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de la demande est compatible avec la décision rendue sur l'action publique; Considérant que des motifs qui précèdent il résulte que la juridiction correctionnelle ne peut être saisie de l'action des consorts Le Vaillant de Chaudenay; qu'il y a, de ce chef, non-recevabilité au point de vue de l'action civile résultant du fait délictueux;

Sur la demande reconventionnelle de Brochand tendant à obtenir des dommages-intérêts:

Considérant que le Tribunal estime, au vu des circonstances de la cause,que la condamnation des parties civiles aux dépens constituera une réparation suffisante du dommage causé;

Par ces motifs,

Déclare l'action de ceux-ci non recevable en ce qui concerne l'action publique; incompétemment introduite en ce qui concerne l'action civile; Dit, en conséquence, n'y avoir pas lieu de passer outre aux débats; Condamne les parties civiles solidairement aux dépens, lesquels tiendront lieu à Brochand de tous dommages-intérêts.

ARRÊT:

LA COUR: Attendu que, le 27 novembre dernier, le Tribunal correctionnel de Châteauroux, statuant sur l'action introduite par Charles Le Vaillant de Chaudenay contre Brochand, à raison d'un délit de chasse sans autorisation sur le terrain d'autrui, constaté le 20 octobre précédent, par Joly, garde particulier dudit de Chaudenay, a acquitté le prévenu des fins de la plainte dirigée contre lui;

Attendu que de Chaudenay a seul fait appel de cette décision;

Attendu que, devant la Cour, Brochand a soulevé une fin de non-recevoir tirée de ce que de Chaudenay n'était pas propriétaire du terrain sur lequel il prétendait que le délit avait été commis; que ce dernier reconnut, en effet, que le terrain appartenait à sa mère, et que, par suite de cette reconnaissance, la Cour a, le 23 janvier dernier, déclaré irrecevable l'action de de Chaudenay;

Attendu que, le 18 du même mois, la dame veuve Benjamin de Chaudenay et Charles Le Vaillant de Chaudenay, son fils, agissant en qualité d'héritier de son père, décédé en décembre 1889, ont fait citer Brochand devant le Tribunal correctionnel de Châteauroux à raison du délit constaté le 20 octobre 1889 par le garde Joly, et sur lequel le Tribunal avait déjà statué le 27 novembre suivant; que le Tribunal a déclaré cette seconde action non recevable et incompétemment introduite; que les plaignants ont fait appel de cette décision;

Attendu que l'action civile résultant d'un délit ne peut être portée devant les juges de répression qu'autant que l'action publique n'est ni éteinte, ni suspendue; que la citation donnée une première fois à la requête de Chaudenay seul avait saisi le Tribunal de Châteauroux de la connaissance du délit reproché à Brochand, tant au point de vue de la peine qu'il pouvait entraîner que des dommages-intérêts qui étaient réclamés; qu'au regard de toutes les parties. de Chaudenay avait qualité pour porter son action devant la juridiction correctionnelle, puisque l'intérêt dans lequel il agissait n'a pas été contesté; qu'à ce point de vue sa citation a été suffisante pour mettre en mouvement l'action du ministère public;

Attendu que la partie civile a seule fait appel du jugement du 27 novembre; qu'il est devenu par suite définitif à l'égard du ministère public et que l'action lui appartenant a été éteinte faute d'appel de sa part;

Attendu que de Chaudenay ne pouvait agir devant la Cour que pour l'exercice de l'action en dommages-intérêts qu'il avait déjà portée devant les premiers juges, et que la décision intervenue sur son appel n'a pu avoir plus d'étendue que l'appel lui-même et réfléchir sur la disposition du jugement non soumise à la deuxième juridiction;

Attendu que l'on objecte, il est vrai, que de Chaudenay, n'ayant pas qua lité pour introduire une demande en dommages-intérêts contre Brochand, était inhabile à saisir le Tribunal et à ouvrir ainsi la voie de l'action exercée par le ministère public;

Attendu que cette objection aurait été fondée si elle avait été portée devant le Tribunal au moment de la première poursuite; mais que, se produisant après que l'action publique est éteinte, elle ferait échec, si elle était admise, à l'effet dévolutif de l'appel et au principe de la prohibition des poursuites successives à raison du même délit, lorsque le prévenu a été légalement acquitté; que c'est donc à tort que la demande des consorts de Chaudenay a été portée devant le Tribunal correctionnel de Châteauroux, incompétent pour en connaître; Attendu que Brochand ne justifie d'aucun préjudice souffert depuis le jugement;

Par ces motifs,

Confirme le jugement dont est appel et condamne les parties civiles aux dépens, tant de première instance que d'appel, lesquels tiendront lieu à Brochand de tous dommages-intérêts.

