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OBSERVATIONS.

L'art. 11, § 3, de la loi du 9 juin 1853 est ainsi conçu : « Peuvent également obtenir pension, s'ils comptent cinquante ans d'àge et vingt ans de service dans la partie sédentaire, ou quaranteans d'âge et quinze ans de service dans la partie active, ceux que des infirmités graves résultant de leurs fonctions mettent dans l'impossibilité de les continuer ou dont l'emploi aura été supprimé. » D'autre part, l'art. 8, § 1o, de la même loi porte : « Les services dans les armées de terre et de mer concourent avec les services civils pour établir le droit à pension, et sont comptés pour leur durée effective, pourvu toutefois que la durée des services civils soit au moins de douze ans dans la partie active. » Il s'est élevé la question de savoir si les services militaires devaient être comptés pour l'application de l'art. 11, § 3. Par un avis du 30 juillet 1856, la section des finances a résolu cette question affirmativement tant pour le cas où il y a lieu de compléter des services actifs que pour celui où il s'agit de services sédentaires, et, de même que l'Administration, la section a persévéré dans cette jurisprudence jusqu'en 1885. Toutefois, un avis émis par elle le 24 déc. 1857 a décidé que, dans les hypothèses autres que celles prévues par l'art. 11, §3, les services militaires ne peuvent, en principe, être assimilés aux services civils rendus dans la partie active. Le 20 mai 1885, la section, revenant sur la doctrine qu'elle avait adoptée en 1856, a refusé de tenir compte des services militaires invoqués par un sieur Gallimarder, employé des postes et télégraphes, et, le 16 juin suivant, elle a décidé de même à l'égard d'un sieur Oger, employé de la même administration.

Dans la présente affaire, M. le Ministre des postes et des télégraphes a vivement combattu la nouvelle jurisprudence de la section des finances. «Sans insister, a dit le Ministre, sur les graves inconvénients que présente la modification d'une jurisprudence qui n'a jamais varié depuis plus de trente ans, je crois devoir faire remarquer que la nouvelle interprétation restrictive donnée par la section des finances du Conseil d'État me paraît être en opposition avec le texte même de la loi. En effet, si, d'une part, la loi exige (art. 11) vingt ans de services dans la partie sédentaire et quinze ans de services dans la partie active pour obtenir une pension exceptionnelle, elle admet, d'autre part (art. 8), et cela d'une manière générale, absolue, sans restriction, que les services militaires doivent entrer en ligne de compte pour la constitution du droit à la retraite, du moment où ils viennent s'ajouter à une période de douze ans de services civils accomplis dans la partie sédentaire et de dix ans de services civils dans la partie active.

Ces dispositions rapprochées l'une de l'autre sont claires, précises et n'ont pas besoin de commentaires. Et cependant la section de finances repousse l'appoint des services militaires pour compléter les quinze ans de services civils actifs, et elle admet cet appoint pour compléter les vingt ans de services civils sédentaires. (Avis de la section des finances. du 6 août 1885, pension Germain, postes et télégraphes.) En d'autres termes, elle rejette la combinaison de l'art. 8 avec l'art. 11 pour la retraite exceptionnelle, s'il s'agit de la partie active, et elle accepte la combinaison de ces mêmes articles s'il s'agit au contraire de la partie sédentaire. Il y a là une anomalie qui ne manquera pas de frapper la section du contentieux. On peut objecter que les services militaires sont à considérer comme étant rendus dans la partie sédentaire, que, dès lors, s'ils peuvent servir à compléter les vingt ans de services civils sédentaires exigés par l'art. 11 pour la pension exceptionnelle, ils ne sauraient servir d'appoint aux quinze ans de services civils actifs. Je répondrai que le classement des services militaires dans la partie sédentaire ne résulte pas du texte même de la loi du 9 juin 1853. La nomenclature des emplois rangés dans le service actif, et l'art. 5 qui s'y réfère, ne visent et ne pouvaient viser que des emplois exclusivement civils. La loi n'avait pas d'ailleurs à s'occuper, dans ce classement, des services militaires, puisqu'elle avait pris le soin de préciser, dans l'art. 8, les conditions dans lesquelles les services militaires pouvaient utilement concourir, pour la constitution du droit à la retraite, avec les services civils rendus, soit dans la partie sédentaire, soit dans la partie active. L'assimilation des services militaires aux services sédentaires résulte donc d'une interprétation qu'une autre interprétation peut infirmer, ou tout au moins atténuer en ce qu'elle a de trop rigoureux : ce qui le démontre, c'est que la section des finances, tout en déclarant que les services militaires ne sauraient être considérés comme rendus dans la partie active (Avis du 24 déc. 1857, pensions Fine et Larribeau, Dictionnaire d'Ourry, p. 204), et tout en faisant remarquer que l'art. 8 avait seulement pour objet de déterminer le minimum des services civils nécessaires pour autoriser l'admission des services militaires (Avis des 13 juin et 20 juillet. 1858), n'en avait pas moins cependant maintenu jusqu'à ce jour la jurisprudence établie par l'avis du 30 juillet 1856, et d'après laquelle les services militaires, lorsqu'ils s'adjoignent à dix ans de services civils actifs, sont admissibles pour compléter la période de quinze ans dans la partie active exigée pour constituer le droit à la pension exceptionnelle. — Je ne vois aucun motif de revenir aujourd'hui sur cette jurisprudence

