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Considérant qu'aucun des héritiers testamentaires ou naturels du défunt Delaporte n'a accepté la succession ; que les héritiers institués l'ont expressément refusée et les héritiers abintestat ne se sont point présentés alors qu'elle a été offerte aux plus habiles à la recueillir.

Que, dans cette position, il y a eu lieu, de la part de l'autorité compétente, à faire l'office attribué à l'héritier, à savoir l'inventaire, l'estimation, la vente des biens, puis le paiement des dettes et la liquidation des charges.

Considérant que d'après les nécessités résultant du refus absolu d'acceptation de la succession d'un défunt, les dispositions des lois sur les successions peuvent n'avoir aucune application dans les cas où il y a liquidation juridique, puisque les biens peuvent être égaux ou inférieurs en valeur aux dettes et aux charges de la succession, ensorte que le défunt est alors sans héritier.

Qu'en refusant la succession à laquelle il est appelé, l'héritier ab-intestat renonce par là à se prévaloir de son droit d'héritier, et qu'il ne peut plus être apte à recevoir quoi que ce soit de la succession, comme héritier habile, que dans les conditions et dans les limites prescrites, c'est-à-dire, après qu'il a été satisfait par la discussion à toutes les dettes et charges.

Que son droit de prendre ne vient qu'après celui du légataire, lequel est au bénéfice d'un titre qui grève la succession d'une charge à laquelle il doit être satisfait avant que de remettre au plus habile ce qui restera après la discussion (art. 718 du code civil).

Que, d'après cela, l'héritier, qui est appelé comme étant le plus habile à recevoir l'excédant, ne peut prétendre de faire réduire les legs, afin de recevoir le tiers de la succession.

Considérant qu'en jugeant comme il l'a fait, le tribunal civil a méconnu les dispositions de nos lois relatives aux droits des légataires et a mal appliqué l'art. 718 du code civil.

La cour de cassation civile admet le recours, casse le jugement du tribunal civil, accorde, en conséquence, les conclusions des demanderesses Debonneville et veuve Delaporte, leur accorde, de même, les dépens tant de la cause que de cassation, et déclare le présent arrêt exécutoire.

Il résulte de cet arrêt que lorsque des héritiers testamentaires ont répudié une succession et que lorsque les héritiers ab-intestat ne se sont point présentés, il appartient à l'office de procéder à l'inventaire, à l'estimation, à la vente des biens, au paiement des dettes et à la liquidation des charges; que le testament devenu caduc quant aux héritiers vaut comme codicille quant aux légataires; que les légataires n'ont pas besoin d'intervenir comme les créanciers au bénéfice d'inventaire; que les legs font partie des charges connues de la succession et qu'ils doivent être payés intégralement. Les héritiers les plus habiles à recevoir l'excédant ne peuvent plus faire réduire les legs aux fins de retrouver le tiers que d'ailleurs la loi leur attribue. Ils sont censés avoir renoncé à cette prérogative, en refusant le fardeau de la liquidation et de la solidarité.

Le 11 janvier 1853 la cour de cassation a admis un recours de Mr R. et a renvoyé la cause devant le juge de paix de Payerne. (Voir le n° 3 du journal des tribunaux, page 45.) Voici le jugement rendu à Payerne. Il est bon de les comparer.

Juge de paix du cercle de Payerne.

Du 1er mars 1853.

Ensuite de décision prise d'office à l'audience du 22 février dernier, appointe sur aujourd'hui le jugement de la cause pendante entre J.-L. R., demandeur, et J.-S. M., défendeur;

Le juge de paix passant à ce jugement,

Vu les conclusions des parties:

1o Celles du demandeur, à ce que par sentence avec dépens il soit prononcé: 1° Que la saisie qui lui a été signifiée le 5 août 1852 par le procureur-juré F., mandataire de J.-S. M., est nulle; 2o que cette saisie étant abusive et vexatoire, il doit lui acquitter, à titre de dommages-intérêts, cinquante francs, sous modération de justice s'il y a lieu.

2o Celle du défendeur, au maintien de sa saisie pour la première valeur qui y est mentionnée.

Sur quoi considérant en fait :

1° Qu'en exécution de la sentence rendue par le juge de paix du cercle de Grandcour ou son premier assesseur, le 18 mars 1852, le demandeur R. a acquitté au procureur-juré F., mandataire du défendeur M., la somme de quarante francs trente-cinq centimes, imputée par ce dernier au paiement des frais, copie, vacation, etc., de la dite sentence, ainsi qu'il résulte de l'extrait du registre du procureur-juré F.

2o Que la réclamation qui avait donné lieu à la sentence du 18 mars 1852 consistait en une liste de frais qui n'était point encore réglée du paiement susmentionné, attendu que ce règlement n'eut lieu que le 17 avril 1852 par l'assesseur F.

3° Que, bien que le paiement effectué par le demandeur au procureur F. ne comprenait pas le montant de la susdite liste de frais réglée à 43 fr. 80 cent., le titre, soit la copie de la sentence originale portant la déclaration d'exequatur, fut remis acquitté au demandeur R., ainsi que le conste le reçu inscrit en marge, ainsi conçu:

J'ai reçu de Jean-Louis R. 40 fr. 35 cent. pour montant >> de la sentence ci-dessus et frais.