M. Bonnabeau prés.; Mes Thiot et Lucas, av.

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OBSERVATIONS. L'arrêt rapporté paraît conforme à l'esprit et au texte de la loi de 1844. Les termes « attitude de chasse >> ne se rencontrent pas dans celle-ci et le législateur semble bien n'avoir visé que les actes de chasse.

Voir, dans le même sens, jugement très motivé du Tribunal corr. de Charleville, 7 déc. 1874. (Rép. de la Revue des Eaux et Forêts, tome VII, 1876-1877, p. 184.) - Contra Cour d'appel de Paris, 26 janvier 1866 et 3 février 1866 (Rép. de la Revue des Eaux et Forêts, tome III, 1866-1867, pp. 167-169); et Cour de Colmar, 30 janvier 1866. (Rép. de la Revue des Eaux et Forêts, tome IV, 1868-1869, p. 31.)

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TRIBUNAL CIVIL DE SAINT-DIE. 6 Décembre 1889.

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- Absence de feu distinct.

Une donation-partage, consentie par un père affouagiste au profit de ses enfants, ne suffit pas pour que ceux-ci àient droit, comme lui, à une part d'affouage.

Il faut encore qu'ils justifient d'habitations à feu distinctes et que la donation ait amené un changement dans la vie commune.

CELESTIN MICHEL C. COMMUNE DE PESSEUX.

LE TRIBUNAL: Attendu que, s'il appert des enquêtes auxquelles il a été procédé le 17 juillet dernier en exécution d'un jugement interlocutoire en date du 3 mai précédent, que Célestin Michel a des propriétés divisées et des intérêts séparés de ceux de son père, il n'en résulte aucunement qu'il pcssède le ménage ou l'habitation à feu distinct qui constitue la condition première et essen tielle du droit à l'affouage (rapports à la Chambre des députés et au Sénat lors de la discussion de la loi du 23 novembre 1883); qu'en effet il ne ressort d'aucun témoignage que la chambre qu'il occupe dans la maison de son père soit pourvue d'une cheminée et que conséquemment il ait une habitation à feu; que dans tous les cas il n'est pas établi que le demandeur soit propriétaire exclusif du mobilier renfermé dans sa chambre, qu'au surplus les témoins ne sont même pas d'accord sur la situation de cette chambre, les uns la plaçant au rez-de-chaussée, les autres au premier étage; que dans ces conditions l'habitation de Célestin Mich el ne saurait être considérée comme distincte de celle de son père;

Attendu, d'autre part, que les circonstances de la cause sont de nature à laisser croire que la donation-partage du 9 novembre 1886 n'a été consentie par Michel père à ses enfants que dans le but de leur permettre de réclamer une part affouagère; que rien ne démontre que, depuis cette époque, il y ait eu un changement véritable dans la manière d'être de la famille Michel; qu'à tous les points de vue Célestin Michel paraît avoir continué à vivre en réalité en communauté d'intérêts, de travail, de nourriture et d'habitation avec ses parents; que, dès lors, n'ayant pas cessé d'être membre d'une famille dont la réunion n'a droit qu'à un seul lot d'affouage, il n'est pas chef de famille ou de maison dans le sens de la loi...

MM. de Tissot, président; Coulera, substitut; Me Heureux, avoué.

OBSERVATIONS. L'article 105 du Code forestier, avant d'être modifié par la loi du 23 novembre 1883, prescrivait déjà le partage des bois d'affouage « par feu » en ajoutant : « c'est-à-dire par chef de <«< famille ou de maison. » Mais cette addition ne suffisait pas pour prévenir toute contestation.

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A quels signes devait-on reconnaître le chef de famille ou de maison? Suffisait-il de faire du feu chez soi?

