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s'en fit un mérite. Ce même homme fut plus tard rédacteur en chef du Drapeau blanc.

Chambre des Représentans. — Séance du 29 juin.

La séance est ouverte à deux heures moins un quart.

Le président. Messieurs, votre commission de Constitution s'est rassemblée ce matin, et a arrêté qu'il vous serait incessamment présenté un projet de Constitution, dont elle a adopté presque tous les articles: ceux qu'elle a encore à discuter pourront être adoptés dans la journée. L'assemblée est-elle d'avis que le projet soit imprimé ?

La Chambre exprime son vœu affirmativement.
M. Merlin paraît à la tribune.

Messieurs, dit-il, j'ai à vous communiquer un fait que vous jugerez sans doute important, et pour n'en point altérer les détails, j'ai cru devoir le fixer dans l'écrit dont je vais vous donner lecture.

>> Cette nuit, à une heure, deux hommes, se disant envoyés par le président de la commission de gouvernement, se sont présentés à ma porte avec une voituré pour me conduire au palais des Tuileries. Mon portier avait l'ordre formel de n'ouvrir la nuit à qui que ce fût, et de se borner à prendre par la fenêtre de sa loge les lettres de convocation qui pourraient m'arriver de la part du gouvernement, et il s'y est conformé strictement cette nuit. En conséquence, j'ai été éveillé sur-le-champ, et avèrti que le gouvernement me demandait.

» Pendant que je faisais mes dispositions pour m'habiller, ma femme, informée que l'on m'avait amené une voiture, soupçonna qu'un mode de convocation aussi insolite cachait quelque piége; et elle se confirma dans ses soupçons en se rappelant qu'elle avait appris le soir, vers onze heures, que la commission de gouvernement s'était séparée à neuf heures et ne s'assemblerait qu'aujourd'hui à neuf heures du matin. Frappée de ces idées, elle descendit, et fat fort étonnée, en ouvrant la fenêtre du portier, de voir deux hommes dans la voiture, tandis que les lettres de convocation pour le conseil d'état et le conseil des ministres sont constamment apportées par un simple facteur de la poste du gouvernement. Elle demanda à ces deux bommes s'ils avaient pour moi une lettre de convocalion. Ils répondirent qu'ils étaient porteurs d'une lettre du dục d'Otrante, et l'un d'eux montra un papier plié en forme de lettre, mais sans vouloir s'en dessaisir, ni-même en laisser prendre lecture. Ma femme, voyant alors à quels gens elle avait affaire, leur dit que je n'étais pas rentré hier soir à l'issue de la séance de la Chambre des Représentans, et qu'elle ignorait où j'étais allé passer la nuit. Ils insistèrent quelques momens, et partirent enfin en annonçant qu'ils reviendraient ce qu'ils n'ont pas fait.

Je n'ai pas besoin de vous faire remarquer que tout cela porte évidemment le caractère d'une tentative d'enlèvement de ma personne, et probablement d'un attentat encore plus grave.

» Je ne vous en aurais pas entretenus, messieurs, si je n'y avais été fortement invité par un grand nombre de nos collègues, qui ont vu dans un fait, qui en soi m'est personnel, le commencement de l'exécution d'un complot beaucoup plus vaste. »

On demandé le renvoi de l'exposé de M. Merlin à la commission de gouvernement.

Un membre. « Ne faudrait-il pas s'assurer si la commission de gouvernement avait donné des ordres? »

M. Boulay de la Meurthe engage l'assemblée à ne pas prendre de décision pré

315 cipitée. « Il est possible, dit-il, que la circonstance dont on vous a fait part soit tout-à-fait innocente; et ce qui me le ferait présumer, c'est que cette nuit même j'ai été convoqué par la commission de gouvernement, et absolument de la même manière qui a été exprimée par notre collègue. Deux personnes sont venues chez moi; elles ont été introduites, et m'ont remis une lettre de convocation qui m'avait été adressée, parce qu'elle n'avait pas été reçue chez M. Merlin. Il importe que la vérité bien connue affaiblisse les impressions qui pourraient naître de cette circonstance. J'invite donc l'assemblée à suspendre son jugement. »