» Payerne, le 14 avril 1852.

» (signé) Pour F., procureur-juré, Husson. » 4o Que cette remise eut lieu volontairement, la preuve contraire n'ayant pas été entreprise.

5° Que le 5 août 1852, au moment où la saisie était instée par le procureur-juré F. au demandeur R., le titre, soit la sentence originale qui fondait cette saisie, se trouvait en mains de ce dernier.

Puis statuant en droit sur les moyens invoqués par le demandeur dans son exploit d'opposition :

a) Attendu qu'il est établi au procès que le défendeur M. ou son mandataire à l'époque de la notification de sa saisie n'était point détenteur du titre en vertu duquel il devait agir, puisque au contraire le titre se trouvait acquitté en mains de R., auquel il avait été remis volontairement par le mandataire de M.

b) Attendu qu'en vertu des articles 1 et 2 de la loi du 12 mars 1846 sur la poursuite pour dettes, une saisie ne peut être instée qu'en vertu d'un titre exécutoire en la posses

sion du saisissant, et que toute saisie non instée en vertu d'un pareil titre est nulle.

c) Considérant en outre que d'après l'article 956 du code civil, la remise volontaire du titre fait présumer la remise de la dette, sans préjudice de la preuve con traire.

Quant au moyen invoqué verbalement à l'audience par le défendeur et qui consiste à alléguer que sa saisie a été instée en vertu de la liste de frais réglée le 17 avril 1852.

Considérant que cette liste de frais n'est devenue titre exécutoire propre à fonder une saisie que par le jugement du 18 mars, dont la remise volontaire a été faite au sieur R. ; que l'exploit de saisie ne mentionne pas que c'est en vertu de cette liste de frais qu'elle est instée, mais bien en vertu du dit jugement. Par ces motifs le juge de paix rejette ce moyen.

Sans entendre préjuger la valeur légale de la remise du titre que le sieur M. aura toujours le droit de contester au moyen d'une action nouvelle qu'il pourra intenter à R., par les motifs développés en droit, et vu de plus les art. 1 et 2 de la loi du 12 mars 1846 sur la poursuite pour dettes et 956 du code civil, Le juge de paix prononce :

Les conclusions du demandeur énoncées sous § 1 lui sont accordées.

Le défendeur M. est condamné aux frais résultant de cette sentence réglés à 36 fr. 85 cent.

Il est de plus condamné aux frais de la sentence rendue le 4 octobre 1852 par le juge de paix du cercle de Grandcour. Puis, statuant sur la question de dommages-intérêts réclamés par le demandeur, et considérant que le seul fait de la remise d'un exploit de saisie ne lui a nullement été préjudiciable et encore moins vexatoire, et cela d'autant moins qu'il n'est établi au procès qu'il ait éprouvé de dommages sérieux;

pas

Le juge de paix rejette la demande du demandeur quant aux dommages-intérêts.

Le présent jugement a été rendu à Payerne le 1er mars 1853, à deux heures du jour. Givel-Ney, juge de paix.

Le rédacteur, L. PELLIS, avocat.

LAUSANNE.

IMP. DE J. S. BLANCHARD ainé.

Ire ANNÉE.

N° 7.

1er AOUT 1853.

JOURNAL DES TRIBUNAUX

ET DE JURISPRUDENCE,

PARAISSANT LE 1er ET LE 15 DE CHAQUE MOIS.

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Prix de l'abonnement: dix francs par an. On s'abonne à Lausanne, chez J. S. Blanchard aîné, rue Petit S' Jean, 3. Lettres et argent franco.

Droit fédéral.

Le conseil fédéral vient d'arrêter la formation d'un tribunal militaire fédéral qui siègera à Moudon avec un jury militaire en application de la loi fédérale du 27 août 1851. Cette loi, très-peu et trop peu connue, a organisé le jury auprès des tribunaux militaires fédéraux, et elle impose aux cantons l'obligation d'instituer leurs tribunaux militaires sur les mêmes bases. Il sera bien utile de suivre les mouvements de cette nouvelle machine. — Voici quelques notes détachées sur divers points essentiels qui sont fixés dans cette loi.

L'art. 1er porte :

Sont soumis aux dispositions du présent code:

a) Toutes les personnes qui sont au service militaire fédéral ou cantonal ou sur l'état de situation d'une troupe au service militaire fédéral ou cantonal.

Qu'on y fasse bien attention, les militaires au service cantonal sont soumis aux tribunaux organisés à la manière fédérale. On l'a voulu ainsi pour faire disparaitre la bigarrure d'une multitude de lois surannées et hors de l'ensemble de l'organisation générale de la Suisse. Cette disposition doit avoir pour effet de supprimer tous les tribunaux militaires cantonaux et de les remplacer par le jury fédéral. On pourrait même soutenir, sans réfutation qu'on puisse prévoir, que les anciens tri

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