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I'° ANNÉE.

N° 16.

15 DÉCEMBRE 1853.

JOURNAL DES TRIBUNAUX

ET DE JURISPRUDENCE,

PARAISSANT le 1er et le 15 de CHAQUE MOIS.

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Prix de l'abonnement: dix francs par an. — On s'abonne à Lausanne, au bureau du journal, chez L. Pellis, avocat. Lettres et argent franco.

Droit fédéral.

LOI SUR LA JUSTICE PÉNALE POUR LES TROUPES FÉDÉRALES.

Art. 394. Lorsque l'accusé a été déclaré non coupable et acquitté du délit dont il était accusé, et que le grand-juge ou le tribunal trouve néanmoins qu'il s'est rendu coupable d'une faute de discipline, il y a lieu de prononcer le renvoi aux officiers de police judiciaire compétents (art. 212) pour être statué par eux.

Si le renvoi n'est pas ordonné, l'individu acquitté ne peut être soumis à aucune peine de discipline pour le fait en raison duquel il a été traduit.

Cet article est contraire à nos idées vaudoises: non bis in idem. Chez nous un prévenu libéré ne peut même pas être remis en jugement sous prétexte de preuves nouvelles. Il est certain cependant que le principe admis par la loi fédérale tend à maintenir une discipline sévère et sérieuse dans l'armée fédérale. On n'ignore pas que les milices ont besoin de lois répressives plus complètes que les troupes de ligne, chez lesquelles l'ordre marche tout seul et de longue date.

L'article 212 est rédigé comme suit :

Art. 212. L'ordre de faire une instruction judiciaire sur un délit est donné par le commandant auquel appartient la police Judiciaire sur l'inculpé ou sur le corps dont celui-ci est réputé aire partie.

La police judiciaire est exercée :

a) Par le général : sur tous les colonels fédéraux placés immédiatement sous ses ordres, sur son état-major, sur ses secrétaires et autres employés.

b) Par le commandant d'un corps d'armée : sur tous les colonels fédéraux placés immédiatement sous ses ordres, sur son état-major, sur ses secrétaires et autres employés. c) Par le commandant d'une branche de l'état-major sur cette branche de l'état-major ;

d) Par le commandant d'une division sur les commandants de brigade de cette division, sur son propre état-major, sur ses secrétaires et autres employés.

e) Par le commandant d'une brigade sur les chefs de corps de sa brigade, sur son état-major, sur ses secrétaires et autres employés.

f) Par le commandant d'un corps de troupes, placé sous les ordres immédiats de l'état-major d'une brigade, ou de l'état-major général: sur les militaires appartenant à ce corps de troupes.

g) Par le commandant d'une place ou d'un détachement : sur les militaires placés sous ses ordres.

L'article 214 prévoit le cas où l'accusé ne se trouverait plus au service au moment où le délit est dénoncé.

Art. 214. Lorsque l'inculpé ne se trouve plus au service à l'époque où est dénoncé le délit qui lui est imputé, l'ordre d'ouvrir une instruction est donné par le Conseil fédéral. Le Conseil fédéral peut également exercer lui-même les attributions de la police judiciaire à l'égard des troupes qui sont à un service d'instruction, ou en charger un officier ou un fonctionnaire civil.

On assure que le capitaine Frédérich Röthlisberger vient d'être déféré au Conseil fédéral pour être puni disciplinairement, nonobstant et vu sa libération du 12 novembre 1853, prononcée à Neuchâtel; le tout conformément aux articles qui viennent d'être cités.

On tâchera d'être au courant des faits qui vont suivre.

Droit fédéral.

Voir le numéro 11, page 169.)

COUR DE CASSATION CIVILE.

Séance du 29 novembre 1855.

Edouard Dumont-Perret, représenté par le notaire Rod, s'est pourvu en cassation contre le jugement du tribunal civil du district d'Yverdon, en date du 23 septembre 1853, rendu dans sa cause contre Henri Potterat.

L'avocat de Miéville se présente pour soutenir le recours. Louis Cordey comparaît au nom d'Henri Potterat, il est assisté de l'avocat Fauquez.

Le procureur général n'intervient pas.

L'audience est publique.

Il est fait lecture du jugement attaqué et de l'acte de recours; la procédure a été lue en particulier par chaque juge. Ouï les avocats de la cause.

