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déposition du tonnelier Schmidhauser que G. n'a pas reçu la totalité des treize cent soixante-neuf pots par lui payés.

Considérant en droit :

Que d'après l'article 119 du code civil les marchandises vendues à la mesure sont au risque de l'acheteur lorsqu'elles ont été mesurées, que si même G. allègue ne pas avoir eu connaissance du mesurage du vin lorsqu'il a été effectué, il avait consenti à ce que cette opération fût faite par le tonnelier Schmidhauser, que cela résulte d'une manière plus évidente encore par la reconnaissance qu'il a faite du tonneau où son vin avait été placé, lorsqu'il a effectué un premier chargement et le paiement à diverses reprises de la totalité du prix convenu. Que rien ne démontre que l'on puisse attribuer le déficit qui a été remarqué à d'autres causes que la perte résultant de l'évaporation ou de ce que le vase aurait laissé échapper une partie du vin qu'il contenait. Le juge, en application de l'article 1119 du code civil, accorde à Ch. H. ses conclusions libératoires et condamne Fréd. G. aux frais réglés à quinze francs trente-neuf centimes, qui ont été acquittés par lui sauf ceux de la nomination d'experts montant à deux francs soixante centimes qui ont été avancés par Ch. H., et que G. remboursera à celui-ci.

Le présent jugement rendu ce jour, 28 août, a été communiqué aux parties le 4 septembre à 11 heures du matin, avec l'avis qu'ils peuvent recourir au tribunal de cassation.

Pour le juge de paix,

L'assesseur fonctionnant, Guisan.

Tout ce qui concerne l'achat, la vente et l'administration des vins ou des caves pendant le contrat et avant la délivrance ou même le paiement, est important et porte facilement de graves conséquences. Voici un jugement très-clair, bien rédigé, qui sera utile à étudier pour les agriculteurs et pour les marchands de vin.

PROCÈS CRIMINEL DE MARIE BETTEX,

DE COMBREMONT LE PETIT,

prise le 3 Octobre 1663,
jugée le 16 Octobre,

exécutée le 22 dit.

Détention, 19 jours.

(Tel est l'intitulé de la procédure dont la teneur suit.)

S'ensuit le procès criminel et confessions faictes par Marie Bettex, de Combremont-le-petit.

Détenüe prisonnière au chasteau de Lucens, soubs la préfecture et Commandement de Noble, Magnifique et très honoré Scig Antoine de Graffenried, Moderne Seigneur ballif de Moudon, au nom et pour la part de L. Ex. de Berne, nos Souverains Seigneurs.

Par noble Jacques François de Villarzel, bourgeois de Berne, Châtelain de Lucens, le 26 de Septembre 1663.

Et ce au subjet des accusations faictes contre elle, du crime de Sorcellerie, nommément par Anne Bouvin du dit Combremont, suppliciée ces jours passés au dit Lucens : Laquelle a soutenu la dite détenüe, estre sa complice en ce crime de Sorcellerie, avec des réallités

ce Le tout soustenu par confrontation faicte.

Et ensuitte la dite détenüe ayant esté visitée, La marque Sataniq lui aurait esté trouvée à l'oreille droite, apparente et bien sondée, là où c'est que la Justice de Moudon l'aurait desjà trouvée.

Et estant la dite détenüe examinée sur les divers points dont elle a esté accusée; est exhortée à confesser la vérité, et à bailler Gloire à Dieu, elle serait demeurée dans son obstination.

Par quoi elle a esté par cognaissance de l'humble Justice appliquée par trois fois à la simple corde. Et n'ayant rien voulu confesser, elle aurait été levée par cognaissance, à la première Pierre, par deux fois, sans non plus vouloir rien confesser.

Et estant sérieusement exhortée à bailler Gloire à Dieu en confessant la vérité Icelle estant levée pour la 3o fois à la d' Pierre, elle est entrée en confession de ses fautes et nommemt - du Crime de Sorcellerie, en demandant pardon à Dieu et à Leurs Excellences et à tout le Monde.

En après elle a dit et confessé que lorsque feu André Bettex, son mari, la recherchait en mariage, sa mère, assavoir la dite détenue ne voulant pas consentir à ce mariage, La dite détenüe luy fit serment de ne le prendre jamais, disant que si elle le prenait, Dieu ne l'assistat jamais.

Item a dit et confessé que quelques temps après, estant en délibération de prendre le dit André en mariage, sa mère luy opposant à cause du dit serment qu'elle avait faict de ne le prendre pas, elle entra dans la négative du dit serment, surquoi sa mère l'ayant démentie, la dite détenüe contre démentit sa mère, nonobstant qu'elle sceut bien dans son âme d'avoir faict le dit serment.

Lequel pèché elle a du depuis tousjours heu en la mémoire comme aussi le démenti qu'elle avait sur ce baillé à sa mère dont elle dit d'avoir heu grande repentance et d'en avoir demandé pardon à Dieu et à sa dite mère.

