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praticiens ne sont pas d'accord, que les justices de paix envisagent cette question diversement et qu'il y a des arrêts contraires.

Un notaire très-expert a eu l'obligeance de rédiger son opinion, qui est d'accord avec la jurisprudence de quelques tribunaux et avec celle, assure-t-on, de la justice de paix de Lausanne. Voici sa rédaction :.

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« L'art. 1063 du code civil statue que le mari seul a l'ad>> ministration des biens de sa femme.

» L'art. 1090 dit que le mari est tenu d'assurer la restitu>tion de tous les biens mobiliers qu'il reçoit de sa femme à l'é>poque du mariage et durant le mariage, tels que créance, argent comptant ou autres valeurs.

» L'art. 10651, qui paraît être le corollaire du 1090, préD voit deux espèces de reconnaissance à faire par un mari à sa D femme quant au mobilier, l'une qui lui transfère la pro» priété, l'autre qui la laisse à la femme et qui n'a pour but » que de constater l'apport des meubles dans le domicile con>> jugal.

» Il résulte de ces divers principes :

▷ 1° Que le mari est seul habile à disposer des deniers de » sa femme pour des acquisitions ou autres usages;

D Que la femme qui n'administre pas ne peut par conséquent appliquer ses capitaux à l'achat de meubles;

D3° Que chaque fois qu'une femme a des deniers disponi▷bles le mari peut en disposer, moyennant reconnaissance, D assignats, caution ou régie;

» 4° Que si les biens de la femme consistent en un mobilier, » le mari doit en constater l'apport dans le domicile conjugal > par une reconnaissance en justice, soit qu'il devienne ou non » propriétaire des objets dont il s'agit;

» 5o Les précautions exigées par la loi, quant aux biens des » femmes, ont deux buts :

» a) De lui assurer la reprise de ses biens vis-à-vis des héritiers ou des créanciers du mari.

b) De prévenir les fraudes qui pourraient être commises

au préjudice des créanciers du mari. Or la juris

prudence admise par la cour de cassation va à l'encontre de ces principes et de la pratique constante suivie jusqu'à maintenant, puisque en autorisant une femme à acheter des meubles, on permettra au mari de fournir les deniers propres à cette acquisition et de frustrer ainsi ses créanciers pour enrichir sa femme. >>

L'arrêt du 17 janvier 1854 semble établir des principes bien préférables. L'art. 1092 porte que la reconnaissance aura lieu lorsque le mari aura reçu des valeurs pécuniaires ou qu'il aura dénaturé le mobilier ou les créances qui appartenaient à sa femme. Le texte ne prête pas à équivoque. Ce n'est pas avant que le mobilier soit dénaturé qu'il y a lieu à reconnaissance.

L'art. 1065 statue que lorsque le mari a fait reconnaissance du mobilier il en devient propriétaire, donc il ne l'était pas avant. Cet article est là pour conférer aux deux époux et aux deux familles le choix de laisser à la femme la propriété des meubles, alors point de reconnaissance, ou de les dénaturer par une vente au mari, suivie d'une reconnaissance qui assure la restitution du prix convenu.

L'art. 1067 donne au mari toutes les actions qui naissent de la propriété, dès qu'il est devenu propriétaire.

L'art. 1068 ne donne au mari que les actions possessoires comme celle de l'usufruitier, lorsque la femme a conservé la propriété.

Il suit de ces deux articles que la position est conservée aux époux avec toutes ses conséquences légales pendant toute la durée du mariage, suivant qu'ils ont voulu que la femme demeurât propriétaire ou pas.

Enfin, il faudrait un texte de loi précis pour obliger les tribunaux à dépouiller une femme de ses meubles; or il n'en existe point, et dans le doute, sa propriété doit être respectée tant qu'elle n'est pas dénaturée; il en est différemment lorsque le mari devient propriétaire et le débiteur du prix.

La reconnaissance du mobilier, faite avec la réserve que la propriété est conservée à la femme, ne saurait sans doute lui

nuire, elle faciliterait la preuve quelquefois difficile de l'identité, mais aucune loi ne l'exige.

La doctrine consacrée par la cour de cassation, paraît être en même temps équitable, conforme au texte du code, et de tout point d'accord avec l'esprit de nos institutions.

Tribunal cantonal.

COUR DE CASSATION CIVILE.

17 janvier 1854.

Présidence de M. Jan.

