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2° L'habitant d'une commune affouagère, qui a formé contre celle commune une demande tendant à ce que son droit au partage des biens affouagers fût reconnu, peut prendre en appel des conclusions supplémentaires pour réclamer l'allocation des sommes représentatives des droits d'affouage qui ont pris naissance durant le procès; il n'y a pas là une demande nouvelle. (C. proc., 464.)

LA COUR:

GAGNARD C. COMMUNE DE LYS.

ARRÊT :

Considérant que Gagnard réclame à la commune de Lys son droit d'affouage pour l'année 1886, ou 100 fr. d'indemnité pour privation de son lot ou de dommages-intérêts; Considérant qu'il résulte des pièces produites et de l'enquête à laquelle il a été procédé que Gagnard était, antérieurement et au moment de la répartition de l'affouage de 1886, locataire d'une maison située commune de Lys, appartenant au sieur Adam, ladite maison ayant cheminée et garnie de mobilier; que parfois on y faisait du feu ou qu'il y logeait un ami; - Considérant que Gagnard justifie qu'il est propriétaire d'immeubles dans ladite commune de Lys, y paie des impôts mobiliers et immobiliers, une patente de chef maçon, les prestations et l'impôt des voitures; qu'il est chef de famille et possède un ménage avec enfants et femme; que la circonstance qu'il prendrait ses repas et coucherait chez son beau-père est sans influence au procès, la loi du 23 nov. 1883 ayant posé en principe que doit être considéré comme chef de famille ou de maison tout individu possédant un ménage ou une habitation à feu distincte »; qu'il résulte des faits ci-dessus que Gagnard se trouve dans les conditions voulues par l'art. 105 C. forest., pour être admis à l'affouage, et que c'est à tort que le conseil municipal lui a refusé ce droit et que le tribunal a sanctionné ce refus;

Considérant que, par conclusions en appel, Gagnard demande, en vertu de l'art. 464 C. proc., que la commune soit condamnée à lui payer 100 fr., tant pour son lot d'affouage de 1887 qu'à titre de dommages-intérêts pour le pré

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21 avril 1875. (S. 1875.2.326.-P.1875.1.245); Cass. 8 mai 1883 (S. 1883. 1. 295.-P. 1883. 1.731), les notes et renvois. La loi précitée du 23 nov. 1883, dans le but de définir ce que l'on doit entendre par « chel de famille ou de maison », a ajouté à l'art. 105 C. forest., la disposition suivante : « Sera considéré comme chef de famille ou de maison tout individu possédant un ménage ou une habitation à feu distincte, soit qu'il y prépare la nourriture pour lui et les siens, soit que, vivant avec d'autres à une table commune, il possède des propriétés divisées. qu'il exerce une industrie distincte, ou qu'il ait des intérêts séparés. » Il résulte tant des termes mêmes de cette disposition que des explications données au Sénat par le rapporteur de la loi, M. Chaumontel, que l'obligation d'avoir un ménage ou une habitation à feu est essentielle pour prétendre droit à l'affouage; cette condition remplie, il importe peu, ainsi que le décidait la jurisprudence avant la loi du 23 nov. 1883, que l'habitant vive sous le même toit et à la même table que l'un de ses parents, pourvu qu'en ce cas il possède des propriétés divisées, exerce une industrie distincte ou ait des intérêts séparés V. S., Lois annotées de 1884, p. 630, note 4.- P., Lois, décr., etc., de 1884, p. 1042, note 3. Comp. Toulouse, 8 mar 1886 (S. 1886. 2. 165. — P. 1886.1,829), et la note.

judice souffert; Considérant que, pendant le procès, ce nouveau droit d'affouage est né au profit de Gagnard, qui l'a réclamé par conclusions du 7 déc. 1888; qu'il y a donc lieu d'accueillir la demande de Gagnard, qui n'est pas une demande nouvelle; Considérant qu'il résulte des documents produits que le montant des deux coupes affouagères 1886 et 1887 a été fixé par l'Administration forestière à 21 fr. 20 c. pour la première année, et 26 fr. 55 pour la deuxième; qu'il y a lieu d'allouer cette somme à Gagnard; — Par ces motifs, - Infirme; Condamne la commune de Lys à payer à Gagnard 47 fr. 25 c. pour le prix de son affouage, etc.

Du 29 oct. 1889. — C. Bourges. MM. Bonabeau, prés.; Fabre, av. gén.; Lucas et Legrand, av.

