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Ire ANNÉE.

N 40.

15 SEPTEMBRE 1853.

JOURNAL DES TRIBUNAUX

ET DE JURISPRUDENCE.

PARAISSANT LE 1er ET LE 15 DE CHAQUE MOIS.

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Question d'expropriation et de dédommagement.

EXTRAIT DU REGISTRE DU TRIBUNAL CIVIL DU DISTRICT DE

PAYERNE.

Du 13 juin 1853.

Présidence de Mr Nicod.

Présents MM. les juges Jan, Bersier, Bossy et Comte. Le greffier fonctionne. Les huissiers sont de service.

(On ne transcrit pas ici d'assez longs procès-verbaux qui semblent inutiles pour faire comprendre la question de droit qui a été décidée.)

CONCLUSIONS.

Celles du demandeur portent :

Alexandre Tapis conclut à ce qu'il soit prononcé: 1° Que la commune de Combremont-le-Petit doit soutenir par un mur ou autre soutien solide, le sol du fonds qu'il possède lieu dit au Prin, art. 1194, pl. fol. 45 du n° 6, au nord duquel elle a creusé par la ligne des bornes, perpendiculairement. Il lui offre, de lui céder contre indemnité, selon l'art. 346* du code civil,

Art. 346. Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, moyennant une juste et préalable indemnité, et en vertu d'un décret spécial de l'autorité législative.

Néanmoins l'intervention de l'autorité législative n'est pas nécessaire,

le terrain nécessaire pour établir un talus dans la dimension fixée à l'art. 44 du code rural. 2° Que cette commune doit faire les travaux nécessaires pour rétablir par une rampe la sortie de ce fonds sur le chemin. Il conclut aussi aux dépens. (Avocat JAYET.)

Celles de la defenderesse portent :

La défenderesse conclut avec confiance à libération avec dépens des fins de la demande. (Avocat Koch.)

Attendu qu'il est constant qu'au nord soit à bise d'un pré, dit au Prin, rière la commune de Combrement-le-Petit, appartenant à Alexandre Tapis, demandeur, la commune du même lieu a d'un côté fait abaisser d'un pied et demi à deux pieds sur une étendue d'environ 100 pieds courants, et d'un autre côté fait rehausser sur une étendue de 7 à 8 toises courantes environ un chemin qui longe la propriété susmentionnée du demandeur, et que par ces travaux qui ont franchi à peu près perpendiculairement la ligne des bornes (sauf la distance ci-après mentionnée) a déchaussé le fonds du demandeur et rendu l'issue de ce fonds sur la voie publique à peu près impraticable par l'endroit usité.

Attendu que si en faisant les travaux sur le chemin dont il s'agit, une pierre qui se trouvait sur la ligne séparative et qui a dû être extraite, la partie de cette pierre qui se trouvait sur le fonds d'Alexandre Tapis et qui, par son extraction au moyen entr'autres de coups de feu, a déplacé une borne qui se trouvait dessus, l'enlèvement de la partie de la pierre qui reposait sur le fonds de Tapis a eu lieu sans ordres de l'administration com

lorsqu'il s'agit d'une expropriation ayant pour cause le simple alignement des routes et chemins, dans le cas où cet alignement n'aurait pas l'effet de diviser en deux parties les fonds sur lesquels doit passer la route ou le chemin.

*Art. 44. La distance du fossé se mesure depuis le bord supérieur le plus rapproché du fonds voisin. Le fossé doit former, du côté du fonds voisin, un talus dont la base est égale à la hauteur, à moins qu'il n'y ait des ouvrages de soutènement suffisants pour empêcher l'éboulement des terres.

munale de Combremont-le-Petit, mais avec l'autorisation du demandeur.

Attendu que si les travaux de la commune de Combremontle-Petit qui ont été exécutés à la distance, en moyenne, d'en sous d'un pied de la ligne des bornes, ont rendu à peu près impraticable son issue usitée sur le chemin, il avait dans la partie inférieure de son fonds une autre issue facile.

Considérant en droit que le système du demandeur est fondé sur les dispositions invoquées dans la demande, lesquelles ressortent aussi bien pour ce qui concerne les citations du code civil que pour celles qui sont tirées du code rural, du droit

commun;

Que les ouvrages qui ont été exécutés par la commune de Combremont-le-Petit ont eu pour but une cause d'utilité publique et sur un objet qui dépend du domaine public; que si en règle de droit commun celui qui fait des creusages, excavations ou autres travaux de ce genre près d'un fonds voisin, est soumis à observer des distances et même à faire des travaux ayant pour but l'appui ou le soutien de la propriété voisine, il n'en est pas de même pour les ouvrages qui ont pour but l'utilité publique, le maintien ou l'amélioration du domaine public, attendu qu'il résulte textuellement des articles 437 et 438 du code civil que :

Les servitudes établies par la loi ont pour objet l'utilité ⚫ publique ou communale, ou l'utilité des particuliers.

