous les services seront connus et récompensés. Les noms des braves morts au champ d'honneur vivront dans nos fastes. La patrie adopte leurs femmes et leurs enfans.

» Ralliez-vous à la voix de vos dignes chefs et du gouvernement. Associés à vos intérêts, vous nous verrez, s'il le faut, dans vos rangs; vous prouverez au monde que vingt-cinq années de sacrifices et de gloire ne peuvent être perdues. Nous prouverons qu'un peuple qui veut être libre garde sa liberté.. » projet d'adresse est adopté à l'unanimité.

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M. Garnier (de Saintes). « Avant de nous former en comité secret, je deande que la Chambre, qui sa déclaré la permanence, soit permanente en effet. Nos soldats sont sous les armes ; nos lits et notre camp doivent être ici....» Une foule de membres appuient la proposition.

M. Regnault de Saint-Jean-d'Angély. « Je demande, avant que la Chambre se forme en comité secret, que vous fassiez connaître que la séance ne sera pas levée, que vous restez en permanence, et que vous reprendrez votre séance aussitôt après la lecture des communications qui doivent être entendues ce soir. »

La Chambre se forme en comité secret. C'était pour entendre lire un message du gouvernement qui proposait de déclarer Paris en état de siége,

Une heure après, la séance est reprise, et M. le président donne lecture de la délibération ci-après :

La Chambre des Représentans, délibérant sur la proposition qui lui est faite par la commission de gouvernement de déclarer que la ville de Paris est en état de siége, toutefois les autorités civiles conservant l'exercice de leurs fonctions, déclare qu'elle adopte cette proposition, et prend en conséquence la résolution suivante.» (Voyez plus bas, art. Paris.)-On demande l'appel nominal. M. Mouton-Duvernet. « Je renouvelle la proposition d'envoyer à l'armée des représentans du peuple pour leur porter votre adresse, sur la certitude qu'elle y produira le plus grand effet, étant présentée par eux et appuyée de leur exhortation patriotique. L'armée a une confiance entière dans les représentans du peuple; elle a besoin de les voir; elle aura confiance en tout će qu'ils lui diront

en votre nom, Vous êtes les pères de la patrie : les fils de la patrie vous accueilleront et entendront votre voix. Je demande en outre qu'il soit donné communication de cette disposition au gouvernement. » L'assemblée adopte cette proposition.

Le bureau est chargé de présenter les noms des commissaires, au nombre de six.

Un membre demande que les représentans paraissent à l'armée revêtus de leur écharpe tricolore. Cette proposition est adoptée unanimement.

M. Dumolard, au nom du bureau, annonce qu'il s'élève une difficulté. Le bureau pense que la députation à l'armée aurait plus de caractère et de solennité si elle était votée à la fois par les deux Chambres et mise à exécution par elles, tel nombre de la part d'une Chambre, et tel nombre de la part de l'au

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Un membre. « Ce n'est point ici une loi, une disposition sujette à être envoyée à la Chambre des Pairs; c'est l'expression de nos sentimens. »

M. Dumolard. « J'ai fait part du scrupule du bureau; c'est à l'assemblée à décider. »

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M.. Garreau. « Si vous délibériez en ce sens, il faudrait envoyer l'adresse à la Chambre des Pairs, la lui soumettre, ainsi que votre décision, et l'on perdrait un temps précieux. »

M. Arnaud. « On peut tout concilier; ne faites point de votre détermination l'objet d'une délibération dans les formes ordinaires. Sans doute une délibération n'est pas complète, si les deux Chambres n'y concourent; mais ici ce n'est pas une résolution, c'est une disposition qui exprime les sentimens dont vous êtes tous animés. Cependant, pour ne pas laisser douter un moment que vous êtes bien persuadés que votre sentiment est unanimement partagé par la Chambre des Pairs, je demande que vous vous borniez à lui donner communication, ainsi qu'au gouvernement, de la mesure que vous venez de prendre.>> Cette proposition est adoptée.

Le bureau propose et la Chambre nomme commissaires à l'armée : le général Dumoustier, le général Pouget, La Guette de Mornay, Jay et Arnaud.

On procède à l'appel nominal sur le projet de loi qui met Paris en état de siége. En voici le résultat :

Sur 345 votans, il y a 332 boules blanches et 13 noires.

La résolution est adoptée et envoyée à la Chambre des Pairs.

suspend sa séance jusqu'à neuf heures du soir.

La Chambre se réunit de nouveau à neuf heures.

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M. le président annonce qu'il n'a rien à lui communiqeur de la part du gouvernement; que la commission de constitution s'occupe sans relâche du travail dont elle est chargée. Les bureaux se formeront demain à neuf heures du matin. La séance est continuée à demain midi.

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CHAMBRE DES PAIRS. - Séance du 28 juin 1815.

Le prince archi-chancelier ouvre la séance à deux heures trois quarts.
Le procès-verbal est lu et adopté.

M. le comte Thibaudeau donne lecture d'un premiér message de la Chambre des Représentans, qui, en renvoyant le projet de loi relatif aux mesures à prendre pour assurer la tranquillité publique, déclare qu'elle n'a pu adopter la première partie de l'amendement proposé par la Chambre des Pairs, qui réservait le droit de mandat de mise en surveillance et d'arrestation aux magistrats à qui la loi l'avait déjà conféré.

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