La cour délibérant a vu qu'il est constant au procès que le procureur Potterat a opéré en son nom, le 8 juillet 1853, la saisie suivie de séquestre de divers objets meubles, au préjudice d'Edouard Dumont, citoyen suisse, domicilié à la Chauxde-Fonds, qui était alors en passage à Yverdon, où le séquéstre a été exécuté;

Que la saisie a été pratiquée pour le paiement de 4347 fr. 83 c. en capital et intérêts d'une cédule du 2 juin 1846, souscrite par Dumont et faisant actuellement en faveur de Potterat comme co-débiteur ayant payé la valeur du titre;

Qu'Edouard Dumont a opposé à la saisie et à ouvert action au séquestrant, en concluant au maintien de l'opposition, à la nullité du séquestre et au paiement de 1000 fr. à titre de dommages et intérêts;

Que résolvant les questions de fait posées aux débats, le tribunal civil a déclaré que Dumont a quitté Lods sans faire face à ses engagements;

Qu'il est de notoriété publique que Dumont était insolvable;

que les poursuites dirigées par Potterat contre lui ont été infructueuses et que le séquestre a causé un dommage à Dumont;

Que le tribunal civil jugeant, a accordé les conclusions libératoires de Potterat;

Que Dumont s'est pourvu en cassation par divers moyens, dont un de nullité qui consiste à dire, que le tribunal a refusé de poser des questions de fait de nature à exercer de l'influence sur le jugement, notamment celles qui demandent, si une preuve autre que par titres avait été opérée et si les parties avaient été interrogées.

Considérant que les opérations qui ont eu lieu dans les débats sont consignées au procès-verbal de l'audience; que l'absence de mention de telle ou telle opération fait présumer, jusqu'à la preuve du contraire, que l'opération n'a pas eu lieu;

Que l'on voit par le procès-verbal des débats de la cause qu'aucune preuve autre que celle résultant des titres n'a été opérée, sauf l'audition du témoin Parisod, et que les parties n'ont pas été interrogées;

Qu'il était ainsi sans utilité de poser et de résoudre les deux questions susmentionnées, qu'en outre ces questions étaient sans influence sur le jugement, puisqu'il importait peu, dans cette situation, de constater séparément que la conviction du juge résultait de l'examen des titres ou d'éléments différents. La cour écarte ce moyen.

Statuant ensuite sur le moyen de réforme motivé sur la violation de l'art. 50 de la constitution fédérale, en ce que le texte et l'esprit de cet article ne permettent pas que les biens d'un Suisse solvable, ayant domicile en Suisse, puissent être saisis ou séquestrés dans le canton de Vaud par le seul fait que ce domicile n'est point dans son territoire.

Considérant que le jugement du tribunal d'Yverdon fait une distinction entre l'action personnelle, soit réclamation personnelle contentieuse contre le débiteur, et la poursuite d'exécution soit saisie ou séquestre opéré sur ses biens meubles; qu'ensuite de cette distinction il a admis que les biens des Suisses non domiciliés dans le canton peuvent dans tous les cas être séquestrés, conformément à la loi vaudoise sur la pour

suite pour dette, qui permet le séquestre en vertu d'un titre et même sur simple prétention, lequel séquestre ne serait que l'exécution de la réclamation personnelle, mais n'est pas l'action elle-même.

Considérant que les termes dans lesquels l'article 50 de la constitution fédérale est conçu ne permettent pas de faire la distinction entre l'action contentieuse et l'action en exécution ou le séquestre ;

Que cette disposition réserve d'une manière générale le droit du débiteur suisse, solvable, d'être clamé devant le juge de son domicile pour réclamations personnelles, et que comme développement de cette garantie les biens de ce débiteur ne peuvent être saisis ou séquestrés hors de ce domicile.

Considérant dès lors que pour toute réclamation qui est personnelle, résultant soit d'un jugement, soit d'un titre ou de simples prétentions, il y a lieu d'agir par devant le juge naturel du débiteur en vue soit de faire reconnaître ou constater la dette, soit de saisic, pour obtenir paiement;

Que la loi vaudoise sur la poursuite (art. 121, § a) n'a pas la portée que lui attribuc le jugement d'Yverdon en ce qui concerne le Suisse solvable et domicilié dans un autre canton.

Considérant que d'après ce qui précède la partie du jugement qui se fonde sur la distinction susmentionnée pour admettre la validité du séquestre opéré au préjudice de Dumont, Suisse domicilié au canton de Neuchâtel, et cela indépendamment de l'examen de la solvabilité de ce débiteur, ne peut subsister et doit être réformé dans le sens de ce qui est dit cidessus, par application de la constitution fédérale et sans distinction entre l'action et l'exécution.

Passant à l'examen du second moyen, qui consiste à dire que le jugement a mal apprécié les titres et la loi, en en faisant découler la position d'insolvabilité pour le recourant, puisque cette position juridique ne peut résulter que de la faillite, soit de la discussion des biens, ou de circonstances qui n'existent pas dans l'espèce.

Considérant que la seule réserve faite par la disposition constitutionnelle suscitée en faveur du Suisse domicilié dans un

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