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2o Le gouvernement absolu, aristocratique et féodal de Berne était essentiellement socialiste, peut-être l'était-il comme conséquence de son essence; il convertissait, comme on l'a vu, de son autorité suprême les contrats à terme en rente perpétuelle, et cela dans un but qu'il croyait être le bien de la société.

3o Le système de Table rase est facile sur le papier et brille, en temps de crise, comme la lueur d'un éclair, mais les lois qui ont duré des siècles utilement ont leur viabilité. On peut nuire à la plante au soleil pour un moment, mais la racine repousse et reprend sa végétation en peu de temps.

4° En étudiant les motifs énoncés dans cette ordonnance pour la conservation et la régularisation des lettres de rente, on ne trouve rien de neuf, c'est exactement, sauf l'âge du style, ce qui se dit maintenant; il semblerait que cette loi fondamentale a été faite hier pour aujourd'hui.

ORDONNANCE BERNOISE.

Février 1613.

Art. 28. Contre les achepteurs et amasseurs de grenne pour la revendre.

Et d'autant, que c'est un traficq illicite et chose directement repugnante a la charité chrestienne de faire achept et grand amas de grenne, soit sur les marchez ou vers les maisons en temps de la vileté d'icelles, pour les accumuler, serrer, et garder es chambres ou greniers et en après et advenant cherté et dissete, les revendre aux nécessiteux a prix excessif et par avarice et apetit de gain insatiable, encherir la nourriture du prochain, contre toute honnesteté. A ceste cause nous interdissons et deffendons bien expressement tels achepts et amas de grenne a revendre, sous le bamp de trois livres par muids d'espeautre et six livres par muids de grenne pure en notre Pays Allemand, Et sous bamp de 5 florins par sac en notre Pays Romand. Mais quant à ceux qui acheptent des grennes pour le commerce et pour les mener et transmarcher ailleurs où l'on en a besoin, nos Baillifs et gens d'office se sauront guider envers

eux pour les punir et chatier a forme des ordonnances par nous sur ce cy devant faictes, au cas, qu'en acheptant avant l'heure establie ou en lieux et en temps deffendus, ils causeraient nécessité et désavantage à nos subjects.

A cette époque les blés russes et les farines d'Amérique étaient inconnus ou n'existaient pas. Il n'y avait que peu de commerce, on ne connaissait ni les bateaux à vapeur ni les chemins de fer. Il n'y avait pour arriver chez nous que quelques mauvaises routes sur lesquelles les transports étaient très-lents et très-coûteux. Alors notre commerce des blés était circonscrit autour de quelques marchés dans les villes vaudoises, et il était dominé par les provisions que l'Etat de Berne faisait pendant les années d'abondance. Alors ces dispositions relatives à la police des marchés pouvaient avoir leur utilité.

Aujourd'hui, les blés et les farines arrivent par mer; il en est entré depuis quelques semaines plus de 3 millions d'hectolitres dans les ports de France, et on en attend encore autant. Les chemins de fer les transporteront de là à l'intérieur en quelques heures partout où le besoin se fera sentir.

Dans cette nouvelle position des choses la frayeur chez nous des accapareurs est devenue un souvenir des temps passés, une chimérique terreur. Tous les blâtiers vaudois doubleraient leurs emplettes, les tripleraient et les décupleraient, qu'ils n'influeraient pas sur les prix, lesquels sont fixés à Marseille et au Havre par les grands arrivages.

L'essentiel est que le commerce soit libre et qu'on ne voie se mêler de ce négoce, ni les gouvernements, ni les émeutes, Les achats des gouvernements arrêtent la spéculation et les émeutes écartent les marchands et les denrées.

Erratum.

A page 176, ligne 17, on lit: que la législation vaudoise en conservant; lisez en consacrant au lieu de en conservant.

Le rédacteur, L. PELLIS, avocat.

LAUSANNE.

IMP. DE J. S. BLANCHARD Ainé.

Ire ANNÉE.

N° 14.

18 NOVEMBRE 1855.

JOURNAL DES
DES TRIBUNAUX

ET DE JURISPRUDENCE,

PARAISSANT LE 1er et le 15 de CHAQUE MOIS.

Prix de l'abonnement: dix franes par an. - On s'abonne à Lausanne, chez J. S. Blanchard aîné, rue Petit S' Jean, 3. Lettres et argent

franco.

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Taxes et expropriations.