M. Merlin. « J'ignorais absolument le fait dont M. Boulay vient de rendre compte à l'assemblée. Je ne l'aurais pas entretenue de celui qui me concerne, si plusieurs de mes collègues, et entre autres M. Regnault de Saint-Jean-d'Angély, qui a trouvé comme moi ce genre de convocation tout-à-fait insolite, n'avaient pas jugé que je devais en faire la déclaration à la Chambre. D'après l'observation de M. Boulay, je pense moi-même qu'il est inutile de donner suite à cet incident. »

M. Lantrac du Gers. Messieurs, vous avez voté une adresse à l'armée, ne croirez-vous pas devoir voter aussi une adresse au peuple, de qui émanent tous les pouvoirs institués pour veiller à ses intérêts? Le midi de la France est agité, et déjà le sang a coulé dans le Gers. Je pense qu'il serait urgent de faire entendre à tous les Français, principalement à ceux qui habitent les départemens les plus éloignés de vous, des paroles d'encouragement, d'espérance et de conciliation. Leur confiance repose sur les représentans qu'ils ont choisis, ils attendent de vous leur sécurité, ils voient en vous les appuis de leurs sentimens politiques et les protecteurs de leurs droits.

Cette proposition est appuyée.

On demande la lecture du projet d'adresse.

Un membre. « Il faut savoir d'abord s'il y a une adresse.»

N.....« Nous sommes absolument dans la même position avec le peuple qu'avec l'armée. Nous avons voté une adresse qui exprime à l'armée les sentimens dont nous sommes animés; nous devons exprimer au peuple les mêmes sentimens, et lui dire que ses représentans sont unanimement décidés à conserver intact le dépôt de la liberté publique. »

M. Cambon. « Nous avons entendu hier la lecture de l'adresse de notre collègue Jay. Je demande que vous entendiez également la lecture de celle qui vous est proposée. »

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M. Garnier (de Saintes). « Je suis de l'avis de l'adresse, mais je m'oppose à une lecture préalable avant le renvoi à une commission; il est dans un projet isolément présenté telle expression qui pourrait exciter dans l'assemblée des discussions qui ne seraient pas sans inconvéniens. Si le projet est bon, la commission l'adoptera.

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M. Durbach insiste pour que l'article soit lu.

M. Solignac. Je crois qu'il est prudent, sage, conforme aux intérêts de la chose publique et à la considération dont cette Chambre doit jouir, de ne point entendre le projet d'adresse. Il est bien plus simple de le renvoyer à une commission, dont l'auteur de l'adresse fera partie. Il est évident que si nous entendons lire des projets de cette nature, avec les meilleures intentions du monde, il pourrait s'y trouver des idées ou des expressions sur lesquelles l'assemblée ne pourrait se prononcer sans des inconvéniens grayes. Je demande la formation d'une commission de cinq membres chargée de présenter un projet d'adresse, et que l'auteur de la présente soit membre de la commission.

La proposition de M. Solignac est adoptée à une très-grande majorité. Le bureau propose MM. Lantrac, Manuel, Vimar, Ramon, Jacotot. L'assemblée agrée le choix.

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Le président convoque la commission des neuf membres chargés de s'occuper de la Constitution, et propose à l'assemblée de suspendre la séance et de se réunir dans ses bureaux en attendant un message du gouvernement et le rapport de sa commission.

A cinq heures la séance est reprise.

Le président. « Vous apprendrez avec plaisir que la commission des neuf a terminé son travail sur la Constitution, qu'il est livré à l'impression, et sera distribué demain. »

Le président donne lecture d'un message du gouvernement conçu en ces termes :

Paris, 29 juin 1815.-M. le président, les commissaires des deux Chambres envoyés près l'armée de Paris ne devant voir les troupes que ce soir à six heures, après qu'elles auront pris position et seront rafraichies, la commission du gouvernement attend le rapport de MM. les commissaires pour faire un message aux Chambres; nous espérons qu'il aura lieu ce soir entre dix et onze heures. » Agréez, monsieur le président, l'assurance de ma' plus haute considération. » Le président de la commission de gouvernement, Signé le duc d'OTRANTE. » M. Lantrac. « Votre commission chargée du projet d'adresse m'a chargé de vous dire qu'elle se proposait de vous présenter son projet en même temps que la commission des neuf vous présentera son projet de Constitution. »

La Chambre suspend sa séance et s'ajourne à ce soir, dix heures.-La séance suspendue à cinq heures est reprise à dix. Le président fait donner communication à la Chambre du message suivant, adressé par la commission de gouvernement, et des pièces qui l'accompagnent.