libérale, qui date des premiers temps de l'application de la loi du 9 juin 1853, et qui n'a jamais varié depuis. J'estime, au contraire, que ce n'est pas à ce moment, où le Parlement et le gouvernement font tous leurs efforts, comme en témoignent les lois du 24 juillet. 1873 et du 23 juillet 1881, pour retenir le plus longtemps possible les sous-officiers sous les drapeaux par la perspective d'emplois civils, qu'il convient d'aggraver les conditions auxquelles ces militaires pourront obtenir plus tard dans les carrières civiles une pension de retraite. La question. présente un intérêt tout particulier pour mon département, qui recrute presque exclusivement parmi les anciens militaires son nombreux personnel de la partie active.

Le Conseil d'État a cru néanmoins devoir se prononcer en sens contraire, en se fondant sur les termes de la loi de 1853. Le tableau no 2 annexé à cette loi désigne d'une manière précise quels sont les emplois qui doivent être considérés comme appartenant à la partie active, et le Conseil décide qu'on ne peut ajouter à cette énumération pour y comprendre notamment les services militaires qui n'y figurent pas. Voir Cons. d'État, 10 juillet 1869, Gury, S., 1870, II. 227.

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Dans le numéro de la Revue du 25 octobre dernier, le Comité de législation a exprimé l'avis qu'un agent forestier qui était àgé de moins de 50 ans, au moment où il a été mis en disponibilité pour cause d'infirmités graves résultant de l'exercice de ses fonctions, ne peut, lorsqu'il a atteint l'âge de 50 ans, être admis à la retraite qu'autant qu'il a auparavant repris du service.

Nous sommes obligés de reconnaître que cette opinion est en désaccord avec la jurisprudence du Conseil d'État.

Parmi les nombreux exemples de solutions contraires à l'avis ci-dessus exprimé, nous citerons les espèces suivantes :

1° Par décret du 26 juin 1886, une pension de retraite a été concédée à M. C....., sous-inspecteur des forêts, qui, mis en disponibilité par arrêté du 21 juin 1879, avant d'avoir atteint l'âge de 50 ans, avait cessé son service le 30 du même mois et ne l'avait jamais repris ;

1. Voir le Répertoire de législation et de jurisprudence de la Revue des eaux et forêts. Livraison du 25 octobre 1888, n°62, p. 130.

2o Par décret du 16 mai 1888, une pension de retraite a été concédée à M. D..., inspecteur des forêts, qui, mis en disponiblité le 17 août 1886, avant d'avoir atteint l'àge de 50 ans, avait cessé son service le 31 du mème mois et ne l'avait jamais repris.

Le Conseil d'État n'a formulé aucune observation au sujet des propositions de concession de pensions de retraite faites en faveur de ces deux agents, une fois qu'ils ont eu atteint l'âge de 50 ans. Les infirmités contractées dans l'exercice de leurs fonctions étaient d'ailleurs dùment constatées par les documents prescrits.

