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partiennent à tous les peuples; que la jouissance lui en est assurée par les Constitutions qu'elle a librement acceptées en 1791, en l'an iti et l'an vini; que là Charte constitutionnelle dé 1814 n'est que le développement des principes sur lesquels ces constitutions étaient basées, et son application au système qui s'est établi à cette époque;

Considérant que, depuis 1791, tous les gouvernemens qui ont méconnu les droits de la nation ont été renversés, et que nul gouvernement ne peut plus se soutenir en France qu'en suivant très-exactement la ligne des principes constitutionnels;

Que Bonaparte les avait tous méconnus et violės, au mépris des sermens les plus solennels et les plus sacrés ;

Que, contre l'honneur et l'intérêt de la nation, il avait entrepris les guerres les plus injustes, et sacrifié, pour les soutenir, toutes les ressources de l'état en hommes et en argent, enlevé à toutes les familles tout espoir de régénération, aux sciences, aux arts toutes leurs ressources;

Considérant qu'après avoir fait périr dans les neiges de la Russie la plus belle armée qui ait jamais existé, après avoir sacrifie, pour la campagne de 1813, tout ce qui nous restait de moyens de défense, et avoir mis la nation française dans la position la plus fâcheuse où elle se soit jamais trouvée, il refusa de renoncer aux pouvoirs qu'il avait usurpés, et de reconnaître les droits de la nation, qui lui offrait encore à cette condition, par l'organe de ses représentans, de le tirer de l'extrême embarras où il s'était mis;

Considérant que, par l'effet de son obstination, le territoire français a été envahi en 1814 par des armées innombrables; que la France a été livrée à toutes les horreurs de la guerre; que, dans ces circonstances malheureuses, il fut du devoir des représentans de la nation de déclarer déchu de tout droit à la gouverner celui qui l'avait plongée dans un abîme de calamités affreuses;

Que Bonaparte reconnut alors lui-même qu'il s'était rendu indigne de la confiance de la nation, et abdiqua, pour lui et ses enfans, tout droit à la couronne de France;

Qu'un vœu général et spontané rappela sur le trône une famille que la France était accoutumé de vénérer, et un prince qui, à l'époque de notre régénération, avait puissamment secondé les efforts que son auguste frère avait faits pour opérer cette régénération;

Considérant que le serment prêté il y a deux jours par Louis XVIII et par son auguste frère, de maintenir inviolablement la Charte constitutionnelle, assure à la nation la jouissance pleine et entière de ses droits, et fait cesser toutes les craintes qu'on aurait pour l'avenir;

Considérant que, lorsque la patrie est en danger, tous les citoyens se doivent à sa défense,

Prend la résolution suivante, qu'elle supplie le roi de convertir immédiatement en projet de loi :

Projet de résolution, par M. le général Augier.

La guerre contre Bonaparte est déclarée guerre nationale.

Tous les Français sont appelés à prendre les armes contre l'ennemi commun. Tous les jeunes gens non mariés faisant partie de la garde nationale, tous les employés dans les ministères et dans les administrations qui marcheront à fa voix de l'honneur et de la patrie, conserveront leur traitement outre la solde affectée, et reprendront leur place à leur retour.

Il sera frappé une médaille dont seront décorés tous les militaires et tous les

citoyens qui auront combattu dans cette campagne pour la patrie, le roi et la liberté publique.

Tous discours tenus dans les réunions, ou lieux publics, tous placards ou autres écrits qui auraient pour objet de porter atteinte à l'irrévocabilité que la Charte constitutionnelle garantit pour la vente des biens nationaux, ou d'inspirer des craintes et des inquiétudes aux acquéreurs et possesseurs de ces biens, ou enfin de provoquer le rétablissement des droits féodaux, de la dîme et des rentes seigneurales, seront considérés comme attentats ou complots tendans à exciter la guerre civile entre les citoyens.

En conséquence, les auteurs et complices de ces discours, placards ou écrits, seront punis de la peine de réclusion. Si les coupables ou complices sont fonctionnaires publics, la peine du bannissement sera prononcée contre eux.-

Tout citoyen, quel que soit son état, qui serait actuellement engagé dans la révolte, et qui, dans le délai de quatre jours après la publication de la présente, ferait sa déclaration de repentir, et renouvellerait son serment de fidé lité devant une autorité publique, rentrera dans ses grades, places, litres et pensions.

Il sera pris, dans le budget de 1815, des moyens pour assurer des indemnités aux militaires qui ont perdu leurs dotations.