« M. le président, la commission de gouvernement n'a pas perdu de vue un instant que Napoléon, par suite de son abdication, se trouve placé sous la sauvegarde de l'honneur français.

«Son premier soin a été de demander aux généraux ennemis des sauf-conduits pour la sûreté de sa personne.

» Le 25 juin, Napoléon a demandé que deux frégates fussent mises à sa disposition.

» La commission a sur-le-champ autorisé le ministre de la marine à armer ces deux frégates. Le lieutenant-général Béker a été chargé de pourvoir à la sûreté de la personne de Napoléon pendant sa route, et tous les ordres nécessaires ont été donnés pour assurer le service des relais.

› Cependant, hier 28, Napoléon n'était pas encore parti; le sauf-conduit n'arrivant pas. L'approche de l'ennemi donnant de vives inquiétudes sur la sûreté de Napoléon, la crainte d'un mouvement de l'intérieur ajoutant encore à ces inquiétudes, la commission s'est décidée à presser de nouveau le départ de Napoléon, et les ordres les plus positifs ont été donnés au ministre de la marine. Ce dernier a été envoyé près de lui avec le comte Boulay.

» La Chambre verra par la copie ci-jointe de la réponse de lord Wellington qu'il ne s'est pas cru autorisé à donner les sauf-conduits demandés, et que la commission a rempli un de ses devoirs les plus sacrés en faisant partir Napoléon.

» La commission de gouvernement informe la Chambre que Napoléon est parti à quatre heures, comme le prouve la lettre ci-jointe du général Béker.

» La commission invite la Chambre à s'occuper de son sort et de celui de sa famille.

» Agréez, monsieur le président, l'assurance de ma plus haute considération. Signé le duc D'OTRANTE. - Paris, le 29 juin 1815. »

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Copie de la lettre écrite à M. le comte Bignon. · Au quartier-général le 28 juin.

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<< Monsieur le comte, j'ai eu l'honneur de recevoir la lettre de V. Exc., en date du 25.

» J'ai déjà écrit à MM. les commissaires nommés pour traiter de la paix avec les puissances alliées, sur la proposition d'une suspension d'hostilités, une réponse que V. Exc. a vue, et je n'ai rien à y ajouter.

>> Pour ce qui regarde un passeport et sauf-conduit pour Napoléon Bonaparte pour passer aux États-Unis d'Amérique, je dois prévenir V. Exc. que je n'ai aucune autorité de mon gouvernement pour donner une réponse quelconque sur cette demande.

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J'ai l'honneur d'être avec la considération la plus distinguée, monsieur le comte, de V. Exc., le très-obéissant serviteur, Signė WELLINGTON. »

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« Monseigneur, j'ai l'honneur d'annoncer à la commission de gouvernement que l'empereur va monter en voiture pour se rendre à sa destination, en faisant des vœux pour le rétablissement de la paix et de la prospérité de la France.

» Daignez, monseigneur, agréer l'hommage du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être votre très-humble et très-obéissant, serviteur. Signé le général comte BEKER. >>

M.. le général Solignac. « Je demande que la Chambre veuille bien ordonner le renvoi du message qu'elle vient d'entendre et des pièces qui l'accompagnent à une commission spéciale pour lui en faire son rapport.»-Cette proposition est adoptée.

M. le président annonce que la commission des neuf a achevé son travail sur la Constitution. Ce travail sera imprimé et distribué demain à l'assemblée réunie dans ses bureaux à dix heures.

Chambre des Pairs.

-

Suite de la séance du 28 au soir.

A minuit la séance est rendue publique. Il n'est donné aucun résultat du comité secret. Seulement il est ordonné que le message du gouvernement sur lequel il a été délibéré sera déposé aux archives.

