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Revision du Cadastre. Évaluation du revenu des bois.

évaluations de la Commission départementale.

Recours contre les

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Une commune peut déférer au Conseil d'Etat, pour violation de la loi, la délibération par laquelle la commission départementale modifie le tarif des évaluations cadastrales pour les bois; mais ce pourvoi ne peut être fondé sur l'insuffisance de l'évaluation des prix des coupes annuelles des bois exploités en coupes réglées; une erreur d'appréciation ne pouvant constituer une violation de l'art. 67 de la loi du 3 frimaire an VII.

COMM. DE FÉRON.

M. le commissaire du gouvernement Marguerie a présenté les observations suivantes :

« La commune de Féron, usant du droit qui lui est attribué par l'art. 7 de la loi du 7 août 1850, a procédé à la revision de son cadastre. Le conseil municipal de cette commune avait approuvé les propositions des classificateurs qu'il avait nommés. Ces propositions tendaient à diviser les bois en trois classes, et à assigner à la 1re classe un revenu de 45 fr., à la 2e classe un revenu de 35 fr. et à la 3° classe un revenu de 25 fr. Ces évaluations cadastrales ne pouvaient devenir définitives que si elles étaient ensuite approuvées par la commission départementale. En effet, d'après l'article 87 de la loi du 10 août 1871, la commission départementale approuve le tarif des évaluaIV-1

TOME XVI. JANVIER 1890.

tions cadastrales, et elle exerce à cet égard les pouvoirs attribués au préfet en conseil de préfecture par la loi du 15 sept. 1807 et le règlement du 15 mars 1827. » La commission départementale avait un droit de modification, et elle en a usé sur la réclamation du régisseur de Mme de Castellane, propriétaire de la presque totalité des bois de la commune, et sur l'avis du service des contributions directes.

Il ne peut s'élever aucun doute sur le droit de modification qui appar tient en cette matière à la commission. L'art. 22 du règlement du 10 octobre 1821 porte Le préfet, sur le rapport du directeur des contributions, ct après avoir pris l'avis du conseil de préfecture, approuve ou modifie, s'il y a lieu, le tarif des évaluations. » Or, la commission départementale a hérité des pouvoirs attribués au préfet en conseil de préfecture.

« Usant de ce droit, la commission départementale du Nord, par une déli bération du 1er juillet 1885, a fixé le revenu des bois dans la commune de Féron à 16 fr., au lieu de 45 fr., pour la 1re classe; à 12 fr., au lieu de 35 fr., pour la 2e classe; à 9 fr., au lieu de 25 fr., pour la 3e classe. Cette délibération a été notifiée à la commune le 12 juillet 1885.

La commune a adressé à la commission départementale une réclamation fondée sur ce que les évaluations acceptées par la commission n'avaient pas été déterminées d'après les bases fixées dans l'art. 67 de la loi du 3 frim. an VII, qui exige qu'il soit tenu compte du prix moyen des coupes annuelles ; or, dans ce produit, il y a lieu de faire figurer le produit de la vente des arbres de haute futaie qui dominent les bois de la commune exploités en taillis. La commune faisait en outre appel à l'équité de la commission départementale, et lui demandait de ne pas surcharger l'agriculture déjà si éprouvée.

« La direction des contributions directes, appelée à donner son avis sur cette réclamation, répondit que, d'après l'art. 368 du Recueil méthodique sur le cadastre de 1811, le produit donné par les arbres de haute futaie doit être évalué d'après le revenu que donnerait l'emplacement occupé par ces arbres s'il était planté en taillis, et que l'équité s'oppose à l'adoption du tarif proposé par le conseil municipal, qui faisait ressortir pour la dame de Castellane une surcharge de 63 p. 100.

« La commission départementale a rejeté la réclamation de la commune par une nouvelle délibération du 17 août 1885.

La commune de Féron défère au Conseil d'Etat, pour violation de la loi, cette deuxième délibération, usant du droit qu'elle croit tenir de l'art. 88 de la loi du 10 août 1871.

« I. L'art. 88 est ainsi conçu : « Les décisions prises par la commission départementale sur les matières énumérées aux art. 86 et 87 de la présente loi seront communiquées aux préfets en même temps qu'aux conseils municipaux et autres parties intéressées. Elles pourront faire l'objet d'un appel au conseil général. Elles pourront aussi être déférées au Conseil d'Etat statuant au contentieux pour cause d'excès de pouvoirs ou de violation de la loi ou 'd'un règlement d'administration publique. » La fin de l'article fixe pour le recours un délai de deux mois. La délibération attaquée a été notifiée à la commune le 30 août 1885. Ce recours a été enregistré le 26 octobre, c'est-à-dire dans le délai de deux mois. Mais il y a lieu de remarquer que la délibération

du mois d'août n'a fait que confirmer celle du mois de juillet, qui n'a pas été attaquée dans le délai.