Revenons maintenant à ce qui se passa. Le jour même de la seance royale on afficha une proclamation du conseil municipal qui appelait les citoyens aux armes. Les légions de la garde nationale furent réunies dans leurs quartiers. A la sortie de la séance, le comte d'Artois alla les passer en revue. On avait invité à sortir des rangs ceux qui voudraient prendre parti pour la cause royale; on comptait sans doute sur un mouvement d'enthousiasme et d'entraînement, mais la garde nationale resta froide; elle cria fort peu; quelques hommes, la plupart ivres, sortirent des rangs, mais en si petit nombre, que tout Paris ne fournit pas assez de monde pour garnir les cadres de deux compagnies. Cependant quelques centaines de volontaires royaux s'étaient réunis. Ils parcouraient les rues par bandes, promenant un drapeau blanc, criant: Vive le roi! mais n'exeitant aucune sympathie. Leur jeunesse faisait en général pitié; c'étaient la plupart des étudians en droit; leur costume paraissait ridicule; ils avaient pour la plupart, pour tout uniforme, un chapeau à la Henri IV orné d'un panache blanc.

Le 18, le roi adressa à l'armée une proclamation ayant pour titre: Leroi à l'armée française. Il lui disait qu'il avait répondu de sa fidélité à la France; qu'elle ne démentirait par son roi; qu'il plaignait les soldats égarés, et qu'il était prêt à oublier leur er

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reur. En même temps, le 17, le général Maison annonçait qu'à compter de ce jour tous le corps se regardaient comme en campagne, et que le 18 commencerait le mouvement en avant contre l'ennemi. En même temps on faisait des largesses dans les casernes; mais les troupes dissimulaient à peine leurs mauvaises dispositions.

Les journaux disaient que « l'audacieux usurpateur ne met> trait jamais le pied dans Paris, et que bientôt abandonné de › tout le monde, il se retrouverait dans la solitude qui attend les ⚫ tyrans délaissés par la fortune. »

En même temps, le bruit se repandait que les royalistes avaient le projet d'anéantir la Charte, de donner la dictature au comte d'Artois, d'établir des tribunaux extraordinaires, en un mot, de faire une petite Saint-Barthélemy. On donnait comme certain que Blacas avait remis à Bourienne une liste de vingt-cinq personnages à arrêter. Ces bruits étaient sans doute sans fondement; de tels projets n'étaient ni raisonnables ni opportuns. Néanmoins ils se propagèrent et firent désirer à beaucoup de gens l'arrivée de Bonaparte. Un fait servait de base à ces discours. Quelques jours auparavant la police s'était présentée à l'hôtel de Fouché, pour arrêter ce personnage. Il avait réussi à s'échapper, et depuis il se tenait caché.

Marche de Napoléon. L'empereur traversait Autun le 15, Avallon le 16, Auxerre le 17, où il fut rejoint par le maréchal Ney. Le 19, il se mit en route pour Fontainebleau.

Paris, le 19. On publia que Lyon avait repris la cocarde blanche; que le quartier-général du duc de Berry serait le lendemain à Villejuif. En effet, Marmont, passa en revue la maison du roi; mais au lieu de la porter sur la route de Fontainebleau, on la dirigea sur celle de Beauvais, pour protéger la retraite du roi et des princes qui quittèrent les Tuileries dans la nuit du 19 au 20, à une heure du matin. — Le lendemain matin, 20 mars, le Moniteur contenait la proclamation suivante signée dans la nuit:

Proclamation royale.

« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux les pairs de France et les députés des départemens..

>> La divine Providence, qui nous a rappelés au trône de nos pères, permet aujourd'hui que ce trône soit ébranlé par la défection d'une partie de la force armée qui avait juré de le défendre. Nous pourrions profiter des dispositions fidèles et patriotiques de l'immense majorité des habitans de Paris pour en disputer l'entrée aux rebelles; mais nous frémissons des malheurs de tout genre qu'un combat dans ses murs attirerait sur les habitans.

» Nous nous retirons avec quelques braves que l'intrigue et la perfidie ne parviendront point à détacher de leurs devoirs; et, puisque nous ne pouvons point défendre notre capitale, nous irons plus loin rassembler des forces et chercher sur un autre point du royaume, non pas des sujets plus aimans et plus fidèles que nos bons Parisiens, mais des Français plus avantageusement placés pour se déclarer pour la bonne cause.

» La crise actuelle s'apaisera; nous avons le doux pressentiment que les soldats égarés, dont la défection livre nos sujets à tant de dangers, ne tarderont pas à reconnaître leurs torts, et trouveront dans notre indulgence et dans nos bontés la récompense de leur retour.

>> Nous reviendrons bientôt au milieu de ce bon peuple, à qui nous ramènerons encore une fois la paix et le bonheur.

» A ces causes; nous avons déclaré et déclarons, ordonné et ordonnons ce qui suit :

» ART. 1er. Aux termes de l'article 50 de la Charte constitutionnelle et de l'article 4 du titre II de la loi du 14 août 1814, la session de la Chambre des Pairs et celle de la Chambre des Députés des départemens pour 1814 sont déclarées closes. Les pairs et les députés qui les composent se sépareront à l'instant.

» 2. Nous convoquons une nouvelle session de la Chambre des Pairs, et la session de 1815 de la Chambre des Députés,

» Les pairs et les députes des départemens se réuniront le plus tôt possible au lieu que nous indiquerons pour le siége provisoire de notre gouvernement.