D

» Celles établies pour l'utilité publique ou communale ont pour objet le marche-pied le long des eaux, la construction » ou réparation des chemins et d'autres ouvrages publics ou

⚫ communaux.

» Tout ce qui concerne cette espèce de servitude est déterminé par des lois ou des règlements particuliers. »

Considérant dès lors que le cas dont il s'agit rentre dans ceux qui se rapportent à l'utilité publique ou communale et qu'il ne peut y être fait l'application des mêmes dispositions qui seraient applicables à des particuliers, puisqu'au reste, en matière de chemins particulièrement, elles ne pourraient pas être pratiquées quant aux distances et talus à observer.

Que les dispositions du code rural postérieur au code civil n'ont apporté aucune dérogation expresse aux dispositions du code civil ci-devant transcrites, qui demeurent ainsi en vigueur et doivent, quant au principe, déployer leurs effets dans le procès actuel.

Attendu dès lors que les conclusions de la demande ne sont pas fondées et que la commune de Combremont a agi dans les limites de son droit en faisant les ouvrages qui ont donné lieu au procès;

Que toutefois, Tapis ayant éprouvé par suite des travaux de la commune des dérangements quant à l'issue de son fonds pratiquée jusqu'ici et pouvant en éprouver par le déchaussement du sol de son pré, il y aurait lieu à être indemnisé, mais que, vu qu'il n'a pas tiré de conclusions dans ce sens, le tribunal ne peut s'en occuper à ce point de vue.

Par ces motifs le tribunal, à la majorité légale, accorde les conclusions de la commune de Combremont-le-Petit, défenderesse.

Ce jugement est adopté et signé par le président et le greffier; il est lu en séance publique, à 73 heures du soir.

Le président,

(signé) A. Nicod.

Le greffier,

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Pour expédition conforme au registre.

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Déposé (le recours) au greffe du tribunal civil du district de Payerne, le lundi 27 juin 1853, à midi moins un quart.

Le greffier-substitut,
L' Sugnet.

Le présent jugement est déclaré exécutoire en vertu d'arrêt

de cassation du 31 août 1853.

Le greffier du tribunal cantonal,

Ch. Mennet, substitut.

COUR DE CASSATION CIVILE.

Du 31 août 1853.

Présidence de M. Ruffy.

Alexandre Tapis recourt en cassation contre le jugement rendu le 14 juin 1853 par le tribunal du district de Payerne dans sa cause contre la commune de Combremont-le-Petit.

Comparaît d'une part, le recourant Tapis, assisté de l'avocat Fauquex; comparaissent d'autre part, pour la commune de Combremont-le-Petit, le syndic Destraz et les municipaux Crisinel, Nicaty et Chevaley, assistés de l'avocat Koch.

L'audience est publique.

Il est fait lecture de la sentence attaquée et de l'acte de recours. Ouï les avocats de la cause.

La cour délibérant à vu qu'Alexandre Tapis a intenté action à la commune de Combremont-le-Petit en concluant à ce que celle-ci soit tenue :

1o A soutenir par un mur ou autre soutien solide le sol du fonds qu'il possède, lieu dit au Prin, au nord duquel elle a creusé perpendiculairement par la ligne des bornes, et offrant de céder contre indemnité le terrain suffisant à l'établissement d'un talus conformément à l'art. 44 du code rural.

2o Que la dite commune doit faire les travaux nécessaires pour établir par une rampe la sortie de ce fonds sur le chemin. Que Tapis se fonde pour justifier ses conclusions sur l'art. 462* du code civil, 58 et suivant du code rural et surtout sur l'article 60** du dit code, réclamant ainsi l'exécution d'une servitude légale.

*Art. 462. Nul ne peut faire creuser un puits, une citerne, ou une fosse d'aisance près d'un mur mitoyen ou non, qu'à la distance de six pieds, à moins qu'il ne fasse du côté de son fonds un mur ou contremur suffisant pour empêcher que ces ouvrages ne nuisent au voisin.

** Art. 60. Celui qui veut creuser sur son fonds un puits, une citerne. une fosse d'aisance, un étang, un canal, ou toute autre excavation, ou faire un enlèvement de terre tendant à déchausser le fonds voisin. est tenu d'observer les dispositions des articles 38 et 44 relatives aux fossés de clôture.

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