N'y a-t-il pas lieu de déclarer de ce chef le recours non recevable ? Le ministre des finances, auquel la difficulté n'a pas échappé, ne le pense pas. Nous ne le pensons pas davantage. La commission départementale, nous le répétons, exerce en cette matière les pouvoirs précédemment attribués au préfet. Or, l'art. 22 du règlement du 10 octobre 1821, dont nous avons déjà mis sous les yeux du Conseil un paragraphe, continue ainsi : « Si le tarif a éprouvé quelques modifications, le préfet le renverra au conseil municipal pour recevoir ses observations sur les changements dont il aura été jugé susceptible, et ce tarif, après avoir été définitivement arrêté par le préfet, sera transmis au directeur pour être appliqué au classement. » Le ministre estime avec raison, suivant nous, que cette procédure doit encore être suivie. Avant 1871, le préfet était appelé à rendre deux arrêtés successifs, dont le second seul était définitif. Depuis 1871, la deuxième délibération de la commission départementale est la seule délibération définitive.

« Le recours a donc été formé en temps utile, et il est recevable en ce qui touche le délai.

II. Mais le Conseil d'Etat remarquera que le recours est fondé, non pas sur un excès de pouvoirs ou une violation des formes, mais sur une violation de la loi. Il s'agit d'un recours contentieux dans le sens attribué à ces expressions par les anciens arrêts du Conseil d'Etat. Or, avant la loi du 10 août 1871, la jurisprudence n'admettait aucun recours contentieux contre les arrêtés des préfets relatifs aux tarifs des évaluations cadastrales, ni de la part de la commune, ni de la part des propriétaires intéressés. Ces arrêtés pouvaient seulement donner lieu à un recours au supérieur hiérarchique, le ministre des finances. La jurisprudence était constante, et nous nous bornons à rappeler un arrêt du 11 avril 1837, Ville d'Epernay c. Roy (P. chr.). Cette jurisprudence était fondée sur ce que les propriétaires n'étaient pas lésés dans leurs droits par les opérations administratives de la classification et du tarif des évaluations. Ces opérations étaient considérées comme préparatoires de l'opération définitive du classement; et le classement pouvait être attaqué devant le conseil de préfecture. La classification et le tarif des évaluations ne pouvaient donner lieu à un recours contentieux que de la part du propriétaire de toute une classe ou de la majeure partie d'une classe de propriétés, parce que la classification et le tarif des évaluations le touchaient au même degré que le classement; à son égard, la classification se confondait avec le classement. Il devait alors porter sa réclamation devant le conseil de préfecture. Mais ce droit, qui appartenait aux propriétaires seuls dans un cas exceptionnel, n'appartenait pas à la commune par voie de réciprocité. Ce principe avait été mis en lumière de la façon la plus nette dans un arrêt du 24 juillet 1862, Commune de Beaubray (P. chr.). Mais, si le conseil de préfecture faisait droit à la réclamation du propriétaire intéressé, la commune pouvait alors faire appel de la décision du conseil de préfecture devant le Conseil d'Etat (même décision).

Cette jurisprudence ancienne peut-elle être maintenue sans modification en présence de la loi nouvelle? Nous ne le pensons pas. Nous ne pouvons répondre à la commune de Féron, comme on l'a fait notamment en 1837 à la

commune d'Epernay : vous attaquez un acte administratif qui n'est pas susceptible d'un recours contentieux. Car nous sommes liés par un texte formel précis, qui ouvre un recours pour violation de la loi. Le pouvoir du juge ne va pas jusqu'à réputer non écrite une disposition contenue dans un texte législatif, alors même qu'il serait convaincu que le législateur n'a pas songé à toutes les conséquences des expressions qu'il a employées.

« III. Le recours de la commune est donc recevable s'il réunit d'ailleurs deux autres conditions: si d'abord la commune a qualité pour l'introduire ; si ensuite il est possible de saisir une violation de la loi dans la délibération attaquée.

« 1o La commune a-t-e'le qualité? Il serait difficile de le contester en présence des termes même de l'art. 88, et d'ailleurs la fixation des évaluations cadastrales est une opération intéressant la répartition de l'impôt foncier dans la commune, et votre jurisprudence reconnaît qualité aux communes, représentant les intérêts de la généralité des propriétaires, pour intervenir dans les débats auxquels la répartition des impôts peut donner lieu. V. Conseil d'Etat, 14 juillet 1876, Maire et répartiteurs de Cornot (Rec. de Lebon, p. 675). La commune a donc qualité.