Un message du gouvernement invite MM. les pairs qui sont nommés commissaires pour porter l'adresse à l'armée à se réunir demain matin, au palais des Tuileries, aux commissaires nommés par la Chambre des Représentans.

La séance est levée à minuit un quart et remise demain à dix heures du matin.- La séance du 29 ne fut occupée que par les communications du gouvernement que l'on a trouvées dans la séance des Représentans.

PARIS.

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- Le préfet de la Seine et le corps municipal aux habitans de Paris. << Parisiens! Au milieu des grands événemens qui agitent maintenant la capitale, le premier devoir de la magistrature municipale est de vous éclairer sur la conduite que vous devez tenir.

» Ce n'est pas vous qui êtes appelés à prononcer sur les grands intérêts de la nation; défiez-vous donc de tous ceux qui pourraient vous conseiller de prendre

une part trop active à de hautes déterminations dans lesquelles votre concours ne saurait être utile. Si votre zèle, bien dirigé, ne peut, dans cette importante circonstance, produire aucun avantage à votre patrie, que voudriez-vous espé'rer d'une coopération qui pourrait ne pas conduire à des résultats conformes à vos intentions, qui détruirait peut-être ce que vous croiriez édifier, qui sèmerait dans le sein de votre ville des troubles et dès malheurs? Ce n'est, au contraire que par une conduite sage qu'il vous sera possible de les éviter.

» Votre devoir, d'accord avec vos plus chers intérêts, vous commande de ne pas vous diviser : c'est par l'union dont vous avez jusqu'à présent donné l'exemple, que vous assurerez l'existence de vos familles, de vos personnes, de vos propriétés.

-» Les troupes étrangères ne sont pas loin de la capitale ; elles pourraient, d'un instant à l'autre paraître sous vos murs. Que cet événement ne vous intimide pas; le pouvoir national est là: il écartera les maux que vous auriez à redouter.

Quant à vous, Parisiens, évitez tout ce qui tendrait à troubler l'ordre qui règne parmi vous; évitez les rassemblemens; évitez ces cris, quels qu'ils soient, qui, s'ils flattent les vœux des uns, excitent en même temps les passions des autres. Que votre brave garde nationale continue de faire avec autant de zèle que par le passé le service utile dont elle s'acquitte si bien, qui lui mérite tous les éloges, et qui peut si puissamment contribuer au maintien de la tranquillité. publique.

» Vos magistrats municipaux, pénétrés de leurs devoirs, veillent aussi pour vous. Vos intérêts sont les leurs; ils ne sauraient avoir d'autres espérances que les vôtres. Pour prix du zèle qui les anime, ils ne vous demandent que de peser leurs conseils, certains qu'ils sont que vous vous empresserez ensuite de vous ▼ rattacher.

Délibéré en corps municipal, à Paris, ce 29 juin 1815. Le préfet du département de la Seine, signé comte DE BONDY. Par le préfet, le secrétairegénéral de la préfecture, signé BESSON.

Le 29 au matin, l'armée venant de Belgique était réunie dans les lignes devant Paris. Des troupes tirées des dépôts en portaient la force à soixante-dix mille hommes. Davoust en prit le commandement en chef. L'armée prussienne se trouvait aussi devant Paris, forte seulement de soixante mille hommes, et à plus de dix lieues de l'armée de Wellington, dont les avant-gardes n'étaient encore qu'à Senlis. Sans doute, si Blücher n'avait pas compté sur les intelligences avec le gouvernement, il n'eût point commis l'imprudence de s'avancer avec si peu de troupes; en effet, une attaque vigoureuse eût pu anéantir le corps qu'il commandait. Dans la nuit, pour âter l'armée française, le général prussien avait fait attaquer le village d'Aubervilliers, placé en avant des lignes fortifiées et que tenait un bataillon d'avantgarde. Il y éprouva une vive résistance, y perdit du monde, sans pouvoir entamer le bataillon français, qui se retira en bon ordre derrière le canal. Dans la journée du 29, les Prussiens furent inquiétés par une nuée de tirailleurs qui leur tuèrent des hom

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