L'expropriation fait naître une demande en indemnité en faveur du propriétaire, de l'usufruitier, du fermier, ainsi que de tous ceux qui ont un droit sur l'immeuble exproprié. Cette action devient très-compliquée lorsqu'on se rapproche des détails. L'indemnité principale est sans doute celle qui sort de la valeur du sol lui-même ou de celle des bâtiments, ou de celle des usines, mais ce n'est pas tout, il y a encore: A. les indemnités pour les constructions, plantations et récoltes. B. Les indemnités pour les arbres; en général ils doivent rentrer dans la taxe du terrain, mais dans plusieurs législations on les évalue séparément, soit parce qu'on ne prend qu'une partie du sol, soit parce qu'ayant été plantés dès l'acquisition, il ne faut pas compliquer la question du prix primitif. Quelquefois on laisse le bois au propriétaire, d'autres fois l'administration le garde, afin de pouvoir en disposer sans le contrôle de l'exproprié. Une loi française de novembre 1790 porte: « que l'estimation » des arbres fruitiers plantés sur les rues ou les chemins pu»blics, que les propriétaires riverains voudront racheter, sera » faite au capital au denier dix du produit commun annuel des >> dits arbres, formé sur les 14 dernières années, déduction » faite des deux plus fortes et des deux moindres, sauf les dé» ductions que les experts pourraient faire sur le dit capital, » d'après les localités, l'âge et l'état des arbres qu'il s'agira

» d'estimer.» Cette base, semble-t-il, pourrait servir de guide aux experts et aux législateurs futurs. C. Les pépinières sont taxées à part et en bloc d'après les règles adoptées très-généralement. D. Les mines et les carrières. On distingue entre les mines ou carrières celles dont l'exploitation est commencée et celles qui ne sont pas ouvertes; les premières devraient être taxées à part. Quant aux mines ou carrières éventuelles, elles rentrent dans l'appréciation du sol, encore faut-il que leur valeur se manifeste par des lignes extérieures indubitables. E. Moins value du restant. L'indemnité ne doit pas se borner au prix nu de la portion expropriée, elle doit comprendre tout ce qui peut occasionner perte ou dommage pour les parties restantes et morcellées, même pour la partie restante quoique non morcellée; dans cette catégorie on pourrait faire rentrer tout ce qui tient à l'investiture ou à la dévestiture, à l'irrigation et aux facilités de culture. On conçoit, par exemple, que deux triangles sont plus difficiles à labourer qu'un carré long. F. Travaux à faire et communications à rétablir. Il est évident que le propriétaire doit être indemnisé en proportion de ce qu'il aura à faire. G. Les dommages causés pendant la construction du nouveau chemin. H. L'intérêt de l'indemnité. I. Frais de remploi. Doit-on accorder cette indemnité? Non, dit-on, car l'expropriateur n'est tenu à une indemnité que pour ce qu'il acquiert. Oui, répond-on, car l'essentiel est que le propriétaire soit indemne. Peut-être que la question de fait devrait être consultée. Il y a des cas où l'économie d'un domaine est détruite ou compromise dans son ensemble par une expropriation partielle, alors le propriétaire aurait droit à une indemnité pour remploi. K. Usagers, usufruitiers, fermiers, locataires, abergataires, tout autant de cas qui pourraient être difficiles à régler. L. Les servitudes légales, acquises en tous pays aux chemins de fer, doivent faire naître une indemnité, par exemple, chemin le long des rails, abords faciles partout, éloignement des étangs et des bâtiments, distance des arbres de haute futaie ou fruitiers, excavations, remblais, passerelles, etc. Or, cette loi n'existe pas encore et les experts ne statuent rien pour ces dommages éventuels, mais inévitables.

Voilà tout autant de questions qui appellent diverses lois et qui devraient être réglées au plus tôt, fédéralement ou cantonalement.

Il y a enfin la grande question de la plus value des immeubles attaqués par l'expropriation; quelques lois veulent qu'un immeuble entamé, mais qui gagne considérablement, par exemple au moyen de l'établissement d'un chemin de fer, soit évalué eu égard à cet accroissement de valeur du restant; d'autres législations veulent que l'estimation ne tienne aucun compte de cette plus value; grande question dont l'examen nous mènerait trop loin.

Ne serait-il pas utile de régler ces points divers, surtout dans les cantons qui auront bientôt à s'occuper de chemins de fer et de toutes les questions qui s'y rattachent?

On sait bien que le mot dépréciation peut à la rigueur comprendre toutes questions, mais ce n'est pas tout qu'un mot, lorsqu'il s'agit de solutions qui dépendent de principes différents et pour lesquelles l'unité en Suisse serait un grand bien.

On assure qu'il va y avoir un recours sur les taxes qui ont eu lieu fédéralement ensuite d'expropriation pour le chemin de fer en construction de Morges à Yverdon. Le tribunal fédéral sera convoqué, peut-être viendra-t-il sur les lieux, peut-être enverra-t-il une délégation, peut-être ira-t-on de nouveau plaider à Berne. Dès que les faits se seront développés et seront mieux connus, on en parlera avec détails dans les numéros suivants.

Le tribunal de guerre fédéral va être réuni à Neuchâtel pour un jugement concernant un abus ou un délit dont est prévenu un membre du commissariat des guerres. On sera au courant.

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