› Toute assemblée de l'une ou de l'autre Chambre qui aurait lieu ailleurs :sans notre autorisation est dès à présent déclarée nulle et illicite.

» 3. Notre chancelier et nos ministres, chacun dans ce qui le concerne, sont chargés de l'exécution de la présente proclamation, qui sera portée aux deux Chambres, publiée et affichée tant à Paris que dans les départemens, et envoyée à tous les préfets, sous-préfets, cours et tribunaux du royaume.

» Donné à Paris, le 19 mars de l'an de grâce 1815, et de notre règne le vingtième. Signė Louis. Par le roi, le chancelier de France, signé DAMBRAY.

- Nous terminerons ici notre journal, en donnant d'abord la relation officielle publiée par ordre de l'empereur dans le Moniteur du 25, et celle qui fut insérée par ordre du roi dans le Moniteur de Gand. Nous ajouterons à ces pièces la réponse du duc de Raguse à la proclamation du golfe Juan, extraite du même journal. Ces documens offriront peut-être quelques répétitions ; mais ils forment un complément nécessaire que l'historien a besoin de consulter pour juger l'événement extraordinaire dont nous nous occupons.

T. XL.

6

Relation du Moniteur.

« L'empereur, instruit que le peuple en France avait perdu tous ses droits acquis par vingt-cinq années de combats et de victoires, et que l'armée était attaquée dans sa gloire, résolut de faire changer cet état de choses, de rétablir le trône impérial, qui seul pouvait garantir les droits de la nation, et de faire disparaître ce trône royal que le peuple avait proscrit comme ne garantissant que les intérêts d'un petit nombre d'individus.

» Le 26 février, à cinq heures du soir, il s'embarqua sur un brick portant vingt-six canons, avec quatre cents hommes de sa garde. Trois autres bâtimens qui se trouvaient dans le port, et qui furent saisis, recurent deux cents hommes d'infanterie, cent chevau-légers polonais et le bataillon des flanqueurs, de deux cents hommes. Le vent était du sud et paraissait favorable. Le capitaine Chautard avait espoir qu'avant la pointe du jour l'île de Capraia serait doublée, et qu'on serait hors des croisières françaises et anglaises qui observaient de ce côté. Cet espoir fut déçu. On avait à peine doublé le cap Saint-André de l'île d'Elbe, que le vent mollit; la mer devint calme; à la pointe du jour on n'avait fait que six lieues, et l'on était encore entre l'île de Capraïa et l'île d'Elbe, en vue des croisières.

» Le péril paraissait imminent. Plusieurs marins étaient d'opinion de retourner à Porto-Ferrajo. L'empereur ordonna qu'on continuât la navigation, ayant pour ressource, en dernier événement, de s'emparer de la croisière française. Elle se composait de deux frégates et un brick; mais tout ce qu'on savait de l'attachement des équipages à la gloire nationale ne permettait pas de douter qu'ils arboreraient le pavillon tricolore et se rangeraient de notre côté. Vers midi, le vent fraîchit un peu ; à quatre heures après midi on se trouva à la hauteur de Livourne. Une frégate paraissait à cinq lieues sous le vent, une autre était sur les côtes de Gorse, et de loin un bâtiment de guerre venait droit vent arrière à la rencontre du brick. A six heures du soir, le brick que montait l'empereur se croisa avec un brick qu'on reconnut être le Zephir, monté par le capitaine Andrieux, officier distingué autant par ses talens que par son véritable patriotisme. On proposa d'abord de parler au brick et de lui faire arborer le pavillon tricolore. Cependant l'empereur donna ordre aux soldats de la garde d'ôter leurs bonnets et de se cacher sur le pont, préférant passer à côté du brick sans se laisser reconnaître, et se réservant le parti de le faire changer de pavillon si on était obligé d'y recourir. Les deux bricks passèrent bord à bord. Le lieutenant de vaisseau Taillade, officier de la marine française, était très-connu du capitaine Andrieux, et dès qu'on fut à portée on parlementa. On demanda au capitaine Andrieux s'il avait des commissions pour Gènes; on se fit quelques honnêtetés, et les deux bricks, allant en sens contraire, furent bientôt hors de vue, sans que le capitaine Andrieux se doutât de ce que portait ce frêle bâtiment! Dans la nuit du 27 au 28, le vent continua de fraîchir. A la pointe du jour, on reconnut un bâtiment de soixante-quatorze, qui avait l'air de se diriger ou sur Saint-Florent, ou sur la Sardaigne. On ne tarda pas à s'apercevoir que ce bâtiment ne s'occupait pas du brick.

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» Le 28, à sept heures du matin, on découvrit les côtes de Noli; à midi, Antibes: A trois heures, le 1er mars, on entra dans le golfe de Juan.

L'empereur ordonna qu'un capitaine de la garde, avec vingt-cinq hommes, débarquât avant la garnison du brick, pour s'assurer de la batterie de côte, s'il en existait une. Ce capitaine conçut, de son chef, l'idée de faire changer de cocarde au bataillon qui était dans' Antibes. Il se jeta imprudemment dans la

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