- Bernard Kaupert s'est pourvu contre la sentence du juge de paix du cercle de Collombier, en date du 21 novembre 1853, rendue dans sa cause contre Jacques Mathieu, à St-Prex. L'audience est publique.

Il est fait lecture de la sentence attaquée et de l'acte de re

cours.

Délibérant d'abord sur le moyen de nullité consistant à dire que les considérants de fait de la sentence ne sont que la répé– tition du langage ou des prétentions des parties, sans aucune appréciation de ce langage (art. 255 § 2, 302 du code de procédure civile):

La cour considérant que le juge de paix a suffisamment constaté les faits de la cause en admettant que Mathieu a fourni des échalas en 1851 et 1852 à Kaupert pour 108 fr. 70 cent., selon le compte même de ce dernier, et que Mathieu n'admet pas à son débit le vin réclamé par Kaupert, qu'il dit avoir payé. Ce moyen est écarté.

Statuant ensuite sur le moyen de réforme motivé sur la fasse application de l'article 972, § 1 et 2, du code civil et de l'article 1008, en admettant l'aveu de Mathieu d'avoir reçu le vin de Kaupert comme indivisible d'avec la prétention du paiement de ce vin et en imposant à Kaupert la preuve de l'obligation:

Considérant que la loi attache, dans l'article 1008 du code civil, une présomption légale à certains faits, tels que l'aveu de la partie;

Que d'après cette force attribuée à l'aveu judiciaire il ne peut être divisé contre la partie qui le fait; que d'après l'article 5 du code de procédure civile le juge apprécie les faits selon ces règles;

Que la sentence attaquée est conforme à ces dispositions, et qu'en exigeant de Kaupert la preuye de l'obligation de Mathieu indépendamment de l'aveu indivisible, le juge n'a fait que d'appliquer la loi et d'observer l'art. 972 du code civil.

La cour de cassation civile rejette le recours, maintient la sentence, en ordonne l'exécution, et condamne Bernard Kaupert aux dépens résultant du recours.

La preuve résultant de l'indivisibilité de l'aveu est le terme suprême de la preuve légale. Le principe en est placé dans le code civil et les tribunaux doivent en maintenir l'existence. Mais, on ne saurait le nier, ce principe figure bizarrement à côté de la preuve par conviction morale qui domine dans le code de procédure civile. - Voir sur cette matière et sur l'article 1008 le commentaire de M. Ch. Secretan, professeur.Dans plusieurs codes nouveaux qui conservent pourtant la preuve légale, on en est arrivé à laisser sur cette espèce de preuve légale, appelée indivisibilité de l'aveu, un pouvoir discrétionnaire au tribunal, pour régler les preuves à faire s'il y en a de possibles; sinon c'est la conviction morale, mais seulement alors, qui devient le guide du juge. Chez nous c'est l'inverse.

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Encore un avis important

concernant les jugements des juges de paix.

COUR DE CASSATION CIVILE.

19 janvier 1854.

Présidence de Mr H. Jan.

Le procureur Clerc, à Morges, au nom de Moïse Berney, s'est pourvu contre la sentence du juge de paix du cercle de La Sarraz, en date du 3 décembre 1853, rendue dans sa cause contre les frères Abram et Frédéric Biolley, de Moiry.

L'audience est publique.

Sur l'avis du jour du jugement fixé à hier, le procureur Clerc s'est présenté au greffe hier 18 janvier, et a fait inscrire sa comparution.

Il est fait lecture de la sentence attaquée et de l'acte de

recours.

La cour délibérant, a vu que dans la cause sur opposition à saisie, qui s'est élevée entre parties, Moïse Berney s'est prévalu d'une exception motivée sur ce que l'acte de défaut de comparution obtenu contre lui n'était pas régulier, à raison de l'irrégularité de la citation;

Que vu l'heure avancée de l'audience du juge, les parties ont consenti à ce que le jugement sur l'exception présentée intervînt dans la quinzaine, sous réserve de présenter plus tard leur moyen au fond;

Que le juge a rendu sa sentence sur l'exception, mais ne s'est pas occupé du fond, et que Moïse Berney s'est pourvu contre le jugement.

La cour s'occupe d'abord de l'exception préjudicielle élevée d'office sur l'opportunité du recours porté en cassation, séparément du jugement au fond.

Attendu que, selon l'art. 299 du code de procédure civile, le juge de paix prononce par un seul jugement sur tous les moyens exceptionnels et sur le fond; qu'ainsi il n'y a pas lieu à rendre des jugements distincts et séparés sur les incidents et

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