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La femme d'un absent, non déclaré tel par le tribunal, a-t-elle droit à l'affouage? La question est assez délicate. On décide généralement qu'une femme n'a droit à l'affouage de son chef que si elle est veuve, divorcée ou séparée judiciairement, car, alors seulement elle a en principe un domicile propre; et c'est le domicile qui fixe le droit à l'affouage. Toutefois, on a été conduit, par les nécessités de la pratique, à apporter des tempéraments au principe. Ainsi, les auteurs admettent que la femme même non séparée judiciairement a droit à l'affouage du chef de son mari, lorsque ce dernier a quitté le pays sans acquérir un domicile certain dans une autre localité. Dans ce cas, le mari demeure, en droit, domicilié au lieu de son ancienne résidence, et est maintenu sur les rôles de l'affouage. La femme, qui a toujours conservé le même domicile, bénéficie alors de l'inscription de son mari sur les rôles. Il serait trop rigoureux de lui refuser cet avantage, puisqu'elle n'a aucun moyen légal d'acquérir un domicile propre, en dehors de la séparation judiciaire. (Dalloz annoté, Code forestier, art. 105, n° 178, et Répertoire, vo Forêts, nos 1798 et s.)

Par analogie de raison, nous croyons que la femme de l'absent non déclaré doit être admise aux avantages de l'affouage du chef de son mari. Car l'absent, n'ayant pas acquis de domicile nouveau en dehors de la commune (puisque son existence même est incertaine), doit pro

visoirement être maintenu sur les rôles, et la femme, seule résidente dans la commune, profite de l'inscription.

Bien entendu, si la déclaration d'absence avait été judiciairement proclamée, la femme, ayant un domicile propre, aurait doit à l'affouage de son chef.

(Journal des Communes, mars 1890.)

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1 Chasse, Gibier, Poursuite, Terrain d'autrui, Passage, Chasse à courre, Délit. 2° Amnistie, Ordre public, Office du juge, Action civile, Partie civile, Délit de chasse, Poursuites, Appel, Contrainte par corps, Dommagesintérêts, Dépens.

1 Si le chasseur qui pénètre sur une propriété privée pour y capturer le gibier, soit mort, soit forcé, ne commet qu'une contravention de simple police, il n'en est ainsi qu'autant que l'animal est à bout de forces, à un point qu'il ne puisse plus s'échapper, et qu'il soit considéré comme tombé d'ores et déjà en la puissance du chasseur 1. (L. 3 juill. 1844, art. 11.)

En conséquence, commettent le délit de chasse sur le terrain d'autrui sans autorisation, les chasseurs qui, au cours d'une chasse à courre ayant pour objet la poursuite d'un cerf, ont traversé la propriété d'autrui, si le cerf était alors loin d'être sur ses fins, et n'a été atteint qu'à une certaine distance de ce terrain 2. (Id.)

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1.-2. Jugé dans le même sens que, s'il n'y a pas de délit de chasse de la part du chasseur qui pénètre sur le terrain d'autrui pour y ramasser une pièce de gibier qui est allée y mourir après avoir été blessée par lui, il en est autrement quand le chasseur poursuit le gibier sur le terrain d'autrui pour l'y achever après l'avoir blessé, ou pour continuer la chasse : dans ce cas, le chasseur commet le délit de chasse sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire. V. Cass., 28 août 1868 (S., 1869, 1, 189. — P., 1869, 444, et la note; Limoges, 31 mars 1870 (S., 1870, 2, 87. P., 1870, 439), et les renvois. Adde: MM. Giraudeau, Lélièvre et Soudée, La chasse, 2o éd., n. 796 et s.; Leblond, Code de la chasse, t. 1o, n. 223. - L'arrêt ci-dessus rapporté admet, dans ses motifs, qu'il n'y aurait pas à relever de délit de chasse contre le chasseur, aussi bien dans le cas où celui-ci pénétrerait sur la propriété d'autrui pour y capturer le gibier déjà forcé et sur ses fins, que dans le cas où il y viendrait ramasser une pièce de gibier qui y serait venue mourir après avoir été mortellement blessée par lui. V. en ce sens, MM. Villequez, Du droit de chasse sur le gibier, p. 39; Giraudeau, Lelièvre et Soudée, op. cit., n. 135. Comp. M. Leblond, op. cit., t. Ier, n. 226. En effet, on admet assez généralement qu'il y a occupation du gibier par le chasseur, non seulement en cas de capture effective du gibier, ou dans le cas où le gibier est mortellement blessé, mais aussi dès le moment où la bête est sur le point d'être forcée et sur ses fins en telle sorte que la capture en soit imminente et certaine. V. la note sous Cass., 18 déc. 1879 (S., 1880, 1, 169. - P., 1880, 376), les arrêts et autorités citées. Comp. Cass., 3 janv. 1881 (S.. 1883, 1, 309. -- P. 1883, 1, 755); Trib. de paix de Dourdan,