«< 2o En admettant que la commission départementale du Nord ait rendu une décision critiquable, était-il possible de prétendre que la commission départementale a commis plutôt une erreur de droit qu'une erreur de fait, et par suite ne seriez-vous pas fondés à répondre que la seconde condition, à `savoir la violation de la loi, n'est pas réalisée? La commune invoque une violation de l'art. 67 de la loi du 3 frimaire an VII, qui porte: « L'évaluation des bois en coupes réglées sera faite d'après le prix moyen de leurs coupes ` annuelles, déduction faite des frais d'entretien, de garde et de repeuplement. » Eh bien! précisément, la commission départementale a entendu faire application de cette disposition de la loi, s'il est permis toutefois de rechercher les intentions de la commission départementale, dont les délibérations ne contiennent qu'un dispositif, dans le rapport du service des contributions directes, dont les conclusions ont été approuvées, et dans les interprétations données par ce service aux délibérations attaquées. Voici comment le direc`teur de ce service s'exprimait en transmettant au maire de Féron la première délibération : « Les chiffres arrêtés par la commission départementale, monsieur le maire, ont été réglés de manière à représenter pour les bois de Féron un revenu net moyen de 49 fr. par hectare, frais de garde, entretien et repeuplement déduits. » On a donc entendu appliquer l'art. 66 de la loi précitée. Le directeur parle de 49 fr., alors que les chiffres votés par la commission départementale sont 16, 12 et 9, et que ces chiflres ne font pas ressortir cette moyenne de 49 fr. Voici l'explication : les classificateurs, suivant une habitude, déplorable à nos yeux, qui devrait à coup sûr être abandonnée dans les opérations de revisions cadastrales, avaient admis une atténuation générale de 65 p. 100. La contestation porte en réalité sur l'évaluation du prix moyen des coupes annuelles des bois de Féron. La commune vient dire: vous avez évalué le prix des coupes annuelles d'une façon insuffisante, parce que vous n'avez pas majoré le prix des ventes de bois taillis du produit donné par la vente des arbres de haute futaie qui dominent les taillis. Cette évaluaion du prix moyen des coupes annuelles soulève avant tout, selon nous, une

:

appréciation de fait la commission départementale du Nord, approuvant le tarif critiqué par la commune de Féron, n'a pas pris une décision dans laquelle il soit possible de dégager la solution donnée à une question de droit, pour examiner si cette solution viole ou non l'art. 67 de la loi du3 frim. an VII. Elle a statué non seulement en droit, mais en fait, et aussi en équité. Nous nous trouvons en présence d'une décision où le droit et le fait se trouvent mélangés d'une façon si intime qu'elle échappe au recours en cassation prévu et autorisé par l'art. 88 de la loi du 10 août 1871; et, à l'appui de notre opinion, nous relevons ce renseignement donné par l'instruction que les évaluations cadastrales pour les bois, telles qu'elles ont été arrêtées par la commission départementale du Nord pour la commune de Féron, sont encore exagérées, Dès lors, le recours doit être rejeté comme non recevable. Les propriétaires de terrains en nature de culture auront d'ailleurs la faculté de discuter indirectement devant le conseil de préfecture le revenu assigné aux bois, en soutenant que le revenu attribué à leurs propriétés n'a pas été fixé d'après le principe de l'égalité proportionnelle.

IV. Mais si le Conseil d'État, contrairement à notre avis, croyait devoir examiner au fond la question de savoir si c'est avec raison que la commission départementale a tenu compte dans son évaluation du mode de calcul prescrit par les art. 368, 369, 370 du Recueil méthodique des lois et règlements sur le cadastre de 1811, pour l'estimation des futaies sur taillis, il devrait sans hésiter se prononcer pour l'affirmative. Il s'agit, en effet, de dispositions auxquelles la jurisprudence reconnaît un caractère impératif : le Recueil a reçu une sanction législative en vertu des lois de finances des 23 sept. 1814, art. 16, et 28 avril 1816, art. 29. Les dispositions de ce Recueil ont servi de base à un grand nombre de vos décisions; vous en avez encore fait l'application dans un arrêt du 4 juin 1886 (Veuve Poumeyrol, Rec. de Lebon, p. 484); l'application de l'art. 370 se trouvait déjà consacrée implicitement par un arrêt du 6 août 1839 (Dame d'Amoneville, Rec. de Lebon, p. 425). Donc, en fait, l'art. 68 de la loi du 3 frim. an VII, non seulement n'a pas été violé, mais il a été bien appliqué dans la mesure où il devait l'être. En l'an VII, l'art. 67 n'était pas applicable aux bois de haute futaie: ces arbres étaient régis par l'art. 70, lequel supposait des revisions d'évaluations cadastrales incompatibles avec le principe de la fixité cadastrale etablie par la loi du 15 septembre 1807. Ce sont les dispositions du Recueil méthodique qui ont étendu l'application de l'art. 67 aux arbres de haute lutaie, en réglant les conditions de cette application.

Par ces motifs, nous concluons au rejet du recours de la commune de Féron. »

LE CONSEIL D'ÉTAT; - Vu la loi du 3 frim. an VII; - Vu la loi du 15 sept. 1807; Vu les art. 368 à 370 du Recueil méthodique des lois et réglements sur le cadastre, approuvé par le ministre des finances, ensemble la loi du 23 sept. 1814, art. 16; Vu la loi du 10 août 1871, art. 87 et 88; - Considérant que le recours de la commune de Féron est fondé sur ce que la commission départementale du Nord, dans la fixation du tarif des évaluations cadastrales de ladite commune en ce qui concerne les bois, aurait violé l'art. 67 de la loi du 3 frim. an VII, ainsi conçu : « L'évaluation des bois en coupes réglées sera faite d'après le prix moyen de leurs coupes annuelles, déduc

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