Item elle a dit et confessé, que ayant une fois baillé un bichet de bled à sa sœur, son dit Mari le lui contestant et reprochant, elle le nia avec jurement, se baillant au diable, qu'ainsi n'estait et scavait pourtant bien le contraire.

Item elle a dit et confessé que s'estant une fois conceüe du mauvais soubson contre son dit feu mari, occasion de leurs (ici un mot qu'on n'a pas pu lire), celà les aurait porté tous deux à disputer, riotter et quereller, lesquelles ayant une fois duré l'espace de huit jours, d'ou elle estant esprise de grand desplaisir contristement, Elle serait sortie de nuit hors de la maison dans le jardin derrière; et appercepvant quelqu'un, elle dit quel diable est celà: » Et s'approchant d'elle luy dit qu'il estait le diable: Et ayant réclamé Dieu, il disparut; Mais peu après se r'apparut à elle au même lieu et lui dit, qu'il estait le diable, l'induisit à renier Dieu et se bailler à luy, et

que pour autant qu'elle avait fait tous ces faux serments et fautes commises qu'elle estait déjà sienne.

Elle a confessé que lors elle délaissa Dieu son créateur, le renia et se bailla au Diable, lequel en même temps la marqua à l'oreille droite; (là où la dite marque s'est trouvée, comme dit apt: apparente et bien son déc.

Item qu'il lui baillat une espingle et de la graisse luy commandant d'en faire mourrir gens et bestes.

Item a confessé d'avoir fait mourrir un sien chat avec de cette graisse.

Item aussi un pourceau avec de la mesme graisse, laquelle elle bailla à leur serviteur appelé Deluche de Carrouge, conformément aux confessions d'Iceluy.

Item elle a dit et confessé d'avoir esté à diverses fois à la Secte* diabolique avec ses complices au lieu au Devend; Item au Riaux de Recollat.

Item elle a confessé que Anne Bouvin, suppliciée le 2 d'Octobre passé; laquelle estait la messagère de la Secte, l'allait advertir de jour et mesme l'allait querir et alloyent ensemble à la Secte avec aussi le dit Deluche, leur serviteur, conformément aux confessions tant de la dite Anne que du d' Deluche, suppliciés.

Item a confessé d'être allée à la Secte avec Claude Bettex dit d'Avaux, lequel l'allait trouver chez elle, et dès là y alloyent ensemble, comme vrays complices.

Item a confessé d'avoir aussi veu et cogneu à la dite Secte Jaques Picquerat, Pierre Decrevel et ceux qui ont esté ces jours passés suppliciés à Combremont le Grand.

Lesquelles confessions la dite délinquante a soutenu, à la troisième levation au demi quintal, estre véritables, voulant vivre et mourir à celà, En demandant pardon à Dieu, au Souverain Magistrat, à l'honnble Justice et à tous ceux qu'elle a offensés

Ensuite desquelles confessions le dit, N. S. Chastelain a faict clame criminelle contre la dite détenüe, demandant aux (ici

* On prononce maintenant chette.

une lettre initiale qu'on n'a pas pu déchiffrer) Juréz, Icelle debvoir estre adjugée et condamnée, jouxte foi de vérité.

Lesquels ayant premièrement invoqué le nom de Dieu, l'adjugée comme ses dits maléfices l'adjugent en corps et biens à L. Ex.

Et Icelle debvoir estre remise entre les mains de l'exécuteur de la haute Justice, pour estre conduite au lieu accoutumé du supplice, et estre là brulée toute vive, sur un échaffaut et son corps réduit en cendres, pour punition de ses maléfices et estre en exemple à d'autres: Et quant à ses biens Iceux debvoir estre échuz à qui de droict.

Réservé sur le tout la grâce et bon vouloir de Leurs Ex.

Faict et conclud au chasteau de Lucens, soubs le sceauq dud. Noble Seig" Chastelain et signature du Soussigné le 16 d'Octobre 1663.

La dite détenüe est humblement recommandée à L. Ex. pour son humilité et repentance.

il

y

Ainsi c'est en 19 jours qu'une femme a été arrêtée, interrogée, torturée et brûlée vive, malgré les humbles recommandations du tribunal, et ces faits ont eu lieu à une époque non éloignée, a deux siècles environ. Alors la civilisation en Europe était fort avancée, et le gouvernement de Berne passait pour un des plus éclairés de ce temps-là. - Le peuple croyait alors aux sorciers, les juges y croyaient, et les classes puissantes et instruites subissaient l'influence des préjugés contemporains -La procédure qu'on vient de lire n'a donc pas de l'intérêt uniquement par la pitié qu'inspire la pauvre et malheureuse Maric Bettex, elle intéresse encore par la lumière qu'elle jette sur l'ensemble des mœurs de nos grands. pères à une date qu'on peut appeler récente.

Aujourd'hui de telles abominations seraient rejetées partout dans notre nouvelle société.

LAUSANNE.

Le rédacteur, L. PELLIS, avocat.

IMP. DE J. S. BLANCHARD AINÉ.

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