2° L'amnistie est une mesure d'ordre public qui doit être appliquée d'office par les tribunaux à ceux en faveur desquels elle a été édictée, alors même qu'ils n'en réclament pas le bénéfice 1.

Mais l'amnistie laisse subsister l'action en dommages-intérêts qui appartient aux personnes lésées par l'infraction 2.

Spécialement, l'amnistie accordée par la loi du 19 juill. 1889, à raison des délits et contraventions en matière de chasse antérieurs au 14 juill. 1889, laisse aux tribunaux, saisis, au moment de la promulgation de cette loi, d'une poursuite pour chasse sur le terrain d'autrui, le droit de statuer sur la demande en dommages-intérêts formée par la partie lésée 3. (L. 19 juill. 1889, art. 5, 7.)

La Cour d'appel, saisie, au moment de la promulgation de la loi d'amnistie du 19 juill. 1889, de l'appel d'un jugement correctionnel portant condamnation pour un délit de chasse compris dans cette amnistie, peut prononcer contre les prévenus la contrainte par corps, comme sanction des dommages-intérêts et dépens accordés à la partie lésée . (L. 19 juill. 1889, art. 5, 6 et 7.)

22 févr. 1883 (S., 1886, 2, 48. P., 1886, 1, 351). Or, dès le moment où le chasseur est réputé approprié du gibier, son passage sur le terrain d'autrui pour en prendre possession effective ne peut avoir pour objet d'accomplir un fait de chasse, et ne peut dès lors constituer un délit de chasse.

1. L'amnistie a pour effet essentiel d'élever contre les poursuites à raison des délits amnistiés une fin de non-recevoir d'ordre public, à laquelle les parties ne peuvent renoncer. (V. Cass., 12 mai 1870, S., 1870, 1, 324.-P., 1870, 809, la note et les renvois. Adde: Trébutien, Cours de dr. crim., 2° éd., par MM. LaisnéDeshayes et Guiliouard, t. ler, n. 726), et qui doit dès lors être opposée d'office par les juges saisis de la poursuite, à défaut de conclusions des prévenus.

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2.-3. L'amnistie, en principe, ne préjudicie pas aux droits des tiers, et laisse subsister l'action en dommages-intérêts qui appartient aux personnes lésées par l'infraction. V. Toulouse, 19 août 1881 (S., 1882, 2, 82. — P., 1882, 1, 451); Bourges. 24 nov. 1881 (S., 1882, 2, 84. P., 1882, 1, 455); Paris, 26 nov. 1881 (S., 1882, 2, 82. P., 1882, 1, 451), et les renvois; Alger, 27 févr. 1882 (S., 1883, 2, 17. P., 1883, 1, 104). V. aussi Cass., 27 mai 1881 (S., 1883, 1, 41. P. 1883, 1, 65), et le renvoi. Adde: M. Garraud, Tr. théor. et prat. du dr. pén. fr., t. Il, n. 84, p. 145. Il en est surtout ainsi quand la loi d'amnistie réserve expressément les droits des tiers, ce qui était le cas de l'espèce, la loi du 19 juill. 1889 (S., Lois annotées de 1890, p. 622), dont l'application était en jeu, disposant expressément, dans son article 7, dernier alinéa, que « dans aucun cas, l'amnistie ne pourra être opposée aux droits des tiers ». Cette disposition paraît avoir échappé à l'attention de la Cour de Poitiers, qui, pour justifier la survivance de l'action civile en dommages-intérêts à l'amnistie, invoque ce motif que, «< dans le silence de la loi du 19 juill. 1889, il y a lieu d'appliquer le principe général suivant lequel l'amnistie ne doit pas préjudicier au droit des tiers ». Si l'action en dommagesintérêts qui appartient à la partie lésée survit à l'amnistie, quelle est la juridiction compétente pour en connaitre? On admet en général à cet égard que les juges exceptionnels, soit de première instance, soit d'appel, conservent le droit de statuer sur l'action civile, s'ils étaient saisis de la poursuite au moment de la promulgation de la loi d'amnistie. V. Cass., 16 mars 1882 (S., 1883, 1, 89. —P., 1883, 1, 180), la note de M. Esmein et les renvois. Adde: M. Garraud, op. cit., t. II, n. 34, p. 146. C'est également la solution qui ressort implicitement de l'arrêt cidessous rendu par la chambre correctionnelle de la Cour, sur l'appel d'un jugement du tribunal correctionnel.