Des divergences s'étaient surtout produites sur la question de savoir si les délivrances étant destinées à pourvoir, non seulement au chauffage des habitants, mais encore à la cuisson de leurs aliments, on devait admettre à y participer ceux qui, veufs ou célibataires, se chauffaient chez eux, mais prenaient leurs repas dans d'autres maisons. On a cherché, en 1883, à définir le chef de famille dans des termes qui ne laissassent subsister aucune indécision. << Sera considéré, dit la loi actuelle,

comme chef de famille ou

<«< de maison tout individu possédant un ménage ou une habitation à feu distincte soit qu'il y prépare la nourriture pour lui et les siens, << soit que, vivant avec d'autres à une table commune, il possède des << propriétés divisées, qu'il exerce une industrie distincte ou qu'il ait « des intérêts séparés 1. »

Le texte adopté d'abord par la Chambre des députés n'exigeait qu'un ménage ou une habitation distincte, sans préciser qu'elle devait être à feu. Il paraît qu'un certain nombre de communes, après le vote de la Chambre, s'étaient inquiétées de la liste un peu longue des caractères auxquels on devait reconnaître l'affouagiste.

Pour les rassurer, le Sénat a ajouté les mots à feu, sur la proposition de la Commission, formulée ainsi par le rapporteur : « Elle (la Com<< mission) vous propose de dire « Tout individu possédant un << ménage ou une habitation à feu distincte, soit..., etc. » L'énuméra«tion qui suit est dominée tout entière par l'obligation d'avoir un <«< ménage ou une habitation à feu. Conséquemment les craintes qui se << sont manifestées dans certaines communes et qui nous ont été com«muniquées par un de nos honorables collègues ne sont pas fondées. « Propriétés divisées, industrie distincte, intérêts séparés, tout est subor« donné au ménage ou à l'habitation à feu. »

Le Tribunal de Saint-Dié s'est évidemment inspiré de ce rapport auquel il renvoie. Mais on ne saurait se dissimuler que la modification apportée à l'article 105 du Code forestier n'a pas écarté et ne pouvait pas écarter toute cause de litige.

La reconnaissance de la qualité de chef de famille dépendra toujours de questions de fait dont l'appréciation est souvent difficile et délicate; on ne peut espérer que les intéressés renoncent à les porter devant les tribunaux.

1.

- Cette définition est empruntée à deux arrêts de la Cour de Dijon.

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Les détenteurs de fieffes concédées par le roi sur les limites de ses forêts étaient tenus d'ouvrir des fossés entre leurs terres et le sol forestier et de les entretenir; mais ces fossés ne devaient pas être pris nécessairement sur leurs terrains.

Lorsqu'il est constaté par des procès-verbaux antérieurs à 1669 que, lors du creusement des fossés sur le périmètre d'une forêt royale, les terres ont été rejetées tantôt du côté de la forêt et tantôt sur les riverains et qu'il a été procédé ensuite à une délimitation et à un bornage contradictoire pour séparer les bois du roi des héritages riverains, c'est aux bornes qu'il faut s'attacher pour déterminer aujourd'hui les limites de la forêt domaniale, lors même que les fossés se trouveraient ainsi compris entièrement dans le domaine de l'Etat.

L'acte de bornage fait la loi des parties et les riverains ne peuvent opposer à ce titre légal de propriété, des présomptions tirées, soit de l'article 668 du Code civil, qui considère le rejet de terres comme un signe de propriété, ni de l'interprétation généralement donnée à l'article 4 du titre 27 de l'ordonnance de 1669 et d'après laquelle les propriétaires riverains des forêts du roi auraient dû ouvrir sur leurs propres fonds les fossés de séparation.

L'ÉTAT C. BOISSIÈRE.

En 1886, un procès-verbal de délit fut dressé contre M. Boissière, propriétaire d'une terre contiguë à la forêt domaniale d'Écouves, pour curage et recreusement d'une partie du fossé de périmètre de cette forêt, ouvert avant 1669. Poursuivi en police correctionnelle, il excipa d'un droit de propriété et obtint le renvoi de l'affaire à fins civiles.

Dans l'instance engagée par lui au pétitoire devant le tribunal d'Alençon, il n'invoqua, pour établir son droit à la propriété du fossé litigieux, que des présomptions légales résultant du rejet des terres de son côté (Code civil, art. 668) et de l'obligation qui, d'après lui, aurait été mise à la charge de tous les riverains des forêts du roi, dès avant l'ordonnance de 1669, d'ouvrir à leurs frais des fossés de séparation sur leurs héritages.

Il proposa subsidiairement de faire la preuve d'une possession plus que trentenaire.

L'État contesta, en fait et en droit, l'exactitude des dires du demandeur; il produisit en outre, pour sa défense, un procès-verbal de bor

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