Si, dans une troisième espèce, concernant un conservateur des forêts, le Conseil d'État a fait des objections, ce n'est pas au sujet de la question traitée par le Comité de législation. - Il s'agissait en effet d'un agent qui, ayant été blessé pendant la guerre de 1870-71, en qualité de capitaine de mobiles, croyait pouvoir invoquer l'article 11 de la loi du 9 juin 1853 pour obtenir pension sans remplir la condition d'âge. Le Conseil d'État refusa de l'accorder par ce motif que les blessures n'avaient pas été reçues par cet agent forestier dans l'exercice de ses fonctions; mais le jour où le requérant atteignit l'âge de 50 ans, et bien qu'il ne fût plus en activité de service, le Conseil d'État émit un avis favorable à la concession d'une pension de retraite.

Les diverses administrations publiques font une application journalière de cette jurisprudence. Par décision du 25 octobre dernier, rappelée dans le numéro du 4 novembre du « Journal des fonctionnaires », M. Denoufoux, éclusier sur le canal de Roanne à Digoin, est mis en disponibilité pour raison de santé jusqu'au 3 mai 1890, époque à laquelle il remplira les conditions nécessaires pour être admis à la retraite. — Une décision toute récente (elle est du 20 novembre 1888) admet à la retraite M. R..., inspecteur adjoint, qui était en disponibilité depuis le 19 février 1875, et sans qu'on ait cru nécessaire de le réintégrer préalablement dans ses fonctions. La réintégration serait en effet la plupart du temps une formalité vaine et ridicule, car elle consisterait souvent à obliger un fonctionnaire âgé et invalide à reprendre un service que ses infirmités l'avaient obligé de cesser, alors qu'il était plus jeune.

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Il nous a paru nécessaire de faire cette rectification à l'article du mois d'octobre dernier qui pouvait induire en erreur un certain nombre de lecteurs de la Revue et empêcher quelques agents forestiers de faire valoir leurs droits à des pensions de retraite, alors qu'ils sont fondés à les réclamer.

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Le fait de ramasser du bois mort dans une forêt constitue le délit prévu par l'art. 194 C. forest., et le prévenu ne peut être relaxé sous prétexte qu'indigent il croyait user d'un droit appartenant aux pauvres, et qui n'avait jamais été contesté antérieurement 1. (C. forest., 80, 194.)

JOLIVET.

ARRÉT:

LA COUR; Vu les art. 80 et 194 C. forest. : Attendu que les sieur et dame Jolivet ont été traduits devant le tribunal de simple police de Dun-surAuron pour avoir ramassé du bois mort dans une forêt appartenant au sieur Belleville, délit prévu par l'art. 194 C. for.; - Attendu que les prévenus, tout en reconnaissant les faits, ont soutenu que, malheureux, ils croyaient user d'un droit appartenant aux pauvres, et qui n'avait jamais été contesté antérieurement; Attendu que le jugement attaqué a accueilli leurs prétentions, par le motif qu'il est d'un usage constant dans le pays que les malheureux ramassent le bois mort dans les forêts, et que l'art. 80 C. forest., qui réglemente ce droit, interdit seulement de se servir de crochets ou ferrements d'aucune espèce, interdiction à laquelle les prévenus se sont conformés; Mais attendu que le droit d'usage restreint dont parle cet article est celui qui s'établit par titres; qu'à défaut de titres, comme dans l'espèce, il n'y a, dans les faits antérieurs, qu'une tolérance précaire, qui, si ancienne qu'on la suppose, ne peut fonder aucun droit; Attendu dès lors, qu'en refusant d'appliquer aux prévenus les peines de l'art. 194, C. forest., et en les renvoyant de la plainte, le tribunal de police de Dun-sur-Auron a violé cet article et faussement appliqué l'art. 88 du même Code; Casse, etc.

Du 13 avril 1888. Bertrand, av. gén.

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1. En ce sens, Cass. 7 mars 1845. (S., 1815, 1, 515, P., 2, 33.)

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