4. L'art. 6 de la loi précitée du 29 juillet 1889, portant amnistie, dispose que >> remise est faite de la contrainte par corps aux individus contre lesquels elle peut

DE CAMPAGNE ET AUTRES C. GUIGNARD.

Le 4 juin 1889, le tribunal correctionnel de Châtellerault a rendu le jugement suivant :

LE TRIBUNAL : Attendu que des débats d'audience il résulte que, le 11 février dernier, les inculpés, à cheval, chassaient un cerf dans la forêt de Moullière, en compagnie de plusieurs autres personnes ; que, vers trois heures du soir, la bête, aux abois, sortit de la forêt, traversa la vallée de la Vienne sur le territoire de la commune de Bonneuil-Matours, à quelques centaines de mètres au-dessus d'une propriété appartenant aux consorts Guignard, et alla se jeter dans la rivière; que, l'emploi des chiens étant devenu alors inutile, les chasseurs les arrêtèrent sur une route qui se trouvait non loin de la Vienne et qui bordait la propriété Guignard; qu'un seul chien continua la chasse de l'animal et le suivit à l'eau ; - Attendu que le marquis de Campagne et Jean de Grailly, qui se trouvaient parmi les chasseurs, franchirent la route, traversèrent ladite propriété et ne s'arrêtèrent qu'au bord de la Vienne; qu'il est incontestable qu'en agissant ainsi, ils continuaient leur chasse, et qu'ils n'avaient d'autre but, en accourant sur les bords de la rivière, que de coopérer ou tout au moins d'assister à la capture de l'animal, qui en effet fut pris un peu plus bas par un batelier; que le marquis de Campagne le comprenait si bien qu'ayant appris qu'il se trouvait sur la propriété Guignard, il s'écria : « Il n'est pas trop tôt que je me retire; que, dans ces circonstances, il n'est pas douteux que les deux inculpés ont fait acte de chasse sur le terrain d'autrui; Par ces motifs; Condamne de Campagne et de Grailly, etc. »

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Appel par les prévenus. Postérieurement à cet appel est intervenue la loi d'amnistie du 19 juillet 1889.

être exercée en vertu de condamnations prononcées jusqu'au 14 juillet 1889 ». Mais cette disposition doit être rapprochée du paragraphe final de l'art. 7 de la même loi, qui réserve expressément les droits des tiers; et, de la combinaison de ces deux dispositions, il faut conclure que l'art. 6, précité, doit rester étranger à la question de savoir si les tribunaux correctionnels, saisis, au moment de la promulgation de la loi d'amnistie, de poursuites pour un délit compris dans l'amnistie, peuvent prononcer la contrainte par corps comme sanction des condamnations pécuniaires par eux accordées à la partie civile contre le prévenu amnistié. Un arrêt de la Cour de Paris, du 30 mars 1882 (S., 1882, 2, 158. P., 1882, 1, 825), a décidé, dans le sens de l'arrêt ci-dessus rapporté, que l'amnistie, survenant après que les juges correctionnels ont été saisis des poursuites, ne fait pas obstacle à ce qu'ils prononcent la contrainte par corps comme sanction des condamnations pécuniaires accordées à la partie civile. V. en sens contraire, la note de M. Esmein sur Alger, 27 février 1882 (S., 1883, 2, 17. — P., 1833, 1, 104); et M. Garraud, op. cit., t. II, ne 84, p. 146. La contrainte par corps peut-elle être exercée par la partie civile. postérieurement à l'amnistie, pour le recouvrement des condamnations pécuniaires prononcées à son profit par la juridiction répressive, lorsque le jugement ou arrêt est devenu définitif avant l'amnistie? V. pour l'affirmative, Alger, 27 fév. 1882, précité, et la note de M. Esmein. Adde, MM. Garraud, op. et loc. cit., et Darbois, Tr. théor. et prat. de la contrainte par corps, no 467.

TOME XVI. ΜΑΙ 1890.

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